Christian Keller, IBM est active dans notre pays depuis 1927 et y possède également un laboratoire de recherche. Pourquoi la Suisse est-elle le bon endroit pour les entreprises informatiques?
La Suisse est un marché très intéressant. En tant qu’économie compétitive et ouverte, elle dispose de grandes entreprises mondiales ainsi que des PME solides et innovantes. De plus, le système de formation dual est unique et offre aux entreprises technologiques un pool de compétences attrayant. Ce n’est pas un hasard si quatre prix Nobel sont issus de notre laboratoire de recherche. Nous en sommes aussi fiers que de notre histoire presque centenaire en Suisse.
En quoi votre position de CEO d’IBM Suisse est-elle enrichissante pour vous?
C’est la possibilité de contribuer activement au succès de la Suisse. C’est passionnant et enrichissant de soutenir les entreprises dans leur transformation numérique et de relever les défis de la sécurité et du cloud. De plus, je m’implique dans les discussions sociopolitiques afin de promouvoir la confiance dans les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique.
Selon IBM, l’Europe est la deuxième région du monde la plus touchée par les cyber-attaques. Qu’en est-il de la Suisse et que faut-il faire pour améliorer la situation à cet égard?
Il faut ici faire une certaine distinction. Les banques et les assurances ont déjà un niveau de sécurité élevé et sont moins vulnérables que l’industrie ou le secteur de la santé et de l’énergie par exemple. Malheureusement, les cybercriminels trouvent souvent des portes d’entrée en raison de mises à jour logicielles non effectuées. L’authentification à deux facteurs fait souvent défaut.
Les concepts de «confiance zéro» sont également loin d’être répandus. La sécurité commence par le fait qu’il ne faut faire confiance à personne. Ainsi, les droits d’accès devraient être réduits au strict minimum. En outre, il faut toujours partir du principe qu’il existe des failles de sécurité. Les aspects de sécurité doivent être pris en compte dès le développement et non pas seulement après coup, ce que l’on appelle «secure by design».
Dans le domaine de la cybersécurité en particulier, l’utilisation de l’intelligence artificielle est impérative pour développer des mécanismes de défense.
IBM est, avec Microsoft et Google, l’une des entreprises leaders dans le domaine de l’informatique quantique. Les ordinateurs quantiques vont-ils remplacer les superordinateurs à l’avenir?
Jusqu’à nouvel ordre, il n’y aura pas de remplacement, mais une coexistence. Il existe de nombreux domaines dans lesquels les modèles informatiques traditionnels subsistent. L’informatique quantique présente des avantages pour la gestion de grandes quantités de données et d’une multitude de variables, comme dans les calculs de risques complexes, les optimisations ou les simulations dans la recherche. L’informatique quantique accélère le développement de nouveaux matériaux ou de médicaments, pour ne citer que deux points forts de la recherche d’IBM en Suisse.
Quelle est la fiabilité de l’intelligence artificielle?
Il est important de comprendre que l’intelligence artificielle ne remplace pas la pensée humaine, mais qu’elle l’élargit. Seule l’IA qui est transparente, explicable et qui n’abuse pas des données est digne de confiance. Les quantités énormes de données générées ne peuvent pas être totalement gérées par des processus manuels. Dans le domaine de la cybersécurité en particulier, l’utilisation de l’intelligence artificielle est impérative pour développer des mécanismes de défense. Elle est également déjà active dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne sans que nous nous en rendions compte, par exemple lors du tri des e-mails ou des photos.
La technologie est un champ d’apprentissage infini.
Des certificats tels que le «Digital Trust Label» attestent qu’une application d’IA est digne de confiance. La pensée humaine et l’intelligence artificielle coexistent et continueront de le faire. Dans les domaines où la créativité est nécessaire, le cerveau humain est clairement supérieur à l’IA. Toutefois, dans le traitement du langage, il existe un grand potentiel de l’IA qui est encore loin d’être épuisé. L’intelligence artificielle n’en est qu’à ses débuts.
La technologie est un domaine professionnel qui évolue rapidement. Comment est-il possible de rester à la page et d’innover?
Une bonne formation de base et une formation continue constante sont la clé. La technologie est un champ d’apprentissage infini. Chez IBM, nous attendons de tous les collaborateurs.rices, à tous les niveaux, qu’ils/elles suivent au moins 40 heures de formation continue par an pendant leur temps de travail. Mais il est également important que l’industrie collabore avec les hautes écoles spécialisées, les universités ainsi qu’avec l’ETH et l’EPFL afin de développer de nouveaux programmes de formation.
En tant que CEO d’IBM Suisse, vous avez certainement besoin de prendre parfois du recul par rapport au monde numérique. Que faites-vous pour y parvenir?
Je profite principalement de mon temps libre avec ma famille pour décompresser. J’aime beaucoup faire du sport et je me promène souvent dans les montagnes qui ne peuvent pas être remplacées par le monde numérique. En outre, je m’aménage toujours des plages de temps hors ligne, pendant lesquelles je n’utilise aucun appareil numérique.
Interview Andrina Brodbeck Photo Markus Bertsch
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