quand le ski se réinvente
Hiver

Quand le ski se réinvente

14.11.2025
par SMA

Sous la neige, la montagne change. Loin du discours promotionnel, les acteurs de l’arc alpin repensent leur manière d’exploiter la neige et expérimentent des solutions concrètes pour prolonger le plaisir de glisse sans compromettre l’avenir des sommets.

Damage, stockage, barrières à vent et énergie solaire : aujourd’hui, les stations affinent leurs pratiques pour mieux s’adapter au climat qui change. Car derrière la carte postale enneigée, une réflexion profonde s’engage sur la façon d’habiter l’altitude autrement. Alors que les premiers flocons blanchissent déjà les hauts des Alpes vaudoises, la station de Villars-Diablerets s’apprête à ouvrir une nouvelle saison d’hiver. Du 5 décembre au 12 avril, le domaine proposera quatre mois de ski ininterrompus. Mais derrière l’image d’Épinal des chalets enneigés et des pistes fraîchement damées, une autre réalité se dessine : celle d’une montagne qui cherche désormais à équilibrer attractivité touristique et sobriété environnementale.

L’or blanc

Pour les stations, la neige n’est plus un simple décor : c’est une ressource à part entière, rare et précieuse. À Villars-Diablerets, elle fait l’objet d’une gestion durable et réfléchie à plusieurs niveaux, afin de garantir une offre de ski de qualité jusqu’à la fin de la saison. En effet, la neige n’est autre que la matière première nécessaire aux stations de ski pour délivrer leurs services. C’est pourquoi, lorsqu’un épisode neigeux se présente, les équipes de damage entrent en action dès la tombée du jour. L’objectif : tasser et répartir rapidement et équitablement la neige fraîche avant que le vent ou le redoux ne fassent leur travail. La fenêtre est parfois très courte, raison pour laquelle lors de ces épisodes de précipitations, les équipes sont doublées et se relaient sans interruption de 17h à 8h du matin. Chaque dameuse est équipée d’un sonar mesurant l’épaisseur du manteau neigeux sous la machine, permettant un damage plus précis et plus économe en énergie. Le parc de dameuses du côté de Villars-Diablerets a par ailleurs été renouvelé, avec désormais un tiers d’engins dotés d’une motorisation hybride. Une évolution discrète mais significative, dans un secteur où le carburant reste un poste d’émissions majeur.

Anticiper plutôt que produire

Autre levier d’action des stations : les barrières à neige, un dispositif simple et efficace pour limiter la perte de neige sous l’effet du vent. En effet, lorsque le vent souffle, il peut transporter rapidement d’importantes quantités de neige en dehors des pistes. Installer ces barrières à neige permet de limiter ce phénomène et ainsi réduire au minimum l’utilisation de l’enneigement mécanique. Après une première phase test l’hiver dernier, 500 mètres de barrières en bois ont été installés cet été à Villars. « Nous espérons économiser 35 000 m3 de neige, soit la quasi-totalité du volume nécessaire à l’exploitation de cette piste sur la saison » explique Martin Deburaux, directeur des remontées mécaniques. Toutes les barrières sont équipées de panneaux photovoltaïques, transformant l’installation en microcentrale solaire alpine. Le dispositif permettrait de générer 230 MWh par an. Une illustration concrète de la manière dont l’innovation technique peut s’intégrer au paysage montagnard sans le dénaturer.

Adapter le terrain plutôt que multiplier les canons

Le relief montagnard des stations présente également ses défis. Certaines pistes de la station de Villars-Diablerets, comme d’autres pistes des Alpes suisses, nécessitaient historiquement d’importantes quantités de neige artificielle pour compenser les irrégularités du terrain. Pour y remédier, la station a entrepris un reprofilage minutieux du versant. Les équipes ont d’abord découpé, numéroté puis stocké les portions de terre en surface, avant de remodeler le terrain et de replacer chaque portion de terre à son emplacement d’origine. Ces travaux devraient permettre de réduire de moitié la production de neige ainsi que les heures de damage sur ce secteur dès cet hiver. Ce type d’intervention, coûteux mais durable, traduit une évolution du modèle de gestion avec un impact minimum sur le paysage : agir sur la topographie plutôt que sur la production, dans une logique de long terme.

Se déplacer autrement en montagne

La réflexion engagée par plusieurs stations dépasse la seule question du manteau neigeux. Elle s’étend aussi à la mobilité, autre poste clé de l’empreinte carbone des stations alpines. À Villars-Diablerets comme dans d’autres destinations touristiques, les transports publics en station sont inclus dans le forfait de ski ou le Magic Pass, le forfait multi-stations en plein essor. Aussi, depuis Lausanne, les skieurs peuvent rejoindre les pistes efficacement sans prendre leur voiture avec des temps de trajet équivalents à s’ils avaient pris ces dernières. Ils sont à une heure en transport public de Villars-Diablerets. Cette politique d’incitation s’inscrit dans une tendance plus large en Suisse romande, où plusieurs stations cherchent à renforcer l’intermodalité entre rail et montagne. Cette popularité représente à la fois une force et un défi. Si elle garantit une base de clientèle fidèle, elle pousse aussi les stations à optimiser leurs ressources pour maintenir une qualité d’accueil sans surconsommation énergétique. Une approche pragmatique, reflet d’une transition à l’œuvre dans l’ensemble des Alpes, où la durabilité devient peu à peu un critère d’attractivité autant qu’une nécessité économique.

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