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Innovation en Suisse: une politique plus prononcée

09.07.2018
par Thomas Pfefferlé

Doyenne de la Faculté Environnement Naturel Architectural et Construit ENAC au sein de l’EPFL, Marilyne Andersen est aussi à la tête du smart living lab. Une plateforme de recherche au sein de laquelle on conçoit et bâtit l’architecture écoresponsable de demain. L’experte en physique du bâtiment détaille les avancées de la recherche helvétique en matière de construction performante et respectueuse de l’environnement.

Elle fait partie de ces personnes engagées qui vous transmettent rapidement leur passion lorsque vous discutez avec elles. Engagée, Marilyne Andersen l’est en effet à travers ses trois métiers. Doyenne de la Faculté ENAC au sein de l’EPFL et Professeure et directrice du Laboratoire de Performance Intégrée au Design (LIPID), elle est aussi co-fondatrice de l’entreprise Oculight dynamics, spécialisée dans le conseil en matière d’innovation et optimisation de la lumière naturelle.

Au sein du quartier d’innovation blueFACTORY, la Faculté ENAC développe l’antenne fribourgeoise de l’EPFL à travers le smart living lab. Il s’agit d’un centre de compétences qui rassemble des chercheurs et experts de l’EPFL, de la HEIA-FR et de l’UNIFR.

Une plateforme dédiée à la recherche et à l’innovation dans les domaines de l’architecture et l’ingénierie. Sans oublier les techniques et matériaux de construction. Objectifs: diminuer l’empreinte écologique du parc bâti, augmenter son efficience énergétique et améliorer les aspects liés au confort et à la santé des occupants. Spécialisée en physique du bâtiment et initiatrice et responsable du projet de maison solaire suisse lauréate au concours international Solar Decathlon, Marilyne Andersen analyse les défis environnementaux et énergétiques qu’il reste à relever en Suisse ainsi que les solutions amenées par la recherche. Interview.

Quel regard portez-vous sur l’engagement de la Suisse en matière de développement durable, en particulier concernant l’efficience énergétique de son parc immobilier?

Je pense que l’on est déjà bien avancé en Suisse. Surtout par rapport à la prise de conscience collective des défis et problématiques écologiques qui se posent aujourd’hui. Ce qui, il faut le rappeler, ne constitue pas encore une évidence ni un acquis partout. Cette prise de conscience nous a justement permis d’adopter les bons réflexes en matière de construction. On peut en effet observer en Suisse la présence d’une réelle culture de qualité constructive et de construction à long terme, combinée à une sensibilité aux questions énergétiques et de choix des matériaux.

En même temps, notre pays reste relativement conservateur. Par rapport aux Etats-Unis par exemple, la Suisse nécessite de temps pour changer les mentalités et adopter des innovations marquées. Pourtant nous bénéficions d’un climat politique stable et de fortes capacités technologiques qui s’avèrent propices à l’innovation. Pour résumer, je dirais que la Suisse a déjà clairement pris conscience des défis énergétiques et environnementaux actuels. Mais, il lui reste encore à mettre en place une politique de l’innovation plus prononcée.

On parle souvent des défis liés à l’ancienneté du parc immobilier helvétique. Quelles sont précisément les problématiques liées à l’âge de nos bâtiments en matière d’amélioration de leur efficience énergétique?

Il est vrai que la très large majorité de notre parc immobilier est déjà construit. Et selon l’époque de sa construction, les exigences en matière de durabilité n’étaient pas aussi élevées qu’aujourd’hui. La principale question qui se pose par rapport à ces anciennes constructions consiste à savoir s’il vaut mieux rénover ou démolir pour du neuf.

Et quels sont les avantages et inconvénients de ces deux possibilités?

Rénover permet d’économiser par rapport à une démolition suivie d’une nouvelle construction. Mais sur le long terme, cela devient plus complexe car les performances énergétiques obtenues par le biais d’une rénovation resteront inférieures à celles d’une construction neuve. Dans ce sens, il s’agit plutôt de privilégier une réflexion sur le long terme. Un autre aspect à prendre en compte par rapport aux anciennes constructions concerne la flexibilité des affectations des bâtiments. Car aujourd’hui les modèles démographiques et familiaux ont beaucoup évolué. Nous avons donc besoin de pouvoir modifier facilement les affectations et configurations des espaces intérieurs. Concrètement, cela peut par exemple se traduire par des grands plateaux libérés de murs porteurs au sein des étages. Un espace de bureaux peut ainsi facilement se convertir en logement, ou inversement. Une démarche souvent difficile à réaliser au sein de constructions plus anciennes.

