Les tensions géopolitiques imposent des défis de taille à la place financière suisse. Selon une étude récente réalisée par l’Association suisse des banquiers (ASB) en collaboration avec le cabinet zeb consulting, dans un contexte de plus en plus exigeant, seule une gestion géopolitique des risques permettra à notre place bancaire de continuer à jouer un rôle de premier plan.
Depuis des décennies et partout dans le monde, la place financière suisse peut s’enorgueillir d’une excellente réputation. Elle se distingue par sa stabilité, sa sécurité et sa remarquable intégration sur la scène mondiale. Ces qualités ont permis à notre place bancaire de devenir un refuge de choix pour les investisseurs/-euses et les entrepreneurs/-euses. Mais elles sont mises à rude épreuve dans le contexte actuel, où les tensions géopolitiques et les incertitudes économiques vont croissant.
Défis géopolitiques : une nouvelle réalité
Les risques géopolitiques sont aujourd’hui omniprésents. La guerre en Ukraine, les tensions entre les États-Unis et la Chine ainsi que la multiplication des cyberattaques ont créé un contexte où la stabilité politique et économique est de plus en plus menacée. Pour la place financière suisse, qui mise traditionnellement sur la stabilité, sur la sécurité et sur des conditions-cadres fiables, ces évolutions représentent un changement majeur.
La place financière suisse est-elle en mesure de tenir son rang de leader mondial dans ce nouveau contexte ? C’est une question de plus en plus pressante. Qu’il s’agisse de gérer les effets des sanctions internationales ou d’adapter la place bancaire aux changements en cours, les défis sont multiples.
En collaboration avec le cabinet zeb consulting, l’ASB a donc analysé les incidences des facteurs géopolitiques sur la place bancaire suisse. Les développements ci-après présentent les principales conclusions de cette étude.
Incidences sur la place bancaire suisse : des gagnants et des perdants
Quantité de facteurs géopolitiques sont susceptibles d’avoir de vastes répercussions sur la place bancaire suisse, en particulier les conflits à travers le monde, les sanctions économiques et la reconfiguration des rapports de force internationaux.
Ces risques géopolitiques n’ont pas les mêmes impacts selon les segments du secteur bancaire suisse. Ils se font particulièrement sentir dans les domaines d’activité à vocation internationale comme la banque de gros et l’Asset Management. Là, les incertitudes et les instabilités des marchés mondiaux se traduisent par des pertes sensibles de chiffre d’affaires, tout en augmentant à la fois les risques et les coûts.
Mais il existe aussi des domaines d’activité auxquels le nouveau contexte pourrait être bénéfique. Le Wealth Management et la banque de détail en Suisse ont ainsi l’opportunité de sortir renforcés de ce changement de situation géopolitique. En période d’incertitude, la Suisse est perçue plus que jamais comme un refuge, ce qui peut avoir des effets positifs sur ces segments.
Capacité d’adaptation : la clé du succès
Par le passé, la faculté de la place financière suisse de relever vite et bien les nouveaux défis a contribué de manière décisive à son succès. Cette capacité d’adaptation restera essentielle dans la situation actuelle. Si les banques suisses ont su préserver largement leur stabilité, c’est principalement grâce à leur flexibilité et à leur sens de l’innovation.
Mais se reposer sur ces lauriers ne saurait suffire. La place financière suisse ne restera durablement compétitive que dans la mesure où elle fera le nécessaire pour s’adapter à un ordre mondial en évolution constante – non seulement en élaborant des stratégies économiques, mais aussi en se positionnant clairement sur la scène politique internationale.
Le rôle de la place financière suisse dans le nouvel ordre mondial
Une gestion plus géopolitique des risques géopolitiques, telle est une des approches à adopter pour parvenir à relever les défis inhérents à ces risques – et une gestion proactive, qui intègre aussi les menaces non immédiates. En outre, la Suisse doit redéfinir son rôle dans la politique internationale et faire davantage entendre sa voix dans le débat public, défendre des intérêts et des perspectives, afin de continuer à être perçue comme une partenaire stable et fiable.
Afin de rester une place financière de premier plan à l’échelon international, la Suisse doit adapter sa stratégie.
La question de son positionnement en matière de sanctions internationales et de sa réaction face au durcissement des conditions-cadres économiques et commerciales revêt à cet égard une importance particulière. Ces aspects influeront de manière déterminante sur les futures relations d’affaires et sur la compétitivité des banques suisses.
La place financière suisse en mutation
La place financière suisse est à la croisée des chemins. Ses piliers traditionnels, la stabilité et la sécurité, sont mis à mal par la nouvelle réalité géopolitique. Afin de rester une place financière de premier plan à l’échelon international, la Suisse doit adapter sa stratégie – en ce qui concerne le recours à la politique financière contre les parties impliquées dans des conflits, la mise en place de barrières commerciales, ou encore le protectionnisme et l’isolationnisme croissants au niveau des chaînes d’approvisionnement.
L’avenir de la place financière suisse passe donc par un renforcement de sa capacité d’adaptation et par un positionnement clair, tourné vers demain, qui redéfinisse ses atouts traditionnels au vu du contexte mondial d’aujourd’hui. À cet égard, les décisions politiques et les relations internationales seront tout aussi importantes que les stratégies économiques et les innovations technologiques. La place bancaire suisse a le potentiel de jouer un rôle de premier plan même dans un monde incertain – à condition d’être déterminée à relever les défis du moment et à évoluer en permanence.
L’ASB défendra les intérêts de ses membres dans cet environnement dynamique et contribuera à ce que la place financière suisse puisse tenir le rôle éminent qui est le sien sur la scène internationale.
Texte Roman Studer, CEO de l’Association suisse des banquiers (ASB)
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