« Il faut tout faire pour que l’enfant souffre le moins possible »
Lors d’une séparation ou d’un divorce, le bien-être de l’enfant peut bien trop souvent être mis à mal. Dans cette interview, Me Douglas Hornung, Avocat au barreau de Genève, Juge suppléant à la Cour de Justice de Genève et fondateur de Divorce.ch, détaille l’approche qui devrait toujours être suivie en la matière par les deux parents.
Me Douglas Hornung, qu’est-ce qui définit un parent aux yeux de la loi ?
Par définition la mère est la femme qui accouche de l’enfant. Les pères sont ceux qui reconnaissent l’enfant. Le mari est présumé être le père de l’enfant de son épouse. À partir du moment où une personne devient père ou mère, les parents ont des droits et des obligations envers leur enfant.
Chaque parent a un droit à entretenir des relations personnelles avec l’enfant et chaque parent a le droit d’être informé et à être entendu sur tous les aspects fondamentaux qui concernent l’enfant avant qu’une décision ne soit prise. Les devoirs sont d’élever l’enfant, de l’éduquer, de veiller à sa santé, à son bienêtre, à son développement harmonieux et à ses intérêts fondamentaux. Que l’on soit marié ou pas, les règles sont les mêmes et les droits et les devoirs sont à la charge des parents qui sont très libres de s’organiser en conséquence et le Tribunal n’interviendra que si les intérêts supérieurs de l’enfant ne sont pas sauvegardés.
Un tribunal doit avant tout se préoccuper de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’autorité parentale, la garde, le droit de visite et la contribution financière sont les quatre aspects qu’il faut régler. L’autorité parentale reste en principe conjointe et concerne l’éducation, le domicile, la religion ou encore la santé.
La garde de l’enfant est soit alternée (chaque parent s’occupe de l’enfant pendant des périodes plus ou moins équivalentes mais au moins à 35%), soit la garde est attribuée à un des parents et l’autre a un droit de visite. La solution à privilégier – lorsqu’elle est concrètement praticable – est la garde alternée car elle permet aux enfants d’entretenir des relations régulières avec ses deux parents. Il y a toutefois des conditions et cela nécessite un minimum de coopération entre les parents.
Pour ce qui concerne les pensions, les parents sont les mieux placés pour convenir ce qui nécessaire pour que le train de vie de l’enfant soit maintenu dans toute la mesure du possible. Lorsqu’il n’y a pas d’accord entre les parents, le Tribunal tranche avec la méthode du minimum vital avec partage de l’excédent : Les minimums vitaux sont établis pour chaque parent et enfant et les soldes disponibles sont répartis équitablement. Si l’on ne s’entend pas sur ce point-là, il vaut mieux aller voir un médiateur qui n’impose rien mais mène à la solution. Il faut en effet que chacun puisse se sentir à l’aise avec l’accord. Si les parents sont suffisamment ouverts pour tout faire dans le bien de l’enfant, les détails financiers deviennent secondaires et on peut trouver des solutions pratiques et convenables sans se faire une guerre judiciaire qui n’a jamais de gagnant mais qui a toujours un perdant : l’enfant gravement traumatisé, parfois à vie ! Compter 15% du salaire du parent qui n’a pas la garde pour fixer la pension d’un enfant, 25% pour deux enfants et 30% pour trois. Pour une garde alternée, le pourcentage se calcule sur la différence de revenus entre les parents.
Comment la garde de l’enfant est décidée lorsque les deux parents n’arrivent pas à se mettre d’accord ?
