Interview par Maévane Mas

Philippe Cordonier : Industrie suisse, entre succès et innovation

Le directeur en Suisse romande de Swissmem nous explique en quoi la Confédération continue d’être une place forte pour l’industrie.

L’industrie suisse est réputée mondialement pour son expertise dans les domaines de la haute technologie, de la précision et de la qualité. Malgré un contexte de forte compétitivité, l’industrie suisse ne cesse de prospérer grâce à son innovation constante et à ses capacités d’adaptation aux changements du marché remarquables. Retour sur les enjeux de la branche avec Philippe Cordonier, directeur en Suisse romande de Swissmem.

Philippe Cordonier, quels sont les principaux secteurs de l’industrie tech suisse ?

L’industrie tech suisse se définit par trois lettres, MEM, qui englobe les domaines des machines, des équipements électriques et des métaux. Elle emploie également un grand nombre de collaborateurs dans d’autres domaines de pointe tels que la technologie des capteurs, la photonique, la robotique, la fabrication additive et l’informatique industrielle. Dans le secteur de la technologie haut de gamme, de précision et de qualité, de nombreuses entreprises suisses sont des leaders à l’échelle mondiale.

Quels sont les enjeux actuels pour ces secteurs d’activités ?

Les entreprises subissent aujourd’hui une érosion des marges, ce qui est un problème majeur. Cela est dû à une augmentation des coûts de production en Suisse, qui sont eux mis sous pression par la hausse des prix de l’énergie, les problématiques d’approvisionnement, le franc suisse qui reste relativement fort par rapport à l’euro, le manque de main d’œuvre qualifiée, etc. Tous ces éléments péjorent les marges et réduisent la capacité d’innovation et d’investissement des entreprises.

En outre, l’accès au marché européen est primordial pour nos entreprises. Notre industrie exporte 80 % de sa production, dont 60 % dans l’Union européenne. C’est pourquoi l’incertitude des accords avec celle-ci pèse sur les perspectives. Ainsi, nos entreprises souhaitent avoir des accès facilités à d’autres marchés, comme un accord de libre-échange avec les États-Unis, le Mercosur ou l’Inde.

Quel est l’impact de l’innovation technologique sur l’industrie suisse ?

Face à ces enjeux, la seule planche de salut des industries est l’innovation. En Suisse, cette dernière est essentiellement financée par les entreprises : nous nous sommes effectivement opposés à un système d’innovation par l’État car une innovation ainsi financée n’est pas forcément adaptée aux besoins du client. Toutefois, les entreprises se doivent d’être extrêmement réactives aux évolutions et de s’adapter rapidement aux besoins des clients pour rester à la pointe, suivre les évolutions et être proches du marché.

Comment l’industrie suisse fait-elle face aux défis environnementaux tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

L’industrie tech suisse a déjà réduit de 55 % ses émissions de CO2 depuis 1990 grâce à l’optimisation des processus et un transfert du mazout vers le gaz, et ce sans désindustrialisation. L’étape suivante est d’être porteur de solution, d’exporter ce savoir-faire pour permettre à d’autres pays de réduire leurs émissions grâce aux technologies que nous avons développées.

Y a-t-il d’autres défis environnementaux auxquels les entreprises doivent faire face ?

L’économie circulaire est également un enjeu majeur. Elle permet aux entreprises de diversifier leurs chaînes de réapprovisionnement, de baisser leurs coûts et les coûts pour leurs clients. De plus, la Suisse ne dispose pas de matière première. Une économie circulaire est donc un avantage car elle permet de raccourcir les chaînes de réapprovisionnement.

Quels sont les enjeux de la formation et de la qualification des travailleurs pour l’industrie suisse ?

Le manque de main d’œuvre qualifiée est l’une des principales préoccupations actuelles des entreprises. Il est important de valoriser nos métiers techniques afin d’attirer plus de jeunes vers nos apprentissages et de permettre des évolutions de carrière intéressantes afin d’attirer plus de femmes dans nos secteurs mais également les personnes en reconversion professionnelle.

Quel est l’impact des politiques fiscales et réglementaires sur l’industrie suisse ?

En Suisse, nous avons une réglementation et un droit de travail qui sont peu intrusifs et relativement faciles à mettre en place. Nous souhaitons maintenir cette politique fiscale attractive qui permet aux entreprises de rester agiles. Une politique libérale est la meilleure recette pour permettre à une industrie de rester compétitive. La Suisse en est le meilleur exemple : elle qui n’a pas de politique industrielle tuant l’innovation connaît un grand succès !

Comment voyez-vous le développement de l’industrie suisse dans les années à venir ?

Nous avons une industrie qui est globalement bien implantée, qui a d’excellentes conditions cadres et une grande diversité d’activités. L’industrie de la précision peut par exemple servir à de nombreux marchés : l’horlogerie, le médical, l’aéronautique, le domaine spatial, l’électronique, la haute technologie, etc. Grâce à cette grande diversité, les entreprises peuvent rapidement changer d’activité ou s’adapter en cas de crise. Cette diversification permettra aux industries suisses d’être toujours à la pointe dans les années à venir.

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30.05.2023
par Maévane Mas
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