Le métier d’avocat est un métier exigeant compte tenu des responsabilités et des enjeux. La défense des intérêts des clients, les sollicitations excessives, la surcharge des dossiers et des délais créent un environnement de travail stressant propice aux tensions et conflits et le collaborateur, s’il n’est pas encadré, peut vite se retrouver en situation de détresse. C’est pourquoi il est aujourd’hui nécessaire pour les études d’offrir un cadre de travail sain et respectueux, et il existe pour cela différentes solutions.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de rappeler la diversité du métier d’avocat et de ses pratiques. L’environnement de travail et les défis sont différents selon la taille des études, leur organisation structurelle et leurs moyens financiers, qui déterminent les outils de travail disponibles pour les avocats et le personnel administratif. Par exemple, les plus grandes études ont la capacité organisationnelle d’automatiser ou déléguer les tâches manuelles chronophages, libérant ainsi du temps et de l’énergie des collaborateurs pour des activités à plus forte valeur ajoutée.
En dépit de ces différences, on observe une prise de conscience collective sur les sujets de bien-être dans les études, qui varie toutefois selon les pays et les barreaux. My-Hué Tan est avocate indépendante et médiatrice FSA. Elle s’intéresse à la professionnalisation des opérations, et notamment à la question de savoir comment mieux gérer les cabinets d’avocats en empruntant des méthodes de gestion d’entreprise qu’elle a pratiquées pendant sa carrière. Elle explique : « Sur les marchés juridiques anglo-saxons, le sujet du bien-être dans les études est plus avancé que sur les marchés suisse ou français. Les risques psychosociaux ont gagné en visibilité dans les métiers juridiques car des cas d’harcèlement, terreur psychique, burnout voire des cas plus tragiques de suicide, des alertes ou des partages d’expériences ont médiatisé ces problématiques. » En Suisse, « l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer et d’améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs ». Le barreau de Genève organise des ateliers de gestion du stress, de sensibilisation aux soft skills et a mis en place un programme de mentorat. D’autres initiatives de prévention et dispositifs d’accompagnement ont été déployés au barreau de Paris. Le Conseil National des Barreaux en France propose aussi une Charte de l’avocat citoyen responsable et un outil d’autodiagnostic destinés aux cabinets d’avocats afin d’évaluer et améliorer leurs pratiques, et de promouvoir une politique sociétale proactive privilégiant le facteur humain.
L’importance d’accompagner les stagiaires avocats et les avocats en début de carrière
Un des enjeux majeurs lorsque l’on parle de bien-être dans les études est celui de la place des avocats en début de carrière. Ces derniers ne disposent pas toujours des outils pour faire face à des situations stressantes qu’ils n’ont pas pu expérimenter lors de leur formation académique. My-Hué Tan explique : « Les jeunes arrivent dans la profession parfois avec une image idéalisée de ce qui les attend, or cette image ne correspond pas nécessairement à la réalité du terrain, ce qui peut créer un réel malaise. L’enjeu est donc de mieux accompagner les plus jeunes dans leur formation pratique, notamment mieux les préparer à l’examen du brevet d’avocat, mais aussi tout au long de leur carrière. »
L’avocate explique également que les jeunes ont aujourd’hui d’autres attentes, qui ne sont pas forcément les mêmes qu’il y a quelques années. La première est celle de la gestion de leur temps personnel : « J’ai vu l’évolution de l’attitude des avocats qui entrent dans la profession. Il y a 25 ans, quand j’ai débuté en cabinet international, nous étions prêts à sacrifier notre temps personnel tant qu’il y avait du travail, quitte à travailler tard le soir et les week-ends. Aujourd’hui, les collaborateurs envisagent tout à fait d’éteindre leur téléphone pour ne pas être contactés hors des horaires de travail ».
Les attentes en matière de formation sont également grandissantes. My-Hué Tan pointe le problème : « Les études d’avocats négligent souvent d’allouer suffisamment de temps et des ressources à la formation continue de leur personnel, qu’il s’agisse des collaborateurs administratifs ou des avocats eux-mêmes. Le maintien et le développement des compétences sont pourtant primordiaux. L’avocat doit tenir à jour ses compétences techniques, mais aussi se former aux compétences relationnelles indispensables à son employabilité et un environnement de travail sain. »
Des mesures intégrant la profession d’avocat dans la vie quotidienne
Outre l’accompagnement des plus jeunes, de nombreuses mesures peuvent être mises en place pour offrir un cadre de travail plus agréable à tous les collaborateurs, en commençant par la flexibilité. La pandémie de la Covid-19 a contraint les organisations de tous les secteurs à adopter le télétravail. Les ordinateurs portables, les logiciels métier et les applications de téléphonie ont en effet dématérialisé les postes de travail, facilitant une organisation du travail plus flexible et une modernisation de l’environnement professionnel.
Le modèle vertical souvent privilégié dans la gestion des études doit être repensé aujourd’hui. Les associés devraient envisager une approche plus horizontale, favorisant l’implication et la cohésion au sein de leurs équipes. Le manque de communication à ce sujet crée un désalignement entre la direction et les membres de l’étude. Il est primordial de clarifier les valeurs, la gouvernance, les objectifs et le projet collectif du cabinet, ce qui contribue à stimuler l’engagement et la motivation de chacun. « En comprenant leur rôle et leurs contributions, les membres de l’équipe peuvent mieux s’intégrer, progresser ensemble et mieux répondre aux besoins des clients. Il est essentiel de rendre le projet collectif intéressant pour montrer aux collaborateurs que leur travail est valorisé et a du sens », explique My-Hué Tan.
Enfin, se pose également la question de l’impact de la parentalité sur les carrières et l’organisation du travail. Les avocats, qu’ils soient pères ou mères, ont besoin que leur parentalité soit prise en compte.
Malheureusement, peu d’études sont préparées à gérer les retours après de longs congés dus à des impératifs familiaux ou de santé, ce qui pousse certains collaborateurs à quitter la profession pour des entreprises offrant de meilleures conditions. En conséquence, les cabinets perdent des talents précieux et doivent investir dans la formation de nouveaux employés, ce qui représente une perte significative de savoir-faire.
De nombreux autres avantages
Inclure tous les collaborateurs dans la vie de l’étude crée un sentiment d’appartenance, renforçant ainsi la loyauté envers l’organisation. La reconnaissance va en effet au-delà de l’aspect financier et englobe la valorisation du travail accompli, la formation et le développement de carrière. La contribution de chacun peut se traduire par des opportunités d’évolution, non seulement par des promotions, mais aussi par des perspectives de carrière transversales, permettant de développer des compétences dans divers domaines techniques. Cela offre la possibilité de progresser au sein de la structure et de devenir expert dans un domaine spécifique du droit. « Il est essentiel de créer une dynamique avec une plateforme de dialogue favorisant les échanges constructifs et bienveillants entre tous les membres du cabinet », termine My-Hué Tan.
Laisser un commentaire