Samantha Anderson est une scientifique passionnée et cofondatrice de DePoly, une start-up suisse innovante spécialisée dans le recyclage du plastique PET. Motivée par l’urgence environnementale et la nécessité de solutions durables, Samantha a contribué à développer une technologie unique qui permet de réintégrer les plastiques dans une boucle circulaire.
Grâce à son expertise et à sa détermination, DePoly est devenu un acteur incontournable de la cleantech, aidant à transformer l’industrie du recyclage en alliant impact écologique et performance industrielle.
Samantha Anderson, pourriez-vous nous présenter DePoly ?
Depuis toute petite, je voulais devenir scientifique. Plus tard, au cours de mon doctorat, j’ai découvert des articles sur la pollution plastique, notamment les microplastiques présents dans l’organisme humain. Cela m’a profondément interpellée et j’ai souhaité trouver une solution à cette pollution. Nous avons alors mis au point une réaction chimique capable de décomposer les plastiques PET et polyester en leurs monomères d’origine (PTA et MEG). C’est ainsi qu’avec Bardiya Valizadeh et Christopher Ireland, nous avons cofondé DePoly en 2020.
Quels enjeux environnementaux tentez-vous de résoudre ?
Aujourd’hui, on estime que plus de 9 millions de tonnes de plastique polluent notre environnement et que moins de 10 % du plastique produit est recyclé. Notre mission n’est pas de résoudre cette problématique seuls, cela serait utopique, mais notre technologie vise à boucler le cycle du plastique et à instaurer une économie circulaire durable pour ce matériau. Nous cherchons à réduire la quantité de plastique qui finit dans la nature en offrant une solution durable, efficace et facile à adopter pour les entreprises et les gouvernements.
Comment fonctionne la technologie de DePoly pour recycler le PET ?
La technologie DePoly repose sur un procédé simple, utilisant des produits chimiques courants et respectueux de l’environnement. Nous sommes capables de décomposer les plastiques PET et polyester en monomères bruts (PTA et MEG), sans pression ou chaleur additionnelle. Notre PTA atteint une qualité identique à celle issue des hydrocarbures, ce qui permet d’éviter l’extraction de nouvelles ressources pétrolières pour produire du plastique neuf.
Quels types de plastiques DePoly peut-il recycler ?
L’un de nos atouts est de pouvoir traiter des flux de déchets mixtes, sans besoin de tri, de lavage ou de prétraitement. La plupart des recycleurs actuels nécessitent des plastiques propres et triés, ce qui conduit au rejet de nombreux plastiques difficilement recyclables, qui sont incinérés ou enfouis. Nous recyclons aujourd’hui les plastiques PET et polyester, qu’il s’agisse d’emballages, de bouteilles, de textiles ou de déchets industriels. Nous avons également lancé des projets de recherche pour élargir notre technologie à d’autres types de plastiques.
En termes de durabilité et d’efficacité, en quoi votre méthode se distingue-t-elle des processus existants ?
Notre technologie cible spécifiquement le PET et permet de gérer les déchets plastiques mélangés ou contaminés, qu’ils soient industriels ou issus des consommateurs, y compris les textiles en polyester, sans tri préalable. Nous venons ainsi compléter le recyclage mécanique en prenant en charge des déchets non recyclés actuellement. Par exemple, nous avons récemment collaboré sur un projet visant à transformer des déchets rejetés du système de recyclage en un pot cosmétique.
Comment travaillez-vous avec d’autres entreprises pour intégrer votre solution de recyclage à grande échelle ?
Nous avons récemment annoncé un partenariat avec Odlo, l’icône suisse de l’habillement, dans le cadre d’un projet visant à créer leur première couche de base circulaire, en utilisant du tissu coupé, provenant des couches de base Active Warm d’Odlo. Nous tenterons de décomposer les matériaux et de les convertir en monomères (composés synthétiques uniques), puis de les réassembler en fils de polyéthylène téréphtalate (PET) recyclés – les prémices de ce qui pourrait devenir la première couche de base circulaire d’Odlo. Nous explorons également les possibilités de partenariat avec de grands noms de l’industrie de l’emballage et du textile. Malheureusement, nous ne pouvons pas encore divulguer de noms, mais vous pouvez rester à l’affût des annonces dans un avenir proche !
Prévoyez-vous d’étendre votre solution à l’international ?
Notre siège et notre centre de R&D se trouvent à Sion, et nous avons lancé la construction de notre site de démonstration à Monthey, d’une capacité de traitement annuelle de 500 tonnes. D’ici 2027, nous envisageons de construire notre première usine commerciale avec une capacité annuelle de 50 000 tonnes, probablement en dehors de la Suisse pour être plus proche des sources d’approvisionnement, comme aux États-Unis, au Canada ou en Asie du Sud-Est.
Quel rôle joue l’innovation dans le développement de DePoly ?
L’innovation est au cœur de ce que nous faisons chez DePoly. Nous ne serions pas là où nous sommes aujourd’hui sans elle et sans l’équipe de personnes incroyables qui la soutiennent. Nous avons réussi à faire passer une technologie de quelques grammes à des centaines de kilos, et bientôt à des tonnes. Cette évolution est le fruit de l’innovation et de la volonté de remettre en cause le statu quo. Nous explorons actuellement des solutions pour d’autres types de plastiques dans notre centre de R&D et espérons appliquer notre processus technologique à d’autres matériaux que le PET et le polyester.
Quels sont les bénéfices économiques et écologiques ?
Depuis quelques années, les entreprises se fixent des objectifs de durabilité, souhaitent réduire les déchets et s’assurer que leurs matériaux bénéficient d’une seconde vie. En collaborant avec nous, elles disposent de solutions pour atteindre ces objectifs, que ce soit pour le traitement de leurs déchets, la fourniture de PTA de qualité vierge, ou encore des produits finis comme des bouteilles PET recyclées.
Comment DePoly sensibilise-t-il les consommateurs et les entreprises à l’importance du recyclage du plastique ?
La communication et les partenariats jouent un rôle clé dans la sensibilisation. Grâce à des initiatives collectives des ONG, comme The Ocean Cleanup, Race for Water ou Sea Cleaners, elles montrent au grand jour le fléau de la pollution plastique. Notre rôle est de veiller à ce que le plastique ne finisse pas dans notre environnement, mais dans l’une de nos installations pour y être traité et recyclé et finalement réintégré dans la boucle circulaire.
Quel a été le plus grand succès de DePoly jusqu’à présent, et comment envisagez-vous de continuer à repousser les limites de l’innovation dans le recyclage ?
Nous avons récemment remporté le Top 100 Swiss Startup Award, une distinction très prestigieuse en Suisse. C’est un honneur d’être reconnus par des investisseurs et experts de haut niveau. Personnellement, notre plus grand succès a été de tenir entre nos mains des produits finaux, comme un pot cosmétique ou une bouteille PET recyclée, provenant d’un flux de déchets quelques semaines plus tôt.
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