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«Tout le monde peut appliquer le développement durable au quotidien»

24.11.2020
par Andrea Tarantini

Aujourd’hui, nous savons tous qu’il est impératif d’agir face au réchauffement climatique et à ses conséquences. Mais comment se positionne la Suisse, au niveau national et international en matière de développement durable? Qu’a-t-elle accompli suite à l’adoption de l’Agenda 2030 pour le développement durable par l’Assemblée générale des Nations Unies?

En 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté l’Agenda 2030 qui a représenté un changement de paradigme important. Qu’impliquent les 17 objectifs du développement durable (ODD)? Comment la Suisse se positionne-t-elle, au niveau national et international, en matière de développement durable? Jacques Ducrest et Daniel Dubas, Délégués du Conseil fédéral à l’Agenda 2030, répondent à nos questions. Tous les jours, ils s’occupent respectivement de la politique étrangère et des rapports de la Suisse sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de la politique intérieure, de la stratégie du Conseil fédéral pour le développement durable et du lien avec les cantons et les communes.

Aujourd’hui, comment définiriez-vous la situation mondiale en matière de politique climatique?

Daniel Dubas: Il est urgent d’agir car nous sommes face à un réchauffement climatique massif qui aura des conséquences très importantes pour l’humanité. L’accord de Paris pour le climat fournit un bon cadre international. En Suisse, à travers la loi sur le CO2, le Conseil fédéral et le Parlement ont proposé des mesures qui permettent d’entamer la réduction massive des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, il ne s’agit que d’une première étape: l’objectif est d’atteindre zéro émissions nettes d’ici 2050.

Qu’est-ce que le développement durable?

Jacques Ducrest: Le développement durable n’est pas un secteur, comme l’est la finance, l’environnement, l’économie, la formation ou l’énergie. C’est un axe transversal qui vise à satisfaire les besoins de la population en mettant en équilibre trois dimensions: environnementale, sociale et économique. Chaque secteur doit intégrer cette dimension de durabilité.

Que représentait l’Agenda 2030 lors de son adoption?

J.D.: L’Agenda 2030 a représenté une étape extrêmement importante, non seulement du point de vue du développement durable mais aussi du multilatéralisme. À la différence des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) qui visaient à répondre aux besoins des pays les plus pauvres, les 17 ODD sont universels et s’appliquent à tous les États, du Nord comme du Sud. Toutes et tous, vous et moi également, pouvons contribuer à leur mise en œuvre. L’Agenda 2030 fixe les priorités en matière de développement durable à l’horizon 2030 et indique la voie à suivre pour relever conjointement les grands défis globaux qui se présentent à la communauté internationale, tels que la lutte contre l’extrême pauvreté, le changement climatique ou les crises sanitaires.

Ces objectifs ne sont-ils pas trop nombreux ou trop ambitieux?

D.D.: L’Agenda 2030 reflète la complexité de notre monde et met en évidence la nécessité d’une réelle transformation qui va au-delà d’une simple adaptation de certaines pratiques. Dans ce sens, les ODD sont nombreux et ambitieux mais nécessaires car nous avons besoin de progrès importants dans toute une série de domaines.

Comment assurer le suivi des progrès, en Suisse et au niveau international?

J.D.: En Suisse, nous avons le système d’indicateurs MONET 2030 qui présente une vue d’ensemble du développement durable. Sur le plan international, les États se sont engagés à faire rapport régulièrement. En effet, chaque année, dans le cadre du Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui a lieu à l’ONU à New-York, une cinquantaine d’États présentent, sur une base volontaire, leur rapport de mise en œuvre de l’Agenda 2030. Des initiatives de «peer review» commencent à être lancées. Elles permettent de veiller à une meilleure objectivité de ces rapports. Par exemple, cette année, la Suisse a été invitée par la Finlande à commenter son rapport.

Au niveau mondial et national, qu’a-t-on atteint en cinq ans?

J.D.: Chaque année, l’ONU publie un rapport sur le développement durable. L’année passée, un groupe d’experts indépendants a également publié le «Global Sustainable Development Report 2019». Dans ce rapport paru avant la crise sanitaire actuelle, un diagramme met en évidence les domaines dans lesquels le monde avance plutôt bien (éducation primaire, diminution de la mortalité infantile). Ce document présente également les domaines dans lesquels la communauté internationale doit faire des efforts très importants (réduction de l’extrême pauvreté, travail des enfants, participation des femmes au niveau politique, promotion des énergies renouvelables etc.) et ceux dans lesquels elle régresse même (changement climatique, biodiversité, surpêche, etc.). La pandémie actuelle ne va malheureusement pas améliorer ce constat.

