caroline ida ours caroline ida ours : « je n’ai pas de tabou, c’est important pour libérer la parole »
iStockPhoto/webphotographeer
50+ Interview

Caroline Ida Ours : « Je n’ai pas de tabou, c’est important pour libérer la parole »

24.03.2023
par Léa Stocky

« Dans la vie, il faut oser » est la devise de Caroline Ida Ours. Elle a effectivement osé quelque chose que la plupart des gens trouvaient, selon ses mots, « complètement dingue ». Aujourd’hui, à 62 ans, elle est influenceuse et mannequin. Dans cette interview, elle se confie sur son parcours et l’âgisme qui règne dans le milieu.

Caroline Ida Ours, mannequin 50+

Caroline Ida Ours

Caroline Ida Ours, quand et comment êtes-vous devenue mannequin ?

Avant d’être mannequin, j’ai travaillé dans l’entreprise familiale de mes 20 ans à mes 45 ans. J’ai ensuite été assistante commerciale pendant deux ou trois ans avant d’être chassée par un cabinet de recrutement et de travailler pendant sept ans pour un créateur de sac à main.
J’ai commencé mon métier d’influenceuse sur les réseaux il y a six ans. Les dernières années n’avaient pas été faciles et j’ai eu envie de faire quelque chose pour moi. Je me suis donc lancée sans trop savoir où cela allait me mener. C’est venu comme une évidence, je ne peux pas l’expliquer. J’avais déjà un compte Instagram et une bonne intuition. Aujourd’hui, j’ai une communauté de plus de 100 000 followers et je suis très engagée sur les questions de body positivité, de diversité et d’inclusivité. J’essaie surtout de casser l’âgisme, une discrimination de la société envers les personnes plus âgées. Je pense en effet que vieillir est une chance. Quand on a un rêve, il faut tout faire pour le réaliser. J’ai osé et j’ai eu raison de suivre mon instinct.Trois ans plus tard, après avoir sauté le pas sur Instagram, je suis devenue mannequin un peu par hasard.

Qu’entendez-vous par là ?

J’ai participé il y a trois ans au salon de la lingerie sur le thème du body positive. De nombreuses femmes étaient invitées pour représenter la diversité. Par la suite, le salon m’a rappelée pour que je défile sur la catwalk en tant que mannequin. À partir de ce moment-là, des marques ont commencé à me contacter. J’ai par exemple fait plusieurs campagnes pour la marque de lingerie Darjeeling.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

Je fais du bien aux femmes et je fais bouger les choses. Depuis un an, beaucoup de médias se sont intéressés à moi car en tant que femme « normale », je parle de sujets dont personne ne parlait auparavant. Cela correspond à l’ouverture de la société sur ce problème d’invisibilisation, de diversité, de body positivité. Finalement, je suis la porte-parole des femmes de plus de 50 ans dans les médias.

Justement, quelle est la place des femmes de plus de 50 ans dans le mannequinat ?

Elle est réduite à presque zéro. Lors de la dernière fashion week, il y avait 0,5 % de mannequins de plus de 50 ans. Il y a très peu de travail et beaucoup de demandes. Les critères sont aussi très limitants. Aujourd’hui, en plus d’avoir le physique typique de mannequin et de faire du 36 ou du 38, il faut avoir de longs cheveux blancs. Portant du 44, je ne corresponds pas à ces critères, c’est pourquoi on vient plutôt me chercher sur Instagram. La vieillesse fait peur. Les gens ne veulent pas voir des personnes âgées et préfèrent se projeter grâce à des mannequins plus jeunes. C’est pourquoi les marques sont frileuses et n’osent pas changer leur marketing d’un coup. Elles attendent plutôt que de jeunes créateurs décident de suivre le mouvement de la vie et de faire ce pas-là.

Mélanger les plus jeunes et les plus vieux permettrait d’apprendre les uns des autres.

Y a-t-il une évolution ?

Je ne remarque pas que les choses changent. Par les agences, j’ai très peu de castings. Étant donné que les marques ne leur demandent pas des personnes avec des profils différents, les agences ne sont pas forces de propositions. On commence à voir plus de femmes d’un certain âge lorsqu’elles ont entre 75 et 80 ans, avec un profil de grand-mère. Dans ce cas-là, la demande est un peu plus importante. Je ne lis plus les magazines de mode, car je ne m’y retrouve pas, et ce n’est pas normal. En couverture, ce sont soit des femmes très jeunes, soit des stars qui peuvent être plus âgées mais qui ne sont pas des personnes lambdas.

J’aimerais seulement travailler plus. Aujourd’hui, je ne gagne pas ma vie grâce au mannequinat mais grâce à mon travail d’influenceuse et aux partenariats. Toutefois, même dans l’influence, les femmes plus âgées sont souvent davantage axées sur la mode ou des thèmes précis et considérés comme féminins tels que la ménopause, et non pas sur une diversité de sujets.

Au niveau du nombre de shootings que je fais, je n’ai pas vraiment de visibilité sur l’année et c’est très aléatoire. Parfois je n’en ai pas pendant plusieurs semaines voire mois et ensuite je peux en avoir deux dans le mois.

Qu’est-ce que le body positive selon vous ?

Le body positive est l’acceptation de soi et de son corps, tout simplement. Il s’agit de s’aimer et d’essayer de prendre soin de son corps pour aller le plus loin possible.

Vous communiquez beaucoup sur les sujets qui vous tiennent à cœur. Pourquoi est-ce important pour vous ?

Je n’ai pas de tabou, c’est important pour libérer la parole. Parler davantage à travers les réseaux permet d’atteindre des personnes qui n’osent pas s’exprimer et de faire bouger les choses.

Que faudrait-il pour faire bouger les choses ?

Il faudrait que plus de femmes s’expriment et que les codes de la société changent, mais qu’il y ait aussi plus d’intergénérationalité dans la société et les entreprises. Mélanger les plus jeunes et les plus vieux permettrait d’apprendre les uns des autres. Il n’y aura malheureusement pas de changements dans les vingt prochaines années.

Avez-vous de nouveaux projets ?

Heureusement oui, sinon je serai malheureuse (rires). Je travaille avec la marque Darjeeling sur un projet qui sortira en fin d’année. J’ai aussi un projet en cours avec la marque Afibel. Le début d’année est un peu calme, ce qui me permet d’avoir du temps pour m’exprimer sur les sujets qui me tiennent à cœur et les causes que je veux défendre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT