Privilégier la saisonnalité et la fraîcheur en cuisine est essentiel pour rester en bonne santé. C’est le point de vue que partage le chef suisse Franck Giovannini. Dans cette interview, il nous explique comment maintenir l’équilibre nutritionnel dans ses plats.
Franck Giovannini, comment est née votre passion pour la cuisine ?
J’ai toujours voulu travailler dans le domaine des métiers de bouche. Si la boulangerie m’a tout d’abord beaucoup intéressé, c’est finalement la cuisine qui me convenait le plus. J’ai eu la chance de savoir ce que je voulais faire à 15 ans.
Quel est votre parcours professionnel ?
Cela fait presque 29 ans que je suis à Crissier et j’en dirige aujourd’hui le restaurant de l’Hôtel de ville. J’ai commencé par un apprentissage au-dessus de Morges dans le restaurant d’un chef qui a aussi travaillé à Crissier, ce qui m’a permis de me familiariser avec la cuisine gastronomique dès mes débuts. Je suis ensuite parti aux États-Unis pendant quatre ans où j’ai travaillé dans des restaurants gastronomiques à New York et à Boston.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier aujourd’hui ?
Beaucoup de choses ! J’ai la chance de pouvoir transformer les produits que la nature nous offre, d’avoir le résultat de mon travail deux fois par jour mais aussi de pouvoir transmettre ma passion aux jeunes en les formant. Dans mon métier, on donne du bonheur aux gens et on peut voir leur satisfaction après avoir dégusté un bon plat.
Où trouvez-vous vos sources d’inspiration et comment faites-vous pour continuer à faire vivre votre passion au quotidien ?
J’aime la création ! J’apprécie créer de nouveaux menus, tous plus différents les uns que les autres. C’est dynamique, ça ne s’arrête jamais ! Je ne vais pas marcher dans la forêt pour penser à mes plats, c’est bien dans la cuisine que je suis le plus créatif. Ma seule hantise est qu’un jour la passion disparaisse. Aujourd’hui cependant, elle est bien là et me permet de m’épanouir au travail, c’est le feu sacré du métier. Mes journées sont très longues, je viens à 8h et je repars à minuit. Si je n’avais plus l’envie, ça deviendrait compliqué. Pour moi, la passion doit être communicative et je dois réussir à la transmettre à mes collaborateurs et à mes clients.
Quel est votre plat préféré ?
C’est dur, il y en a tellement ! J’ai toujours plaisir à manger une bonne raclette ou une bonne fondue, ou encore un poulet rôti au four avec les pommes de terre qui cuisent à côté. Je suis très gourmand, mes goûts dépendent surtout du moment et des saisons.
Comment créez-vous des plats équilibrés qui satisfont à la fois les sens et les besoins nutritionnels des clients ?
Si tout le monde prenait le temps de cuisiner des produits frais, on serait en meilleure santé. Aujourd’hui, il existe tellement de plats déjà préparés qu’il est très facile de ne plus cuisiner du tout. Cependant, un plat équilibré est composé de produits frais. Il faut essayer. Prendre du temps pour cuisiner, c’est aussi prendre du temps pour soi. Voir le plaisir que procure à ses invités le plat qu’on a cuisiné motive ! Les gens sont sensibles au fait de réussir des choses par eux-mêmes.
Si l’on veut trouver un aliment qui ne vient pas de loin et qui est donc de meilleure qualité car il n’a pas voyagé pendant des semaines, on est obligé de respecter la saisonnalité.
Au restaurant, nous proposons de grands menus. Nous avons donc dû fortement alléger les plats pour que les gens arrivent au bout du repas en étant plus à l’aise. Nous avons par exemple enlevé tout le beurre et il n’y a pratiquement plus de féculents. Au contraire, nous avons mis des légumes un peu partout car ils apportent de la texture, du détail et bien sûr du goût.
Quel rôle joue la saisonnalité des ingrédients dans votre cuisine et comment cela peut-il être bénéfique pour la santé ?
Au niveau de la santé, la saisonnalité n’a pas trop d’impact. En revanche, elle est essentielle car plus durable. Au restaurant, nous avons créé une nouvelle saison entre le printemps et l’été pour éviter d’acheter des produits trop loin. Quand ils ne sont pas suisses, je m’autorise uniquement à aller chercher les produits dans les pays qui nous entourent tels qu’en France ou en Italie. Si l’on veut trouver un aliment qui ne vient pas de loin et qui est donc de meilleure qualité car il n’a pas voyagé pendant des semaines, on est obligé de respecter la saisonnalité.
On a toujours utilisé des produits locaux, mais avant, on faisait peut-être un peu moins attention. L’évolution est donc positive dans ce sens-là. Aujourd’hui, la clientèle est également plus sensible à ces sujets et ne veut plus consommer un produit qui a voyagé depuis le bout du monde.
En hiver, quels sont les aliments à privilégier ?
On peut manger beaucoup de légumes racines, des palets et des salsifis. Je recommande aux gens d’aller au marché car on y trouve des marchands locaux qui vendent des produits du coin et uniquement de saison.
L’alimentation durable est de plus en plus importante. Comment gérez-vous les pratiques durables dans votre cuisine tout en créant des plats sains et délicieux ?