Parlez-nous des recherches que vous menez au sein du smart living lab. Comment pourraient-elles résoudre certaines des problématiques environnementales et énergétiques qui se posent actuellement?

Le développement du smart living lab fait partie des priorités de la faculté que je dirige. Je collabore étroitement avec Dr. Anne-Claude Cosandey, qui coordonne la mise en place de ce centre interinstitutionnel à Fribourg. L’objectif est pour nous d’offrir un environnement propice à l’innovation et à l’excellence de la recherche.

Nous bénéficions d’un climat politique stable et de fortes capacités technologiques qui s’avèrent propices à l’innovation.

Dans cette perspective, un des défis que le smart living lab cherche à relever concerne la construction de son propre bâtiment, à la fois emblématique du futur et terrain d’expérimentation en soi. Le groupe Building 2050, au sein du smart living lab et dont j’assure pour le moment la supervision académique, a d’ailleurs comme mission d’identifier la manière dont notre futur bâtiment pourra répondre aux défis énergétiques et écologiques.

Actuellement 70 collaborateurs au sein de notre centre de recherche, nous serons 130 durant ces prochaines années. En 2022, ce nouveau bâtiment devrait donc voir le jour. L’idée est qu’il puisse atteindre les exigences fixées dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 ramenées à 2030 et du projet de la société à 2000 watts.

Le smart living lab mène aussi des travaux sur les nouveaux matériaux à privilégier dans la construction. Quels sont les challenges à relever dans ce domaine de recherche?

Les questions liées aux matériaux utilisés dans la construction s’avèrent particulièrement complexes. Un des premiers défis concerne la contribution à l’amélioration des performances énergétiques d’un bâtiment avec des matériaux plus performants sans qu’ils ne soient plus chers, lourds ou volumineux que ceux que l’on trouve aujourd’hui sur le marché. En même temps, il s’agit aussi de diminuer davantage l’énergie grise des matériaux utilisés, soit l’énergie nécessaire à leur production. De manière générale, on remarque d’ailleurs que les acteurs du secteur de la construction portent plus d’attention sur la provenance des matériaux.

Un autre élément à prendre en compte concerne les aspects liés au désassemblage et à la démolition des bâtiments. Dans ce sens, il faut construire des ouvrages dont les matériaux puissent se réutiliser. Ainsi, la démolition d’un bâtiment ne constitue plus un problème: ses matériaux sont réutilisés sans perdre leurs qualités.

On voit aussi que la recherche de la performance énergétique semble parfois délaisser les aspects liés au confort des occupants. En tant qu’experte de la physique du bâtiment et de l’optimisation de la lumière naturelle, quel regard portez-vous sur cette question?

A mes yeux, les questions liées au confort des habitants sont prioritaires et centrales dans la recherche de l’amélioration des performances énergétiques. Après tout, l’énergie utilisée au sein d’une habitation l’est uniquement pour des questions de confort ou de fonctionnement, comme le fait de bénéficier d’un éclairage agréable ou encore d’un chauffage efficace par exemple. La problématique du confort de l’occupant précède donc celle de la performance énergétique dans le sens où l’énergie doit servir à atteindre, voire améliorer, le confort de l’habitant.

La question qui se pose est celle de savoir comment les besoins en matière de confort influenceront les notions d’efficacité énergétique. Il est vrai que nous pouvons oublier cette logique. Notamment en considérant la multiplication des normes en vigueur dans le secteur de la construction. Si celles-ci deviennent de simples check-list, elles s’éloignent trop du bon sens à partir desquels elles ont été élaborées. Cette réflexion peut également mener aux questions liées à la santé. Plus précisément, il faut s’intéresser davantage à la manière dont un habitat, sa construction et sa configuration impactent la santé de ses occupants. D’où l’importance, par exemple, de privilégier la présence et la diffusion de lumière naturelle au sein des espaces intérieurs.

De manière générale, on remarque d’ailleurs que les acteurs du secteur de la construction portent de plus en plus d’attention sur la provenance des matériaux qu’ils utilisent.

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