Interview par Léa Stocky

Jean-Pierre Nsame : « Mon caractère m’a toujours permis d’être là où on ne m’attend pas »

L’attaquant des Young Boys de Berne nous explique comment il prend soin de son corps et de son esprit au quotidien.

Nommé meilleur buteur du Championnat de Suisse durant trois années, Jean-Pierre Nsame a su s’imposer dans le paysage sportif helvétique grâce à sa combativité et sa philosophie de vie. Dans cette interview, l’attaquant des Young Boys de Berne se confie sur sa passion, le football, et ses habitudes pour prendre soin de son corps et de son esprit au quotidien.

Jean-Pierre Nsame, quels sont les trois adjectifs qui vous décrivent le mieux ?

La droiture, car je suis quelqu’un qui aime tenir ce qu’il dit. En deuxième lieu, je suis travailleur. Peu importe ce que je fais, j’essaie toujours de m’y investir à 100 %. Enfin, la résilience me permet de pouvoir avancer dans la vie de tous les jours, quel que soit les obstacles et les domaines. Je ne me laisse pas abattre.

Jean-Pierre Nsame durant la finale de la Coupe suisse le 4 juin 2023

Jean-Pierre Nsame durant la finale de la Coupe suisse le 4 juin 2023. Image: Thomas Hodel

Quand et comment avez-vous découvert le football ?

Ma mère a toujours l’art de me répéter que c’est un ballon de foot qui m’a fait marcher. J’ai en effet commencé à me déplacer très tôt. J’ai essayé plusieurs sports, comme le tennis et le basket, mais ça finissait toujours au pied (rires). Si ces sports me plaisaient, le foot prenait toujours le dessus car j’y consacrais plus de temps. C’est donc avant l’âge de 10 ans que j’ai décidé que je voulais devenir joueur professionnel, comme ceux que l’on voit à la télé !

Qu’aimez-vous dans ce sport et que vous apporte-t-il ?

Je rentre tout le temps sur le terrain avec cet objectif : donner du plaisir aux gens. Je me dis toujours qu’un jour, il se peut qu’un enfant ou un parent vienne au stade pour la première fois sans vraiment aimer le foot, peut-être parce qu’ils accompagnent un proche, mais qu’ils repartent le cœur joyeux, contents d’avoir vu un bon match.

Le foot est également un sport qui unit les gens. Je pense notamment aux Coupes d’Europe et du Monde et aux Ligues des Champions, lorsque des millions de personnes se réunissent devant un match, et ce quelle que soit leur nationalité. Il n’y a plus de différences entre les gens.
D’un point de vue personnel, le foot me permet de voyager et de découvrir différentes cultures. Je suis aussi plus ouvert sur les autres. Parfois, on est trop pris dans notre quotidien et on se fait du soucis pour rien. Voir comment ça se passe ailleurs et comment les gens vivent nous permet de prendre du recul sur nos propres situations. J’ai une plus grande conscience des choses et je suis aujourd’hui plus empathique.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière jusqu’ici ?

J’en choisirais deux. Il y a trois ans, mon équipe et moi avons joué contre Porto en Europa League. Mon frère adoptif, avec qui je suis très proche, est fan de Porto. Quand on est allé jouer au Portugal, je l’ai invité et c’était la première fois qu’il allait voir un match de son équipe favorite sur place. Son équipe a gagné mais son frère a marqué ! Ce moment spécial restera gravé à vie car il s’agissait d’une manière pour moi de lui dire que je l’aime.

Le deuxième est le titre que nous avons gagné en 2018, le premier depuis 32 ans !

En 2017, vous rejoignez le Berner Sport Club Young Boys, équipe avec laquelle vous avez remporté le Championnat de Suisse à cinq reprises ainsi que la Coupe de Suisse en 2020. Que représentent ces victoires pour vous ?

Quand on gagne un titre, toute une ville est heureuse, parfois même tout un canton ! Voir ces gens dans la rue pour fêter ce titre avec nous, presque 80 000 personnes en plus des spectateurs présents dans le stade, a suscité chez moi énormément d’émotions. Ces victoires sont en effet une récompense pour tout le travail que je fais depuis que je suis petit. J’ai toujours voulu être une bonne personne et un bon joueur, et ces titres confirment ma progression. C’est donc une double joie, collective et personnelle !

En tant que meilleur buteur du championnat de Suisse en 2020, 2021 et 2023, ainsi que meilleur joueur du championnat de Suisse, ressentez-vous une certaine pression ?

Je ne ressens pas de pression négative car je me dis que c’est juste du foot, finalement. La pression est pour moi plutôt positive : j’ai envie d’être bon pour mon équipe et pour les gens qui sont au stade. Elle m’aide à aborder chaque match avec l’envie de prendre du plaisir sur le terrain et terminer un match avec le sourire. Même dans la défaite, les spectateurs peuvent être contents d’avoir vu un bon match. On appelle ça une bonne défaite. J’ai la chance de faire ce que j’aime, c’est pourquoi je donne toujours mon maximum.

Quelle est votre recette au quotidien pour vous libérer du stress de la journée ?

