
Jonathan Normand
Fondateur et CEO de la Fondation B Lab Suisse
La responsabilité sociale d’entreprise est devenue une attente centrale de notre société, mais l’ambition affichée ne suffit plus. En Suisse romande, seuls quinze pour cent des citoyennes et citoyens considèrent que les entreprises s’engagent suffisamment dans des initiatives RSE. Cet écart entre intention et perception souligne un déficit criant de formalisation et de suivi.
Selon le baromètre RSE mené par B Lab Suisse avec la HEIG-VD, le Centre Patronal et la CVCI, cette lacune frappe particulièrement les PME, pourtant colonne vertébrale de l’économie suisse. Dépourvues d’outils adaptés, elles peinent à quantifier concrètement leurs impacts sociaux et environnementaux. Plus de 70 % d’entre elles concentrent leurs efforts sur la réduction de l’empreinte carbone, mais sans indicateurs robustes pour évaluer l’efficacité réelle de ces actions. Résultat : une approche fragmentée qui dilue la portée transformative des stratégies RSE.
La directive européenne CSRD, récemment repoussée à 2027, imposera des obligations de transparence accrues aux grandes entreprises actives dans l’Union. Son effet cascade touche déjà les PME suisses à travers leurs chaînes d’approvisionnement, les obligeant à fournir des données précises à leurs partenaires commerciaux européens. Parallèlement, la révision de la Loi vaudoise sur l’énergie impose de nouveaux standards aux bâtiments et aux systèmes de chauffage inefficaces, exigeant des investissements concrets et mesurables. Ces dynamiques convergent vers une exigence commune : intégrer la durabilité de manière structurée, mesurable et crédible.
C’est dans cet esprit que la Swiss Impact and Prosperity Initiative (SIPI) a vu le jour. Pilotée par une coalition d’acteurs publics et privés – institutions gouvernementales, universités et organisations de la société civile – elle offre un cadre d’évaluation unifié autour de quatre piliers : humain, naturel, social et économique. Grâce à cette plateforme, les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent mesurer leurs performances, repérer leurs atouts et leurs marges de progression, puis valoriser leurs avancées auprès de leurs parties prenantes. En instaurant un langage commun de la durabilité, SIPI renforce la crédibilité des démarches engagées et alimente la réflexion des décideurs publics d’éléments concrets et comparables.
De nombreuses entreprises suisses pionnières incarnent déjà cette vision intégrée, en combinant innovation technologique, réduction de l’empreinte carbone, diversité et inclusion sociale. Elles démontrent qu’il est possible d’allier performance et responsabilité, à condition de disposer d’un cadre stimulant et unificateur.
À l’heure où les attentes sociétales s’intensifient, les entreprises suisses font face à un choix décisif : continuer à naviguer à vue ou transformer leur engagement RSE en véritable boussole stratégique et mesurable. Ce n’est qu’à ce prix que la durabilité cessera d’être un simple discours pour devenir une réalité partagée et mesurable.
Texte Jonathan Normand, Fondateur et CEO de la Fondation B Lab Suisse
Laisser un commentaire