Libérer des capitaux sans céder le contrôle de ses actifs : c’est la promesse du « sale and leaseback », une stratégie financière qui séduit de plus en plus d’entreprises suisses. La liquidité et la flexibilité étant devenues des leviers de compétitivité, cette approche permet de dégager des fonds tout en conservant l’usage des infrastructures essentielles à son activité. Mais comment fonctionnent réellement ces transactions, et quels en sont les véritables avantages ? À la tête de Procimmo SA, acteur de référence sur ce marché de niche, Arno Kneubühler partage son expertise et dévoile les atouts d’une solution qui gagne du terrain.
Arno Kneubühler à quoi fait-on référence lorsque l’on parle d’une transaction de « sale and leaseback » ?
Une transaction de vente et de location (« sale and leaseback ») permet à une entreprise de vendre un bien immobilier dont elle est propriétaire tout en signant simultanément un contrat de location pour en conserver l’usage. Ce dispositif lui permet de libérer des capitaux tout en maintenant le contrôle opérationnel de ses actifs. Depuis 18 ans, nous avons mené avec succès de nombreuses opérations de ce type chaque année, offrant des avantages aux deux parties.
Quels sont les principaux avantages des transactions de vente et de location pour les entreprises ?
Ces transactions offrent plusieurs avantages majeurs. Tout d’abord, elles améliorent significativement la liquidité. En cédant leurs actifs immobiliers, les entreprises génèrent des fonds immédiats qu’elles peuvent réinvestir dans leur cœur de métier ou utiliser pour réduire leur endettement. Ce modèle s’applique même à des sites stratégiques, comme celui de la production des billets CHF de la BNS. Nous avons acquis ce site industriel en respectant des normes de sécurité strictes et en garantissant au vendeur une flexibilité totale pour qu’il puisse poursuivre son activité sans contrainte.
Le « sale and leaseback » permet également d’optimiser la gestion du bilan. En réduisant leur exposition aux actifs immobiliers, les entreprises améliorent des indicateurs clés comme le ratio d’endettement, ce qui peut être déterminant pour attirer des investisseurs ou sécuriser un financement.
Un autre avantage réside dans le transfert des responsabilités de gestion immobilière à l’acheteur, libérant ainsi l’entreprise de contraintes opérationnelles et lui permettant de se recentrer sur son développement. De plus, les baux à long terme apportent une stabilité financière en garantissant des coûts maîtrisés sur dix ans ou plus. Pour les entreprises en croissance, des solutions sur mesure peuvent être mises en place, comme l’acquisition d’immeubles voisins ou le redéveloppement du site existant afin d’accompagner leur expansion.
Comment la conclusion d’un bail à long terme bénéficie-t-elle aux entreprises ?
Les baux à long terme apportent aux entreprises une visibilité financière et une stabilité précieuse. En connaissant à l’avance leurs coûts d’occupation pour la prochaine décennie, elles peuvent planifier sereinement leur budget et éviter les imprévus liés à une hausse soudaine des loyers ou à d’éventuels frais de relocalisation. Cette prévisibilité leur permet de se concentrer pleinement sur leur développement sans avoir à gérer des fluctuations immobilières imprévues.
Quel conseil stratégique donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent se lancer ?
Mon principal conseil serait de mener une analyse approfondie des implications financières. Il est essentiel de collaborer étroitement avec des conseillers en immobilier et en finance afin de bien appréhender les conditions du marché ainsi que les aspects juridiques de ce type de transaction. Les entreprises doivent également anticiper leurs besoins futurs en espace pour s’assurer que les termes du bail restent en phase avec leur stratégie de croissance.
Quels avantages y-a-t-il à acheter des biens immobiliers par ce biais ?
Ces transactions présentent plusieurs avantages majeurs. Tout d’abord, elles génèrent des revenus immédiats, puisque le vendeur devient locataire. Cela permet d’assurer un flux de trésorerie stable grâce à des locataires de qualité, souvent des entreprises bien établies.
