croissance durable : exercer une influence par le biais de flux financiers
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Investissement Finance

Croissance durable : exercer une influence par le biais de flux financiers

04.01.2024
par Calvin Huber

Les entreprises qui misent sur une croissance durable en termes de protection du climat, de conditions de travail et de gestion éthique doivent être soutenues. C’est du moins l’intention des investisseurs lorsqu’ils placent leur argent dans des fonds ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Cependant, cette attente n’est que rarement satisfaite.

Les possibilités d’investissement modernes s’orientent de plus en plus vers les idéaux des jeunes investisseurs. L’impact investing est en effet très en vogue. Le capital des actionnaires doit être investi dans des entreprises qui s’engagent à promouvoir le changement économique vers une économie circulaire et un tournant écologique et les pratiques commerciales durables doivent être encouragées. La nouvelle offre de fonds ESG qui misent sur la durabilité en fait partie. Que cela soit sous forme de fonds classiques ou sous forme d’ETF (Fonds négociés en bourse). Pourtant, on reproche de plus en plus à ces fonds ESG de faire de l’écoblanchiment. Ces reproches sont-ils justifiés ? Que peuvent faire les investisseurs pour investir de manière vraiment durable ?

Faire bonne figure

Le titre ESG est une abréviation pour les trois normes qu’un fonds durable doit présenter comme caractéristique principale. « E » pour Environnement, « S » pour Social et « G » pour Gouvernance. Un fonds qui se qualifie lui-même d’ESG ne regroupe donc que des entreprises qui se consacrent à la durabilité, à la poursuite de relations de travail équitables et à une gestion transparente et moralement défendable. C’est du moins l’impression qui est donnée. Mais si l’on considère le premier fonds ESG répertorié dans le portefeuille de la société d’investissement BlackRock, on ne peut s’empêcher de froncer les sourcils. Des entreprises comme Amazon et Tesla font la une des journaux pour de nombreuses raisons, mais définitivement pas pour leurs bonnes conditions de travail. Novartis fait parler d’elle pour de nombreux aspects positifs, mais pas pour sa gestion d’entreprise morale. Pourtant, ce sont précisément ces entreprises qui figurent parmi les dix plus grandes positions du fonds. Comment cela se fait-il ?

Désir et réalité

L’explication de cette contradiction se trouve dans la description du fonds. Sauf mention contraire, cela ne signifie pas nécessairement que le fonds poursuit des objectifs d’investissement orientés ESG ou qu’il suit une stratégie ESG. Il a simplement tenu compte des données et informations ESG. La prise en compte est ici un terme très vague. Lors de l’examen de la structure du fonds et de sa performance, il peut y avoir des discussions sur l’influence des facteurs ESG. Le moment à partir duquel ce cas se présente reste peu clair. Le problème réside dans le label ESG lui-même. ESG est un label créé par le secteur privé. Ce que la clientèle attend du label dépend fortement de ce que les sociétés d’investissement entendent par là. Et c’est la société de fonds elle-même qui vérifie si un fonds répond ou non aux normes ESG. Dans la plupart des cas, cela se fait par le biais d’outils d’évaluation entièrement automatisés qui comparent la durabilité selon des valeurs empiriques. Si le système compare un négociant en matières premières à une entreprise de technologie, il optera pour cette dernière. C’est pourquoi on trouve sous le label ESG des entreprises comme Tesla ou Amazon, car elles peuvent présenter des chiffres plus durables en comparaison directe avec les groupes de production ou les exploitants de matières premières. Par ailleurs, deux autres changements ont pu être observés dans les portefeuilles des fonds ESG avec le début de la guerre en Ukraine. Des entreprises comme Hensoldt, qui produit notamment des optiques de visée pour les armes légères comme les fusils d’assaut ou les mitrailleuses, ont été intégrées dans des portefeuilles. Grâce au conflit, ces actions présentent une attractivité et une rentabilité élevées. Chacun est libre de décider si cela est éthiquement défendable, mais selon les critères ESG classiques, le groupe ne pose aucun problème. L’achat d’actions qui tirent leurs bénéfices des énergies fossiles est également imputable à la guerre en Ukraine. Selon une étude des analystes Alison Schulz et Magdalena Senn, 940 millions de dollars supplémentaires ont été investis dans le secteur des énergies fossiles entre décembre 2021 et mars 2022. Ceci afin de compenser les pertes dans le secteur tech et de maintenir l’attractivité des fonds. L’optimisation de la performance l’emporte ici sur l’idée de durabilité.

Permettre un bon jugement

Lors de sa séance du 16 décembre 2022, le Conseil fédéral a donc annoncé des positions claires contre le greenwashing dans le secteur financier. Un groupe de travail a élaboré un plan de mise en œuvre de ces points, remis le 30 septembre 2023. L’objectif est qu’en Suisse, on ne puisse faire de la publicité avec le label de durabilité que si le produit financier remplit au moins un objectif de durabilité spécifique ou s’il contribue à atteindre cet objectif. Un contraste évident avec la situation actuelle. Les fonds ESG qui ont pour seul objectif la réduction des risques ou l’optimisation de la performance ne peuvent donc plus se qualifier de durables. Pour définir ce qu’est un objectif de durabilité, le cadre de développement durable de l’Agenda 2030 des Nations unies est utilisé comme base. Finalement, les investisseurs peuvent facilement comparer les produits à l’aide des stratégies de durabilité publiées et prendre une décision basée sur des faits, sans qu’il y ait d’ambiguïté. La Suisse poursuit ainsi son objectif de devenir un leader international en tant que place financière durable.

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