préparer la succession de son entreprise
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Préparer la succession de son entreprise

21.06.2019
par SMA

Anticiper la transmission de son entreprise est une démarche qui permet d’en optimiser le processus. Focus avec Me Cyrille Piguet, avocat spécialisé FSA en droit des successions, au sein de l’Etude Bonnard Lawson. 

Qui est concerné par la succession d’une entreprise?

Est concerné tout propriétaire d’un patrimoine qui a une certaine unité, difficilement divisible, et qu’il veut transmettre à son décès. Pour une entreprise, il est recommandé d’anticiper cette transmission qui, au-delà des héritiers, peut concerner des tiers non héritiers comme des collaborateurs ou actionnaires de l’entreprise.

De quoi faut-il tenir compte prioritairement?

Il est important, pour l’entrepreneur, de réfléchir puis déterminer ce qu’il veut. Notamment si l’entreprise doit rester propriété de la famille et si la famille doit continuer à la gérer. Une fois les objectifs définis, il est alors possible de penser et mettre en œuvre les moyens de transfert de l’entreprise à titre successoral. Ceci, en tenant compte des règles de droit civiles, et des possibilités qu’elles offrent, mais aussi des aspects affectifs (souvent négligés) et fiscaux.

Quelles personnes sont impliquées dans le processus de succession?

Hormis les futurs héritiers, il peut s’avérer utile d’associer le futur exécuteur testamentaire dans la réflexion, mais aussi des personnes clé de l’entreprise. Un avocat spécialisé saura accompagner l’entrepreneur dans le processus de planification. Afin d’anticiper de futurs conflits, on peut même penser à la mise en œuvre d’une médiation «préventive». Dans cette dernière, le médiateur saura aider à trouver des solutions qui tiennent compte de tous les aspects, y compris de la dimension émotionnelle.

Comment se déroule une succession?

Un processus de succession se passe en général beaucoup mieux lorsqu’il a été anticipé et préparé. Cette préparation consiste aussi bien à prendre en considération les attentes du futur défunt que celles de ses héritiers. On peut ainsi s’entendre sur beaucoup de points, comme le moment de la transmission, la valeur de l’entreprise ou les modalités qui détermineront cette valeur.

Il est essentiel d’être précis sur les quotes-parts revenant à chacun et sur leur contenu. Sans oublier qu’avant le partage d’une succession, les actifs du défunt seront partagés – s’il est marié – en fonction du régime matrimonial applicable. En l’absence d’un contrat de mariage spécifique, le régime légal attribuera la moitié des acquêts au conjoint survivant. Seule l’autre moitié constituera la masse successorale. Dès le décès et tant que le partage n’a pas lieu, les héritiers sont propriétaires communs de la succession y compris, lorsqu’il y en a une, de l’entreprise. Ils constituent alors une hoirie. Jusqu’au partage, c’est la règle de l’unanimité qui s’applique à toutes leurs décisions. Le moindre désaccord peut donc provoquer des blocages dans le processus de succession, mais aussi dans la bonne marche de l’entreprise, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une société en nom propre.

Comment évaluer le patrimoine?

Si elle n’a pas été convenue avant, la valeur d’une entreprise sera déterminée par un expert au moment du partage de la succession. Elle correspond à la valeur du marché. Des difficultés peuvent toutefois apparaitre lorsque l’entreprise a été cédée à un futur héritier avant le décès et que sa valeur a évolué entre temps. Les raisons de cette évolution peuvent être conjoncturelles ou de gestion. Si une telle hypothèse n’a pas été anticipée, de mauvaises surprises sont possibles au moment du partage, certains héritiers pouvant avoir à partager avec d’autres le fruit de leur propre travail. C’est là qu’un accompagnement peut être utile, basé sur de bonnes connaissances des possibilité offertes par la loi.

Le statut juridique de l’entreprise détermine-t-il les règles succession?

Oui, en tout cas dans le domaine agricole où les successions sont soumises à des règles particulières. Dans les autres secteurs d’activités, les mêmes règles s’appliquent quelle que soit la forme juridique de l’entreprise. Seuls les effets peuvent différer. Dans le cadre d’une société anonyme par exemple, l’héritage porte sur des actions uniquement. En revanche, avec une raison individuelle, il porte plus directement sur l’actif et le passif de l’entreprise.

Est-ce que les héritiers peuvent refuser de reprendre l’entreprise?

Ils ne peuvent répudier la succession que dans son entier, mais cela n’a de sens que si elle est obérée. S’ils ne s’entendent pas sur la valeur ou l’attribution de l’entreprise, celle-ci sera vendue et son prix réparti entre les héritiers. C’est notamment pour éviter ce genre d’extrémités qu’une planification est plus que recommandée.

Quelles sont les principales dispositions?

D’une part, il y a le testament qui a un caractère unilatéral. D’autre part, il existe le pacte successoral établi sur la base d’un accord entre plusieurs personnes. Dans ce cas, contrairement au testament, le futur défunt ne peut plus changer le contenu du pacte sans l’accord des autres parties. Il s’agit donc d’un outil utile qui offre à la fois une certaine souplesse et une certaine rigidité. Il implique donc une bonne préparation en amont.

A quel moment un entrepreneur doit-il envisager un processus de succession?

Le plus tôt possible, et ce, quel que soit l’âge du chef d’entreprise. Par exemple, lorsqu’un jeune entrepreneur mène bien ses affaires et que son entreprise présente un potentiel de croissance élevé, il est important de préparer sa succession afin de parer à toute éventualité. C’est le gage d’une continuité de l’entreprise. Cela ne concerne pas seulement le décès, mais aussi toutes les situations d’incapacités. Le processus de planification est en outre en constante évolution. D’où la nécessité de faire appel à des outils précis mais souples.

Quelle est la meilleure posture à adopter?

Nous conseillons de ne rien figer dans le marbre et de toujours privilégier une certaine souplesse de manière à pouvoir adapter l’organisation d’une future succession. Il peut en effet se produire de nombreux changements. Dans la loi, dans l’entreprise elle-même ou dans la famille, comme un divorce, un remariage, des naissances de lits différents. Il s’agit de s’adapter constamment. Préparer une succession en temps opportun et avec des professionnels présente des avantages à bien des égards. Il s’agit d’un acte responsable auquel devrait penser tout entrepreneur. D’autant qu’il permet souvent seul de garantir ce que l’on souhaite à titre de ses dernières volontés.

Texte Emmanuel Viaccoz

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