D.D.: La Suisse était très active au moment de négocier les ODD, et elle a réussi à influencer leur formulation. Elle est également relativement avancée par rapport à plusieurs objectifs, et elle a par exemple fait des progrès au sujet de l’égalité entre femmes et hommes. Récemment, nous avons réalisé un état des lieux et un rapport national, validé par le Conseil fédéral, au sujet de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 en Suisse. À travers ce rapport, nous avons compris que nous devons encore faire face à des défis importants, notamment dans le domaine de la consommation et de la production, du climat, de l’énergie et de la biodiversité ainsi que de l’égalité des chances.

Que peut accomplir la Suisse au niveau international?

J.D.: La Suisse participe activement aux Conférences des Parties à l’Accord de Paris et s’engage aussi en termes d’exemplarité. Le Conseil fédéral vise la neutralité carbone à partir de 2050. L’Accord de Paris permet aussi des coopérations internationales pour compenser des émissions en menant des projets climatiques à l’étranger. Dans ce cadre, la Suisse a récemment signé un accord avec le Pérou qui lui permettra d’imputer à son objectif national, et non à celui du Pérou, les réductions d’émissions ainsi réalisées. Il s’agit du premier accord de ce genre au niveau mondial dans le cadre de l’Accord de Paris.

Comment nos entreprises peuvent-elles contribuer au développement durable?

D.D.: Les entreprises jouent un rôle très important pour la mise en œuvre de l’Agenda 2030, et le Conseil fédéral souhaite qu’elles adoptent des pratiques responsables en Suisse et à l’étranger. Cela implique un engagement formel de la part de la direction de l’entreprise et surtout une approche systématique. Une entreprise doit se poser la question de ses impacts économiques, écologiques et sociétaux avec les outils appropriés, non seulement dans le cadre de ses propres activités, mais aussi de ses chaînes d’approvisionnement. Finalement, elle doit rendre compte de façon transparente et crédible de ses pratiques en matière de développement durable.

Quel rôle jouent les cantons et les communes?

D.D.: La plupart des cantons ont une personne responsable au développement durable. De nombreux cantons romands sont très actifs et ont validé une nouvelle stratégie pour le développement durable basée sur les 17 ODD. De nombreuses collectivités publiques font preuve d’un engagement fort au niveau de leurs actions.

Personnellement, comment chacun peut-il contribuer aux ODD?

D.D.: Tout le monde peut appliquer les principes du développement durable au quotidien. Nous ne sommes pas parfaits mais, à travers notre comportement et notre style de vie, nous pouvons agir. Personnellement, j’essaye de réduire mon empreinte écologique en consommant des produits locaux, de saison et certifiés. Je me déplace généralement en train, y compris pour les déplacements professionnels en Europe, je n’ai jamais eu de voiture et j’utilise souvent le vélo. Il ne s’agit que de petits gestes, mais ils font la différence.

J.D.: L’Agenda 2030 est une grande maison dans laquelle nous vivons tous. Il y a les États, les cantons et les communes, les ONG, l’économie, la finance, l’innovation, la recherche, vous et moi. Nous pouvons donc tous contribuer à ce que le toit de cette maison soit solide et que nous vivions dans de bonnes conditions. Personnellement, je voyage en train et je consomme, dans la mesure du possible, des produits locaux. Cependant, un domaine dans lequel il faut véritablement faire des efforts est celui de l’alimentation. Chaque année, les ménages suisses produisent environ un million de tonnes de déchets alimentaires. À ce niveau, on peut contribuer en s’organisant différemment, en faisant les courses régulièrement et en quantités raisonnables par exemple.

Pensez-vous que, d’ici 2030, tous les États membres de l’ONU pourront atteindre les ODD?

J.D.: Nous sommes tous optimistes, mais l’année 2030 se rapproche et ce sera un gros défi pour la communauté internationale de réaliser la plupart des ODD. Il faut donc essayer de s’y approcher le plus possible en veillant à ce que les crises qui pourraient survenir ne nous fassent pas perdre du terrain. Par définition, le développement durable est un processus à long terme qu’on doit intégrer dans nos vies, politiques et stratégies.

Comment voyez-vous le futur de la Suisse?

D.D.: La Suisse a un très haut niveau de qualité de vie, qu’il s’agit de maintenir à l’avenir. Mais il va falloir le faire en réduisant de manière très significative les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources naturelles liée à notre style de vie. Cela passe par une économie durable et davantage d’égalité des chances pour toutes et tous.

Interview Andrea Tarantini

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