Nicolas et Marc se sont rencontrés en 2013. En 2020, ils deviennent les parents de deux jumeaux. Dans cette interview, les deux papas suisses racontent les démarches qu’ils ont dues entreprendre pour avoir leurs enfants et les difficultés et les joies qu’ils ont rencontrées en fondant leur propre famille.
Nicolas et Marc, avez-vous toujours voulu avoir des enfants ?
Nicolas : Dès mes 18 ans, j’ai ressenti un instinct paternel très fort et j’étais persuadé que j’aurai des enfants.
Marc : Cette envie de devenir papa est venue avec ma relation avec Nicolas. Je n’avais pas envisagé d’en avoir, mais petit à petit et après en avoir discuté, nous avons trouvé une solution pour devenir pères. C’est un projet de vie car on ne se voyait pas autrement qu’avec des enfants.
Le fait que devenir parents était possible pour d’autres hommes homosexuels nous a donné l’impulsion de réaliser notre projet.
Quel a été votre parcours pour devenir pères?
En tant qu’homosexuels en Suisse, nous savions que cela allait être difficile. Nous avons lu des articles publiés dans des journaux à ce sujet et nous avons contacté les personnes interviewées. Nous avons ainsi rencontré trois ou quatre couples d’hommes avec des enfants qui nous ont raconté leur parcours. Le fait que devenir parents était possible pour d’autres hommes homosexuels nous a donné l’impulsion de réaliser notre projet.
Quelles démarches avez-vous entreprises?
Pour des questions de sécurité, nous avons contacté en 2017 la même agence par laquelle étaient passés les couples que nous avions rencontrés. On nous a expliqué le processus de la GPA (gestation pour autrui) aux États-Unis, qui est très encadré. L’agence a par exemple des critères très strictes vis-à-vis des mères porteuses. De notre côté, nous souhaitions que la mère porteuse accepte de rester en contact avec nous afin que nos enfants sachent d’où ils viennent. Nous souhaitions aussi essayer d’avoir des jumeaux.
Cela était stressant car le processus est très long. Il y a énormément de formalités contractuelles et nous recevions des centaines de mails pour régler toutes les situations possibles. Il y a également beaucoup de frais et nous avons dû beaucoup économiser.
Nous sommes allés aux États-Unis une première fois pour réaliser le don de sperme. En 2019, nous avons rencontré virtuellement la mère porteuse. C’est une maman formidable de trois enfants qui avait envie d’aider un couple à fonder une famille une fois dans sa vie. Nous l’avons ensuite revue enceinte de nos enfants à la fin de la même année. Nous voulions retourner aux États-Unis un mois avant l’accouchement. En raison de la pandémie et des restrictions de voyage, nous avons pu rejoindre nos enfants le jour de leur naissance en Arizona en juin 2020.
Avez-vous eu des craintes?
Avec cette démarche, tout se passe très loin et cela paraît très abstrait. Ce n’est que lorsque nous avons toqué à la porte de la mère porteuse que tout a pris forme pour nous. Nous ne pouvions que croiser les doigts pour que tout se passe bien et attendre des mails qui généralement arrivaient en plein milieu de la nuit.
C’est complètement fou d’attendre ce genre d’informations par courriel. À chaque nouveau message que nous recevions et qui nous annonçait une bonne nouvelle, nous pleurions. C’était un bouleversement total. Quand nous avons eu la confirmation que deux cœurs battaient, nous étions fous de joie. Il y avait 40% de chances que nos deux embryons prennent, mais tout s’est déroulé comme sur du papier à musique.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées?
Tout ce processus a nécessité d’énormes sacrifices en termes de temps, d’énergie et d’argent. C’était un parcours du combattant.
Fin septembre 2021, le peuple suisse a voté pour la légalisation du mariage homosexuel et le droit pour les couples de même sexe de fonder une famille. Comment avez-vous accueilli cette avancée?
C’est un magnifique signe de reconnaissance de notre couple et des familles arc-en-ciel, pour que nous puissions enfin entrer dans la définition commune et ne pas dépendre d’une catégorie réservée aux homosexuels.les.
Avez-vous ressenti des jugements de la part de certaines personnes quant à votre choix de devenir parents?
Nous appréhendons souvent un peu d’annoncer qui nous sommes et notre projet de vie, mais nous sommes toujours agréablement surpris par l’ouverture d’esprit et l’accueil qu’on nous fait. L’immense majorité de notre entourage nous a soutenus. Cependant, contrairement à un couple hétérosexuel, les gens ne s’y attendent pas du tout et on ne peut donc pas leur annoncer la nouvelle avec la même joie et la même légèreté. Certaines personnes ont eu des paroles très dures sur notre modèle familial. Il a fallu que nous expliquions notre projet pour mettre fin aux a priori. Aujourd’hui, ces personnes sont à 1 000% derrière nous.
Vous faites partie de l’association Familles arc-en-ciel. Que vous apporte-t-elle?
Dans un premier temps, l’association offre de la visibilité sur ce qu’est une famille arc-en-ciel et sensibilise pour mettre fin aux préjugés. Cela nous permet aussi de rencontrer d’autres personnes, de partager nos expériences et d’échanger.
Aujourd’hui, comment décririez-vous votre vie de famille?
C’est une vie de famille très ordinaire. Il est vrai qu’aujourd’hui, tout tourne autour de nos enfants car ils sont deux. Marc a décidé de mettre de côté sa carrière pour devenir père au foyer. Notre quotidien a été chamboulé et nous vivons à 200 à l’heure.
Nous nous réjouissons simplement d’accompagner nos enfants dans leur chemin de vie.
Comment voyez-vous l’avenir de votre famille?
Nous nous réjouissons simplement d’accompagner nos enfants dans leur chemin de vie et nous profitons au maximum de les voir grandir. Notre projet avait tellement mûri que nous avons mille choses en tête que nous voulons partager avec eux. Nous nous réjouissons notamment de retourner aux États-Unis pour leur raconter leur histoire et qu’ils puissent rencontrer la mère porteuse qui nous a donné la chance de fonder notre famille.
Interview Léa Stocky
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