irma dütsch
Fabian Häfeli – Fabian Häfeli Fotografie
Interview Noël

À table avec Irma Dütsch

09.12.2023
par Océane Ilunga

Éveillée, travailleuse et qualifiée, ce sont les adjectifs utilisés par Hans Jörg-Dütsch pour décrire son épouse Irma Dütsch. Première femme suisse à avoir reçu une étoile au Guide Michelin, cette Gruérienne, figure emblématique de la gastronomie suisse, nous dévoile les savoureux secrets de son succès et nous partage aussi son amour pour la fête de Noël. Une rencontre fascinante avec une artiste de la cuisine.

Irma Dütsch

Image: Fabian Häfeli – Fabian Häfeli Fotografie

Irma Dütsch, comment est née votre passion pour la cuisine ?

La passion pour la cuisine m’est venue de ma mère qui savait très bien cuisiner. À l’âge de 4 ans déjà, je savais que j’allais devenir cuistot. On me disait dans mon enfance que ce n’était pas possible et que ce n’était pas un métier pour les femmes mais j’ai toujours tenu tête. Je trouve que la cuisine est un très beau métier et, selon moi, c’est le seul métier vraiment nécessaire au monde parce que sans manger, on ne peut pas vivre.

Comment s’est déroulé votre parcours ?

Dans les années 70, en Suisse romande, personne n’acceptait de femme pour être cheffe dans les restaurants. Cependant, j’avais entendu dire qu’en Suisse alémanique, on prenait des femmes pour apprendre le métier. J’ai donc pris le train vers Rheinfelden. J’étais la seule femme à l’école. Quand le chef m’a vu avec mes longs cheveux, il m’a dit qu’il fallait les couper parce que sa cuisine n’est pas un défilé de mode. Je suis allée me couper les cheveux très courts et je les ai toujours laissés ainsi de peur que quelqu’un d’autre ne me fasse une remarque. En tant que femme, ce n’était pas facile de trouver une place d’apprentissage ni de travail.

Que signifie Noël pour vous ?

J’ai perdu mon père un 24 décembre alors que je n’avais que huit ans. J’en ai souffert étant enfant. Pour moi, Noël n’a jamais été une fête très joyeuse. Ensuite, quand notre première fille est née, j’ai appris à aimer Noël.
Aujourd’hui, j’associe Noël à la fête, la joie, c’est le moment de se retrouver et de faire un bon repas. Noël est la fête où on se pardonne. Si on a vexé quelqu’un, c’est le moment de demander des excuses. Si l’on n’est pas en bonne entente avec quelqu’un, c’est le moment de prendre des nouvelles et souhaiter malgré tout un joyeux Noël. Pour moi, Noël, c’est le moment de réparer ce que tu as peut-être mal fait pendant l’année afin de recommencer l’année sur des bonnes bases.

Quelle est la qualité indispensable à disposer en cuisine ?

En cuisine, il faut d’abord écouter si on veut apprendre et également savoir regarder. Il faut regarder le produit et le travailler tout en lui laissant ses qualités singulières. Il faut aussi beaucoup de patience en cuisine. Il faut savoir attendre que le produit soit prêt et savoir le prendre quand c’est le moment. C’est aussi très important d’observer les saisons.

Quel est votre plat préféré en hiver ?

Cela dépend. Je mange facilement un canard à l’orange accompagné d’un vin rouge qui se marie très bien avec : le carminoir. Autrement, une dinde farcie aux marrons, de la choucroute, de la fondue, une tarte de savièse ou encore une dinde farcie aux endives belges pochées avec du safran pour que la couleur soit plus belle. Le safran, c’est le magicien de la cuisine.

Quelles sont vos inspirations ?

J’ai beaucoup de respect pour les aînés tels que Hans Stucki et Frédy Girardet, ce dernier ayant été le mentor de Franck Giovannini.

En cuisine, il faut d’abord écouter si on veut apprendre et également savoir regarder. Irma Dütsch

Aujourd’hui, c’est à nous de montrer le chemin. Et puis, l’art m’inspire beaucoup parce que la cuisine est une forme d’art.

Et en dehors de la cuisine ?

J’aime beaucoup l’opéra et le théâtre.

En quoi la cuisine suisse se démarque-t-elle lors de la période de Noël ?

En Suisse, nous avons trois cuisines. Il s’agit d’un mélange des pays frontaliers, en plus de la cuisine romanche. La cuisine de Bâle, par exemple, est inspirée de la France et de l’Allemagne. Personnellement, je trouve que le saumon est un incontournable de la cuisine suisse, surtout pour Noël. Pour les Suisses romands, c’est surtout la bûche de Noël qui compte ou bien le canard à l’orange, le foie gras, les bulles. La cuisine compte beaucoup à Noël.

Quel est votre plat de Noël préféré ?

Le canard à l’orange. Parce qu’il est croustillant et qu’ il a le goût de l’orange, autrement dit des saveurs de l’hiver. Je l’accompagne avec des endives belges caramélisées et c’est Noël !

Comment préparez-vous la table de Noël ?

Elle doit être gaie avec des bougies et des nuances de rouge et vert. Ce sont deux couleurs indispensables de Noël.

Quel est votre mantra ?

Apprends le plus possible parce que personne ne peut voler ton savoir. Ça reste en toi. Plus tu apprends, plus tu en sauras.

Pouvez-vous nous suggérer une recette ?

Je travaille un tartare, à moitié frais, à moitié fumé (voir ci-dessous).

Avez-vous des idées d’accompagnements de vins suisses pour ce tartare ?

Je l’accompagne d’un champagne ou d’un mousseux valaisan pour rester dans l’ambiance festive. Ensuite, pour le dessert, je prends un un vin de dessert comme l’amigne douce de Vétroz que j’accompagne avec de la bûche et de la salade à l’orange.

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Tartare aux deux saumons, Sauce safranée

4 pers.

  • 200g Saumon ½ frais, ½ fumé (haché au couteau)
  • 1 petite échalote finement ciselée
  • 1 goutte de jus de citron
  • 1 goutte de champagne sec
  • Un peu de sel, poivre blanc du moulin

Mousse de raifort

Vinaigrette :

  • 1 cs de vinaigre de pommes
  • 1 cs de bouillon de légumes
  • 1 cc de moutarde
  • 2 cs huile de pépins de raisins
  • 20 pistilles de safran

Garniture :

  • œufs de poisson
  • aneth
  • rogues de saumon

 

Travailler le poisson avec les ingrédients, Partager en 4 boules et mouler dans des emporte pièces ronds 6 cm. Tasser à plat et couvrir finement avec la mousse de raifort. Garnir de rogues de saumon ou de caviar. Dresser sur assiette avec la vinaigrette et une petite branche d’aneth.

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