Trois fois champion des 24 Heures du Mans et deux fois champion du monde d’endurance en Formule E, le pilote suisse Sébastien Buemi a commencé à courir en voiture électrique en 2014, après quelques années en Formule 1. Dans l’interview qui suit, il nous parle de son métier et de la mobilité électrique.
Sébastien Buemi, pourquoi avez-vous choisi de devenir pilote automobile?
À cinq ans, mon père m’a mis dans un karting et j’ai adoré. Depuis, le sport automobile est devenu mon univers. C’était tout simplement comme si j’étais destiné à devenir pilote.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier?
J’adore la conduite et le pilotage. J’aime aussi le partage avec les ingénieurs, la recherche qui nous permet d’améliorer la voiture, les échanges avec les mécaniciens, mais également la compétition avec les autres pilotes.
Qu’est-ce que la Formule E à vos yeux?
La Formule E est d’abord mon métier. Contrairement à la Formule 1, en Formule E on court avec des voitures électriques monoplaces dont la base est la même pour tout le monde. Chaque constructeur a néanmoins le droit de travailler sur son propre moteur électrique. En ce qui concerne les championnats, ils se déroulent sur une seule journée et sur des circuits en centre-ville. Cela permet notamment aux constructeurs de faire connaître les voitures électriques autrement et de prouver aux gens qu’elles peuvent être belles, rapides, puissantes et avoir une bonne autonomie.
Plus précisément, comment la Formule E conjugue-t-elle le sport automobile et le développement durable?
La Formule E est le premier sport neutre en carbone. Un des points forts de l’électrique est le fait qu’il pousse les constructeurs à développer des technologies qui peuvent être utilisées sur les véhicules privés, ce qui est plus difficile en Formule 1. Les investissements concernent donc aussi la recherche et le développement, ce qui fait sens à mon avis. Par exemple, les constructeurs travaillent sur l’efficacité du moteur électrique afin de le rendre aussi puissant et économe en énergie que possible.
Pourquoi avez-vous décidé de continuer votre carrière en Formule E?
Quand je suis arrivé en Formule E, je savais que je courais avec une très bonne équipe et une super voiture. Je trouvais intéressante l’idée de participer au développement de la technologie de demain, même si ce n’était pas vraiment la raison première de mon entrée en Formule E. Il est vrai que maintenant que j’ai deux enfants, je réalise que les enjeux climatiques sont très importants et je me sens beaucoup plus investi dans l’écologie qu’avant. J’avoue néanmoins que mon bilan carbone doit encore être catastrophique car je prends souvent l’avion pour aller aux quatre coins du monde.
Au niveau du véhicule, quelles sont les différences ressenties par un pilote de Formule 1 et de Formule E?
La voiture électrique a encore des points faibles. Pour avoir une bonne autonomie et de la puissance, la voiture doit posséder une grosse batterie très lourde. Les batteries ne peuvent pas être placées dans le fond plat car on est déjà quasiment assis par terre. La solution qu’on a trouvée est de les placer derrière le pilote, ce qui rend la voiture beaucoup plus difficile à conduire. C’est pourquoi, petit à petit, les batteries s’améliorent.
Et qu’en est-il en termes de vitesse?
Une voiture de Formule 1 atteint 340 à 350 km/h sur des circuits avec des longues lignes droites. On peut même atteindre les 500 km/h, mais il faut beaucoup ralentir dans les virages. Le compromis n’est donc pas très bon. En Formule E, en revanche, on roule à environ 230 km/h et on peut atteindre jusqu’à 280 km/h car les courses n’ont lieu qu’en ville et sur des petites lignes droites. On n’est donc pas obligé de ralentir autant dans les virages.
Quels sont les avantages et les défis de la mobilité électrique selon vous?
Les voitures électriques nous aident à atteindre la neutralité carbone et sont d’ailleurs idéales pour effectuer des petits trajets. Il reste tout de même encore beaucoup de challenges, comme le manque de bornes de chargement. Il faut aussi produire de l’électricité verte et fabriquer des batteries avec des matériaux moins rares que le lithium – si possible -, autrement on ne fait que déplacer la pollution des villes aux mines. Le recyclage des batteries représente un autre défi important.
Comment voyez-vous votre avenir?
J’espère pouvoir continuer à faire des courses et à en gagner encore beaucoup, ce qui est mon objectif à chaque championnat. Mon métier me passionne et j’ai vraiment de la chance de pouvoir rouler avec de bonnes équipes et de belles voitures.
Interview Andrea Tarantini et Léa Stocky
Image Romina Amato/Red Bull Content Pool
Laisser un commentaire