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«Notre société doit apprendre à fonctionner malgré les maladies»

28.01.2021
par Perrine Borlée

«Un préservatif protège du sida, un masque contre la Covid-19». Dans l’interview qui suit, Sharon Stone, actrice et activiste dans la lutte contre le sida, explique les parallèles qui existent entre ces deux maladies et raconte comment elle a réussi à se reconstruire après un grave problème de santé.

Sharon Stone, vous avez été touchée de près par le coronavirus. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Oui, à cause de ce virus j’ai perdu des êtres chers: la lauréate
du prix Nobel de la paix Betty Williams, qui était comme une seconde mère pour moi, a été hospitalisée pour une pneumonie et ma marraine adoptive pour une
septicémie. Toutes les deux sont ensuite décédées des suites de la Covid-19.

Vous avez été l’une des premières stars d’Hollywood à prendre le coronavirus au sérieux. Par exemple, lors de votre fête d’anniversaire, au début du mois de mars, vous preniez la température des invités. Étiez-vous déjà consciente de la dangerosité de cette maladie?

Oui. J’écoute, je fais mes propres recherches et j’essaye d’anticiper l’avenir. Je suis aussi impliquée dans la lutte contre les maladies infectieuses depuis 25 ans et je connais de nombreux médecins spécialisés dans ce domaine. D’ailleurs, le virus était là avant le mois de mars. C’est pourquoi, fin février, j’avais déjà annulé mes rendez-vous en dehors des États-Unis. Pour cette raison, on m’a même menacée de poursuites judiciaires. Mon avocat m’a également dit que j’étais une des premières actrices à annuler des voyages.

Vous êtes engagée dans la lutte contre le sida depuis des années. Quels sont les similitudes qui existent avec la pandémie actuelle?

Sous le microscope, il y a des éléments similaires. Mais nous ne connaissons pas encore très bien le coronavirus. Va-t-il encore muter? Comment? À présent, nous savons que 32,7 millions de personnes sont mortes du sida et qu’il n’existe toujours pas de vaccin, ni de remède, contrairement au coronavirus.

Pensez-vous qu’il faudra beaucoup de temps pour sortir de la crise?

Quand nous avons déploré 11 millions de décès dus au sida, nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer ensuite. Aujourd’hui, nous avons fait des progrès,
mais la maladie est encore là: si vous ne portez pas de préservatif, vous pouvez toujours attraper le sida. Je dis donc à tous ceux qui veulent retrouver leurs habitudes et qui ont en marre du coronavirus: «Réfléchissez bon sang!» Si nous voulons sortir de la crise, nous devons porter un masque, bien nous laver les mains et prendre des précautions, comme on le fait avec le VIH. Toutes ces mesures n’ont rien à voir avec une restriction des droits civils. C’est du bon sens!

Aujourd’hui, il existe des médicaments accessibles aux personnes séropositives. Qu’en sera-t-il du coronavirus selon vous?

Oui, nous avons maintenant des médicaments et des traitements qui aident les gens qui souffrent du sida. Cependant, il ne faut pas oublier que des gens meurent encore de cette maladie. Il y a quelques mois seulement, des chercheurs en maladies infectieuses ont enfin trouvé un remède à la maladie du sommeil qui sévit fortement au Congo. Mais nous n’en avons toujours pas pour la grippe porcine, par exemple. Ce n’est donc pas parce qu’on trouve un traitement qu’il sera assez efficace pour éradiquer complètement la maladie et les problèmes qui y sont liés.

En ce qui concerne la Covid-19, on remarque aujourd’hui que 75% des personnes guéries ont tout de même des problèmes de santé persistants. Je pense donc que notre société doit apprendre à fonctionner malgré les maladies. Ce n’est pas simple, nous sommes en droit de nous poser des questions telles que: «quel impact aura la crise sur l’économie et les assurances santé?» En fait, pour le moment, nous ne pouvons que collecter des données.

Vous savez par expérience que la santé a une grande valeur car, en 2001, votre vie était sur le fil du rasoir. Pouvez-vous nous parler de cette période?

Exactement. J’ai eu une rupture de l’artère vertébrale droite dans le cou, ainsi qu’une attaque et une hémorragie cérébrale massive. J’avais seulement cinq pour cent de chance de survivre.

Comment s’est passée votre convalescence?

Quand je suis rentrée à la maison, je n’entendais et ne voyais rien de mon côté gauche – et ce encore quelques années plus tard. Mon corps réagissait de manière étrange. J’avais des pertes de sensations et de force dans les membres. Il m’a fallu presque trois ans avant d’être de nouveau capable d’écrire mon nom. C’est le Dr. Hart Cohen – le médecin du musicien Glen Campbell – qui m’a aidée à faire face à ces défaillances cérébrales grâce à des médicaments. Malgré son traitement, il m’a quand même fallu près de sept ans pour me remettre vraiment sur pied.

