L’arc lémanique face à la pression immobilière : des solutions et des nouveaux modèles de développement
Avec son dynamisme économique, son attractivité internationale et une démographie en constante progression, l’arc lémanique fait partie des régions les plus tendues de Suisse sur le plan immobilier. Entre raréfaction des terrains constructibles, hausse continue des prix et complexité des procédures administratives, les acteurs du secteur cherchent à réinventer les modèles de développement urbain.

Robert Ischer
Fondateur d’Ischer Développement Président d’ADIV
«Aujourd’hui, la caractéristique principale du marché, c’est la pénurie de logements, combinée à la hausse des coûts, des prix de vente et des loyers », résume Robert Ischer, fondateur d’Ischer Développement et président de l’Association des Développeurs Immobiliers Vaudois (ADIV).
Une demande forte, une offre insuffisante
La croissance démographique de la région continue d’exercer une pression considérable sur le marché. Selon les estimations, il faudrait construire environ 5500 logements par an pour répondre aux besoins. Or, seuls 4500 voient le jour annuellement. « Il manque donc chaque année un millier de logements, ce qui entretient la tension et renforce la compétition pour chaque bien disponible », souligne M. Ischer.
La première révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT), entrée en vigueur il y a dix ans, avait pour objectif d’encourager la densification « vers l’intérieur » afin de limiter l’étalement urbain. Mais dans les faits, cette densification se heurte à de multiples obstacles. « Beaucoup de projets sont bloqués par des oppositions, des recours ainsi qu’à des référendums populaires. Dans le canton de Vaud, deux grands projets ont été avortés à la suite d’initiatives populaires alors qu’ils avaient été validés après avoir suivi tous le processus administratif et légal. Même des projets déjà bien avancés peuvent être stoppés net », regrette le président de l’ADIV. Résultat : les délais de réalisation s’allongent considérablement, atteignant parfois 5 à 10 ans pour un immeuble voir plus pour bâtir tout un quartier.
La nécessité de densifier avec qualité
Pour les bâtisseurs, la densification reste pourtant la solution incontournable. Mais pas à n’importe quel prix. « On doit faire de la densité de qualité. Si le sol manque, il faut pouvoir monter. Ce qui compte, c’est d’expliquer à la population que densifier ne signifie pas dégrader son cadre de vie », plaide M. Ischer.
Ce dialogue avec les habitants est d’autant plus crucial que le phénomène du « syndrome Nimby » – Not in my backyard – est très présent dans la région. Des nouveaux logements pour répondre aux besoins croissants, mais pas devant chez moi ! « Même des projets exemplaires sont aujourd’hui contestés. Les gens s’opposent parfois à des constructions qui pourtant répondent aux besoins collectifs », constate-t-il.
Pour convaincre, les promoteurs insistent sur les bénéfices d’une densification intelligente : infrastructures adaptées, espaces verts intégrés, mobilité douce, mixité des usages. « L’enjeu est de créer des quartiers polyvalents où l’on trouve à la fois logements, services et activités. La population n’en peut plus de passer des heures dans les embouteillages : rapprocher les salariés de leur lieu de travail est un impératif », souligne le bâtisseur.
Durabilité et contraintes normatives
Au-delà de la pénurie, la question de la durabilité occupe une place centrale dans les projets actuels. Les normes énergétiques et environnementales sont devenues très exigeantes, imposant une réflexion de long terme. « Rien qu’en respectant la loi, on fait déjà de la qualité. Mais la durabilité doit être pensée à 360° : elle doit intégrer les enjeux sociaux, environnementaux et économiques. L’optimisation des coûts reste également un facteur essentiel », explique Robert Ischer.
La volonté de bâtir durablement ne fait pas débat, mais elle rallonge souvent les procédures et renchérit les coûts, dans un contexte où le prix du foncier est déjà particulièrement élevé dans l’arc lémanique.
Les besoins des clients et les défis administratifs
Au quotidien, le principal besoin des promoteurs et de leurs clients reste paradoxalement simple : obtenir des permis de construire. « En tant que président de l’ADIV, je peux affirmer que la question des autorisations est aujourd’hui centrale. Les délais sont beaucoup trop longs. Cela décourage parfois les investisseurs et contribue à l’insuffisance de l’offre », note M. Ischer.
La complexité administrative est d’autant plus forte que le canton de Vaud ne compte pas moins de 300 communes, chacune avec ses spécificités, ce qui ralentit encore les processus. Les demandes sont aussi de plus en plus nombreuses et il manque de ressource pour toutes les traiter rapidement.
Proximité, mixité et qualité de vie
Malgré ces contraintes, les développeurs immobiliers continuent d’imaginer la ville de demain. Leur vision ? Des quartiers plus denses mais harmonieux, où la qualité de vie reste au cœur des préoccupations. « Nous voulons des logements de qualité pour tous, avec des infrastructures solides et des quartiers qui rapprochent les gens de leur lieu de travail », affirme M. Ischer.
La ville idéale, selon lui, est celle « où les enfants ont plaisir à grandir, où ils peuvent poursuivre leurs études et trouver un emploi, une ville où l’on peut vivre sereinement ».
Pour atteindre cet ideal, un changement de paradigme est nécessaire : les bâtisseurs doivent être considérés comme des partenaires de confiance. « Notre rôle est important : nous construisons pour nos enfants. Et nous devons le faire avec beaucoup de réflexion et de qualité », insiste Robert Ischer.
Une responsabilité collective
La pression immobilière dans l’arc lémanique ne pourra être résolue par les promoteurs seuls. Elle implique une mobilisation conjointe des autorités, des habitants et des professionnels. Sensibiliser la population à l’importance de la densification, accélérer les procédures administratives, encourager les projets durables et soutenir l’innovation en matière d’aménagement : autant de leviers pour répondre aux défis actuels.
Comme le rappelle Robert Ischer, « la pénurie de logements est un problème qui concerne tout le monde. Si nous voulons maintenir l’attractivité de notre région et offrir un avenir aux générations futures, il faut agir maintenant, avec courage et avec une vision à long terme. »
Texte SMA
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