Ensuite, elles permettent d’enrichir un portefeuille d’investissement avec des biens directement soutenus par l’activité opérationnelle du vendeur. Cette relation entre l’actif et la performance commerciale du locataire apporte une certaine sécurité.
Enfin, les ventes avec bail peuvent offrir un potentiel d’appréciation de la valeur, notamment sur des marchés où la demande pour l’espace industriel et logistique est en hausse. Après dix ou vingt ans de bail, il est souvent possible de développer ces propriétés et d’en créer encore plus de valeur.
Et qu’en est-il des risques ?
L’évaluation des risques commence par une due diligence approfondie sur la solvabilité du locataire. Il est essentiel de bien comprendre la santé financière de l’entreprise qui occupera le bien, car cela influence directement la sécurité des revenus locatifs.
Existe-t-il des tendances spécifiques au marché suisse ?
Oui, le marché suisse connaît une demande croissante pour l’immobilier industriel et logistique, notamment depuis que les entreprises réajustent leurs chaînes d’approvisionnement à la suite de la pandémie. Dans ce contexte, les transactions de vente et de location gagnent en attractivité, car elles offrent à la fois liquidité et flexibilité dans un environnement dynamique.
Chez Procimmo, nous évoluons sur ce marché de niche depuis 18 ans et concluons chaque année plusieurs transactions de ce type. Ce modèle s’avère avantageux pour les deux parties et, jusqu’à présent, nos expériences ont été extrêmement positives.
Voyez-vous d’autres stratégies immobilières innovantes émerger sur le marché ?
Actuellement, je n’observe pas de grandes stratégies véritablement innovantes. Cependant, de nombreux investisseurs se tournent vers les services d’appartements, les logements pour étudiants, ainsi que, comme nous, vers le secteur artisanal. Jusqu’à ces cinq dernières années, l’artisanat, l’industrie et la logistique ne faisaient pas partie des axes d’investissement privilégiés par les investisseurs institutionnels.
De notre côté, nous évoluons dans ce domaine depuis près de 20 ans. Ce n’est donc pas une nouveauté pour nous, mais pour le marché, investir de manière institutionnelle et professionnelle dans ce segment reste relativement récent.
Comment les évolutions réglementaires pourraient-elles influencer l’avenir de ces transactions ?
Au cours des 20 dernières années, la finance a largement dominé le secteur immobilier. Pour les 20 prochaines, il est probable que la politique prenne le relais, notamment dans le domaine résidentiel.
Il est essentiel de collaborer étroitement avec des conseillers en immobilier et en finance afin de bien appréhender les conditions du marché ainsi que les aspects juridiques de ce type de transaction. – Arno Kneubühler, CEO Procimmo SA
Les cantons adoptent de plus en plus de réglementations visant à encadrer les développements immobiliers et à répondre à la pénurie de logements abordables. Toutefois, ces interventions ont parfois l’effet inverse, comme en témoigne la situation à Genève depuis plusieurs années. Une approche plus efficace consisterait à considérer les investisseurs comme des partenaires et à développer ensemble une vision stratégique durable. Cela permettrait d’accroître l’offre de logements abordables en optimisant le bâti existant, par exemple en surélevant des immeubles ou en exploitant des sites sous-utilisés.
Dans le secteur artisanal, industriel et logistique, les changements réglementaires restent pour l’instant limités. L’enjeu principal concerne l’investissement dans la durabilité, un défi certes important, mais tout à fait surmontable. Enfin, le Conseil fédéral envisage de renforcer la Lex Koller en intégrant le secteur commercial. Si cette modification est adoptée, elle pourrait avoir un impact majeur sur le marché, dont l’ampleur dépendra des modalités précises d’application de la loi.
Enfin, selon vous, comment les préoccupations environnementales pourraient-elles transformer ces pratiques à l’avenir ?
Les investissements environnementaux étant souvent coûteux, il est probable que davantage d’entreprises se tournent vers des transactions de type sale & lease-back pour externaliser ces dépenses. Cela leur permettrait d’éviter d’investir directement dans un domaine qui ne fait pas partie de leur cœur de métier, tout en bénéficiant d’infrastructures plus durables.
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