Une fois que je sors du stade, si je prends toujours un peu de temps pour discuter avec l’équipe du match, je ne reste jamais très longtemps car j’aime être au calme. Rentrer à la maison en compagnie de ma famille me permet de me déconnecter. Sinon, j’ai du mal à me détacher du stress du match et j’ai tendance à ressasser ce qu’il s’est passé. Je fais aussi des activités qui m’aident à me relaxer, telles que la lecture.

Quels obstacles avez-vous pu rencontrer tout au long de votre parcours ?

J’ai été blessé il y a deux ans. Il s’agissait de la première grosse blessure de ma carrière. Toutefois, cette épreuve n’a pas été aussi dure pour moi qu’elle aurait pu l’être pour quelqu’un d’autre. Mon état d’esprit était positif et j’ai évité de me poser trop de questions telles que celle de savoir ce que j’aurais pu faire pour l’éviter. Quand on fait du foot, on sait que les blessures peuvent survenir à n’importe quel moment. J’ai donc pu accepter la blessure plus rapidement et me projeter sur ma récupération.

Jean-Pierre Nsame durant la finale de la Coupe suisse le 4 juin 2023. Image: Thomas Hodel

Jean-Pierre Nsame durant la finale de la Coupe suisse le 4 juin 2023. Image: Thomas Hodel

Une autre difficulté que j’ai pu rencontrer est le fait que, depuis que j’ai commencé le foot, je n’ai jamais été dans les premiers choix des joueurs. Cependant, mon caractère m’a toujours permis d’être là où on ne m’attend pas et de m’imposer par mon travail, ma discipline et le respect de l’autre. Mon énergie m’a toujours permise de rattraper le retard que je pouvais avoir par rapport à d’autres joueurs et de devenir à mon tour le premier.

Vous avez joué dans l’équipe nationale du Cameroun. Quelle place tient la culture camerounaise dans votre vie ?

J’aime dire que je ne suis pas Africain, mais une personne de couleur. Je suis arrivée en Europe à l’âge de 6 ans, et j’ai été adoptée par ma mère adoptive qui est Portugaise. Mon histoire fait que je me suis toujours senti Européen. Je suis retourné en Afrique 18 ans après être parti et j’ai eu un choc culturel. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de ne plus faire partie de l’équipe nationale du Cameroun. Cependant, je sais que ces racines font partie de moi.

Que faites-vous pour rester en bonne santé et prendre soin à la fois de votre corps et de votre esprit ?

Je m’entraîne énormément et j’utilise l’énergie que j’ai autour de moi pour récupérer. Pour prendre soin de mon esprit, ma curiosité m’aide beaucoup. J’aime découvrir de nouvelles choses : j’ai fait de la sophrologie et de la méditation par exemple. Tout ce qui peut aider au contrôle de soi, à la respiration ou à la gestion du stress m’intéresse. Je fais également appel à un préparateur mental. Le fait d’aimer lire, et particulièrement la Bible, me permet d’aborder les choses sous un angle différent et de me remplir d’informations positives. Cela me permet aussi de filtrer ce qui vient de l’extérieur et de ne prendre que ce qui est bon pour moi. Ainsi, mon esprit ne s’éparpille pas et je n’ai pas quelque chose à dire sur tout. La conséquence est que l’on me trouve parfois un peu trop brutal car je ne prête pas attention aux choses qui ne m’intéressent pas ou qui ne sont pas graves.

Quelle place tiennent les entraînements dans votre quotidien ?

Avec l’équipe, on s’entraîne quatre fois par semaine pendant une heure et demi pour les deux premiers entraînements et une heure pour les deux derniers. J’ai en plus un programme spécifique avec un entraîneur physique qui me rajoute deux heures d’exercices par semaine. Je fais également de l’électrostimulation.

Avez-vous des techniques pour récupérer après vos matchs et entraînements ?

J’ai une pièce chez moi que j’utilise comme salle de sport. Je possède une machine de cryothérapie, un vélo et un normatec, une botte de pression thérapie. Depuis septembre, nous avons un match tous les trois jours. Il est donc important pour moi de prendre 45 minutes ou une heure pour récupérer au niveau physique. Cela passe aussi par le fait de bien dormir et bien manger.

Suivez-vous une alimentation particulière ?

J’ai un diététicien qui me suit depuis quatre ans et me propose une alimentation en accord avec mes besoins.

Avez-vous de nouveaux projets et, si oui, quels sont-ils ?

Je souhaite continuer à profiter du bien-être que le sport m’apporte. Je réfléchis aussi à, plus tard, trouver un moyen de transmettre aux gens mon expérience du sport et du travail physique.

Jean-Pierre Nsame en quelques mots

Votre joueur modèle :

Cristiano Ronaldo dans le foot, Rafael Nadal dans le tennis et LeBron James dans le basket

Le joueur de foot que vous aimeriez affronter :

Lionel Messi

L’équipe de foot contre laquelle vous souhaiteriez jouer :

Le Real Madrid

Vos exercices sportifs préférés :

les abdos et le gainage

Votre plat favori :

les veilles de match, du riz complet et un poulet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

13.10.2023
par Léa Stocky
Article Précédent
Article Suivant