Il est important d’avoir un équilibre dans les menus. D’un côté, j’essaie de ne jamais proposer deux fois la même chose. Dans un menu gastronomique, je cuisine toujours une viande, des légumes ou encore deux ou trois plats qui sortent de l’eau. D’un autre côté, il n’y a rien en surabondance. Il est également très important pour moi d’utiliser tout ce que j’achète afin d’éviter le gaspillage. Au-delà de donner du plaisir aux gens, il faut aussi être rentable, ce qui passe par le fait d’éviter les pertes.
Les herbes et les épices ont souvent des avantages pour la santé. Pouvez-vous partager quelques combinaisons d’assaisonnements originales que vous aimez utiliser dans vos plats pour ajouter de la saveur tout en maintenant l’équilibre nutritionnel ?
J’utilise beaucoup d’herbes sèches qui sont meilleures que les herbes séchées d’un point de vue nutritionnel. En effet, si ces dernières sont plus aromatiques, elles perdent leur côté nutritif en séchant. J’aime utiliser la livèche, que ma mère appelle l’herbe à magie, pour tout ce qui sort de l’eau, tel que les poissons, les crustacés, les coquillages. L’astuce est de remettre dans sa sauce l’herbe qu’on a utilisée une fois qu’elle est cuisinée. Cela permet de ramener le goût original de l’herbe et ses saveurs nutritives. En effet, en cuisant, le goût change.
Pouvez-vous partager des conseils sur la manière de rendre les légumes plus attrayants dans les plats, encourageant ainsi une alimentation plus saine ?
Les légumes sont importants dans ma cuisine. Il est nécessaire de maîtriser leur cuisson et de ne pas les servir trop cuits, ce qui peut être assez difficile. Sinon, de la même manière que pour les herbes, le goût change et ils perdent leur côté nutritif. Je rajoute souvent des légumes crus à mes plats. Cela ajoute du croquant et ramène le goût initial du légume. Par exemple, quand on fait une crème d’asperges à la maison, une fois qu’elles sont cuites et dans le bouillon, ajouter des asperges crues avant de les mixer fait toute la différence.
Recette
Soupe gourmande de racines d’hiver aromatisée aux truffes noires
Ingrédients
Pour 4 personnes
- 3 truffes noire de 50 g pour l’ensemble de la recette
- 160 g de courge épluchée
- 160 g de salsifis épluchés jus de citron
- 16 pommes de terre grenaille
Jus de Truffe noire
- 100 g de porto blanc
- 100 g de madère
- 200 g de bouillon de volaille
- Épluchures de truffes noires
Sauce aux Truffes noires
- 1 échalote ciselée
- 40 g de truffe noire hachée
- 100 g de porto blanc
- 100 g de madère
- 200 g de jus de truffes noires
- 200 g de crème
- 60 g de beurre
Finition
- 80 g de courge épluchée
- 2 tranches de pain de mie
- 120 g de jambon cru en tranches
- Beurre clarifié
Assaisonnement
- Sel
- Poivre
- Tabasco
- Huile d’olive
Jus de Truffe noire
Éplucher les truffes. Dans une casserole, porter à ébullition le porto et le madère, flamber et faire réduire de moitié. Ajouter le bouillon de volaille et les épluchures de truffes puis cuire 30 minutes, passer au chinois et réserver.
Sauce aux Truffes noires
Faire suer l’échalote et la truffe noire hachée avec une noix de beurre. Saler et poivrer. Déglacer avec le porto blanc et le madère, réduire de moitié. Ajouter le jus de truffe, cuire 10 minutes. Mouiller avec la crème et laisser mijoter à nouveau 10 minutes. Incorporer le beurre restant, mixer et rectifier l’assaisonnement avec du sel, du poivre et du Tabasco.
Garniture
Tailler la courge en gros cubes et les poêler avec un filet d’huile d’olive, saler et poivrer. Égoutter sur un papier absorbant.
Cuire les salsifis dans de l’eau bouillante salée et légèrement citronnée. Vérifier la cuisson avec la pointe du couteau, refroidir et les couper en biseaux.
Cuire les pommes de terre grenaille en robe des champs, les refroidir et les tailler en rondelles.
Finition
Tailler une truffe en cubes, les faire revenir rapidement dans du beurre avec du sel et du poivre.
Tailler la deuxième truffe en pastilles et la dernière en fine julienne. Hacher finement les parures des pastilles.
Couper également en cubes et en fins bâtonnets la courge crue.
Trancher le pain de mie en cubes, les colorer rapidement dans une poêle antiadhésive avec du beurre clarifié. Égoutter, saler et poivrer.
Couper les tranches de jambon en triangles et rouler des petits cornets.
Dressage
Garnir élégamment les assiettes ou les bols avec les cubes de courge rôtis, les cubes de truffes noires, les rondelles de pomme de terre grenaille et les biseaux de salsifis. Les recouvrir d’un papier absorbant humide et les chauffer au four à 200 °C environ 5 minutes.
Ajouter les croûtons de pain, les cornets de jambon, la courge, les pastilles de truffe noire ainsi que la julienne.
Terminer le dressage en saupoudrant l’ensemble avec la truffe noire hachée. Servir la sauce émulsionnée bien chaude dans une saucière à part.
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