Vos collègues d’Hollywood étaient-ils au courant de vos problèmes de santé?

Non, je n’avais pas vraiment envie d’en parler de peur de ne plus avoir de travail. J’ai essayé de me tenir occupée, mais ce n’était pas facile. Vous savez, Hollywood, c’est du show business. Et dans le show business on est vite appréciés, mais aussi vite oubliés.

Comment vous en êtes-vous sortie?

Dans les moments difficiles, comme celui que j’ai vécu, il est important de se consacrer aux autres, de les aider, de rester actif et d’avoir un objectif. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes exceptionnelles pendant cette période. Il s’agit notamment de gens qui sont impliqués dans l’aide aux victimes de la famine et dans les camps de réfugiés. C’est le cas de Betty Williams ou de Desmond Tutu, avec qui j’ai échangé de nombreux courriels. Je n’aurais jamais pu rencontrer ces personnes formidables, qui travaillent pour améliorer les conditions de vie des autres, si je n’étais pas passée par des moments aussi sombres.

Lorsqu’on traverse des moments difficiles, on se sent parfois impuissant. C’est ce que ressentent aussi de nombreuses personnes en cette période de crise sanitaire. Avez-vous aussi eu ce sentiment? Comment l’avez-vous surmonté?

Bien sûr, je suis aussi passée par là. Je sortais sur le balcon et je criais de toutes mes forces, comme si on m’assassinait. Ce qui est formidable, c’est que personne ne semblait penser que c’était bizarre. Mes voisins avaient l’air de comprendre. Je retournais ensuite à l’intérieur et je frappais mon oreiller avant d’aller au travail. Je pense que pour surmonter ce sentiment et cette crise en général, il faut aussi plus de compassion, d’humour, de tendresse et de réflexion.

La santé mentale est un sujet qui vous touche énormément. Dans ce cadre, que conseillez-vous aux personnes qui souffrent de maladies psychiques?

Souvent, je partage sur les réseaux sociaux le contact de la «hotline» pour les personnes qui pensent au suicide. À mon avis, il est important de demander de l’aide. Lorsqu’on ne peut pas sortir, rencontrer des gens et travailler comme d’habitude, on peut vite perdre pied. La pandémie nous a appris que les liens sociaux sont essentiels. Nous avons besoin de garder le contact avec les autres, mais aussi de prendre soin de nous. Prenez un bain de temps en temps ou peignez – moi je peins par exemple. J’ai toujours des livres de coloriage à portée de main quand je suis au téléphone – car ce sont de bons moyens de s’occuper de soi-même. Il y a aussi beaucoup de programmes intéressants à la télévision.

Comment vos enfants font-ils face aux restrictions dues à la pandémie?

Ils se sont bien adaptés. Ils ont même amélioré leurs notes depuis qu’ils font l’école à la maison. Nous avons bien évidemment passé des moments difficiles, mais c’est tout à fait normal: même lorsqu’on n’est pas en quarantaine, ça arrive de se prendre la tête. Dans l’ensemble, ça été pour nous l’occasion de passer de bons moments en famille.

Que pensent vos garçons de vous en tant qu’actrice? Ont-ils regardé vos films?

Mes enfants pensent que je suis plutôt cool et que je suis une bonne actrice. Le plus jeune a 14 ans et il a déjà vu tous mes films. Nous avons beaucoup parlé de «Basic Instinct», en particulier de la façon dont les gens parlent, abusent de leur pouvoir et agissent de façon inappropriée. Nous avons comparé cela avec ce qu’il se passe parfois dans la réalité.

«Casino» et votre nomination aux Oscars représentent-ils l’apogée de votre carrière?

Mon plus grand rêve était de travailler un jour avec Martin Scorsese et Robert De Niro. J’ai donc eu ce que je voulais. Je suis juste un peu déçue que d’autres
directeurs de ce calibre ne m’aient pas offert d’emploi après cette expérience. Je suis de nouveau en bonne santé, je possède toutes mes facultés et j’arrive aussi à apprendre trente pages de dialogue par jour. Je suis donc tout à fait apte à reprendre des rôles de ce genre.

Quelles leçons de vie retenez-vous à 62 ans?

Je ne savais pas, par exemple, que devenir une épouse ne résout pas tous les problèmes. Avant, je pensais que, quel que soit votre partenaire, le mariage ou la vie vous rend automatiquement heureux. Je n’imaginais pas non plus avoir cet important accident vasculaire cérébral et j’ai été très reconnaissante de pouvoir passer le cap de mes 60 ans. Maintenant, j’ai décidé de ne pas avoir peur de vieillir et de me bonifier avec l’âge, comme le vin!

Interview Marlène von Arx
Traduit de l’allemand par Perrine Borlée

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