Les tribunaux poussent de plus en plus vers une garde alternée et cette tendance va probablement être prochainement fixée dans la loi. La garde alternée peut être ordonnée si tel est manifestement l’intérêt de l’enfant et malgré l’opposition éventuelle d’un des parents. Si la garde n’est pas alternée, elle est attribuée à l’un des parents et l’autre doit se contenter d’un droit de visite. Cette solution n’est pas satisfaisante car elle est ressentie souvent comme une punition ou une injustice par le parent qui n’a pas la garde. Les procédures sont longues, coûteuses et exténuantes (jusqu’à dix ans de procédures diverses et variées… !). Ce n’est manifestement pas l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi aujourd’hui, en Valais notamment, est expérimentée la méthode de Cochem (une ville allemande où cette méthode a été initiée). On place l’enfant au centre et un panel de spécialistes invite les parents à discuter devant eux et à tout faire dans et pour l’intérêt de l’enfant car il s’agit là de leur responsabilité parentale commune. Si l’un des parents refuse de discuter dans ces termes, il montre qu’il n’a pas la maturité nécessaire pour mettre les intérêts de l’enfant au premier plan et ne peut donc pas se voir attribuer la garde car ne pas vouloir le meilleur pour l’enfant, c’est déjà une forme de maltraitance. Ainsi, les solutions arrivent rapidement, en moins de trois mois, d’accord entre les parents. C’est la pratique actuelle et le résultat du Tribunal de Monthey. Elle va se généraliser sans doute.
Comment gérer les problèmes liés à la pension alimentaire ?
Tout est écrit à l’avance et il est parfaitement inutile de mener des procédures à rallonge. Même si le Tribunal fédéral suit une méthode complexe, les pourcentages sus-indiqués restent une bonne référence pour donner une fourchette acceptable. Inutile de payer des dizaines de milliers de francs en avocat pour gagner quelques pourcents. Si un accord ne peut pas être trouvé entre parents responsables, un médiateur les aidera à trouver eux-mêmes la juste et équitable solution. À défaut, les procédures vont s’éterniser et péjorer encore plus les relations. Mais il reste que, parfois et malheureusement, l’un des deux parents s’obstine dans une attitude combative et déraisonnable. Le Tribunal devra alors trancher. Si le parent payeur ne paie pas, on s’adressera aux services de recouvrement des pensions alimentaires qui feront l’avance et se chargeront d’aller récupérer les fonds auprès du parent débiteur. Cela évite aussi aux parents d’être en contact l’un avec l’autre. En cas de non-paiement, le service de recouvrement peut même porter plainte au pénal.
Quelles sont les avantages de la séparation ?
En droit, la séparation s’appelle des MPUC (Mesures Protectrices de l’Union Conjugale). Lors d’une séparation ou d’un divorce, les règles concernant l’enfant sont les mêmes. Les parents restent mariés, ce qui signifie que l’obligation de s’entretenir mutuellement et de maintenir le même train de vie demeure. Les pensions sont donc en principe plus élevées entre époux séparés qu’entre époux divorcés. Dans les MPUC, on ne liquide pas le régime matrimonial et on ne partage pas la LPP. On reste mariés et par conséquent on ne peut pas se remarier et l’autre est héritier réservataire en cas de décès (cette règle va changer tout prochainement).
Le divorce est en principe une coupure net (« clean break »). Donc, en principe, pas de pension pour l’ex-époux, sauf long mariage qui a influencé le mode de vie des époux. Le Tribunal fédéral a considéré qu’un parent n’a pas à reprendre une activité lucrative ou à augmenter son taux de travail existant tant que l’enfant le plus jeune n’a pas atteint l’âge de la scolarité. Il y a ensuite obligation de travailler au moins à 50% jusqu’à ce que le plus jeune des enfants termine l’école primaire puis à 80% jusqu’à l’âge de 16 ans révolus de l’enfant le plus jeune puis à 100%. Par conséquent, selon les ressources du parent qui n’a pas l’obligation de travailler, l’autre doit payer une pension à l’ex-époux pour lui permettre de vivre décemment, sans pour autant maintenir son train de vie antérieur.
À noter qu’on ne peut pas divorcer sans le consentement de l’autre sauf à avoir été physiquement séparés pendant deux ans. On peut cependant divorcer par consentement mutuel en tout temps.
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