Avocate à Lausanne et spécialiste FSA droit pénal, Miriam Mazou fonde en 2021 Mazou Avocats SA, une Étude d’avocats qui a pour vocation de conseiller et défendre des entreprises et des particuliers en droit pénal, et plus particulièrement en droit pénal des affaires, régulièrement avec des ramifications internationales. Se décrivant comme rigoureuse et déterminée, elle se réjouit d’avoir constitué une équipe d’avocats dynamiques et motivés qui l’entourent de manière efficace.
Dans cette interview, l’avocate explique ce que les entreprises doivent savoir en matière de corruption.
Miriam Mazou, la corruption est un des domaines sur lesquels vous travaillez. Les entreprises, notamment les PME, peuvent en être victimes. Dans quelle mesure ?
Tout agent du secteur privé peut être concerné. Est punissable, tant l’agent privé corrompu (pour corruption privée passive), que la personne qui cherche à le corrompre (pour corruption privée active). Les entreprises, quant à elles, peuvent non seulement être victimes de corruption privée, mais peuvent également être poursuivies pénalement en lien avec celle-ci.
Avez-vous un exemple ?
On peut citer l’exemple d’un prestataire de services qui corrompt le responsable d’une société pour obtenir un contrat avec celle-ci. Ou l’exemple d’un sous-traitant qui corrompt le responsable du contrôle qualité d’un constructeur pour qu’il ferme les yeux sur les défauts de son produit à la livraison.
Pour les entreprises, quelles sont les principales lois qui existent en matière de corruption ?
L’article 102 du code pénal permet de punir l’entreprise d’une amende allant jusqu’à 5 millions de francs. Une telle condamnation est possible si l’on peut reprocher à l’entreprise de ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher cette infraction. En présence d’actes de corruption privée active, la condamnation de l’entreprise employant le corrupteur est possible peu importe si la personne physique qui a agi est identifiée – auquel cas les deux pourront être punies, l’entreprise et la personne physique – ou non (art. 102 al. 2 du code pénal). En matière de corruption privée passive, l’entreprise au sein de laquelle travaille le corrompu ne peut être condamnée que si, en raison de son manque d’organisation, l’infraction ne peut être imputée à aucune personne physique (art. 102 al. 1 du code pénal). En d’autres termes si le coupable n’est pas identifié. Étonnamment, la loi ne prévoit pas la possibilité de punir l’entreprise en lien avec la corruption privée passive en parallèle à la personne physique.
Pour quelle raison ?
L’idée sous-jacente est que l’entreprise du corrompu est déjà suffisamment lésée par les actes de son agent. Certes, si dans le cadre de la négociation d’un contrat entre les entreprises A et B, le négociateur de l’entreprise A soudoie son partenaire de l’entreprise B pour obtenir un contrat excessivement favorable, A bénéficiera d’un contrat très favorable, alors que B sera lésée dans ses intérêts commerciaux. Mais c’est oublier que l’intérêt public pourrait également être lésé, par exemple dans le domaine de la santé ou du sport.
Comment prévenir la corruption au sein des entreprises ?
Les entreprises doivent être très vigilantes face à la corruption. Elles doivent en premier lieu identifier correctement les risques de corruption. Ceux-ci peuvent considérablement varier selon les domaines d’activité. Elles doivent également sensibiliser leurs collaborateurs, et selon les domaines, définir un code de conduite précis, mettre en place un système de contrôle interne et former les responsables. Il faudrait selon moi chiffrer autant que possible la valeur à partir de laquelle aucun avantage ne peut être accepté. En effet, il y a là encore de nombreuses carences dans les entreprises – de même que dans les administrations d’ailleurs. Les collaborateurs ne savent souvent pas exactement comment ils doivent se comporter selon le contexte. Ils ignorent fréquemment quels avantages de faible valeur restent admissibles et lesquels doivent impérativement être refusés. Enfin, les entreprises doivent également veiller à créer et entretenir une culture d’intégrité et de transparence.
Si on en est victime, que faire ?
Depuis 2016, la corruption privée est également punissable en dehors des situations de concurrence classiques. De plus, elle se poursuit désormais d’office, sauf dans les cas de peu de gravité. Le lésé peut dorénavant plus facilement saisir la justice pénale, sans qu’il soit nécessaire de respecter le délai de plainte de trois mois.
Vous êtes également spécialisée en droit pénal économique. Quelles sont les raisons principales pour lesquelles les entreprises viennent vous voir dans ce domaine ?
Les infractions auxquelles les entreprises doivent parfois faire face sont principalement liées à des indélicatesses de leurs collaborateurs, à l’image d’actes de gestion déloyale, d’abus de confiance ou encore de concurrence déloyale. Heureusement, il y a des solutions et des réparations possibles, qu’elles soient négociées à l’amiable ou trouvées par la voie judiciaire « classique ».
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