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Droit

« Cette nouvelle réglementation peut paraître sévère, mais elle me semble nécessaire »

22.02.2023
par Maévane Mas

Utilisés pour enregistrer des vidéos, capter de belles images en hauteur ou simplement pour virevolter dans les airs, les drones, ces aéronefs volants sans équipage embarqué, sont de plus en plus populaires. Dès lors, il est nécessaire d’instaurer une réglementation pragmatique.

C’est effectivement ce qu’a fait la Suisse le 1er janvier 2023 en reprenant la réglementation de l’Union européenne sur les drones. Mais qu’en est-il exactement ? Sylvain Métille, avocat à l’Étude HDC et Professeur associé à l’Université de Lausanne, spécialiste de protection des données et de droit des nouvelles technologies, revient sur la question.

Sylvain MétilleAvocat à l’Étude HDC et Professeur associé à l’Université de Lausanne

Sylvain Métille
Avocat à l’Étude HDC et Professeur associé à l’Université de Lausanne

Sylvain Métille, quels sont les différents types de drones et leur réglementation ?

Il existe principalement deux grandes catégories de drones en fonction des risques encourus : une catégorie ouverte et une catégorie spécifique. Le poids du drone et l’endroit où il va voler sont deux des éléments considérés comme risques. Aussi, lorsqu’un drone peut enregistrer des images ou des sons, il y a également un risque lié au traitement de  données personnelles.

La catégorie ouverte concerne la majorité des drones utilisés par le grand public. Il n’est pas nécessaire d’avoir une autorisation pour les petits aéronefs qui pèsent moins de 250 grammes, à condition qu’ils ne soient pas équipés d’une caméra ou d’un dispositif capable de recueillir des données personnelles. Cela ne veut toutefois pas dire qu’on peut faire ce qu’on veut avec des appareils de cette catégorie. Il y a des exigences d’enregistrement par exemple, de formation du pilote ou encore de certification du drone pour qu’il soit autorisé à voler. Il existe encore des sous-catégories, avec des distances de sécurité entre le drone et les personnes survolées notamment. Selon l’usage qui va être fait, on aura une augmentation des exigences qui seront imposées au pilote.

La catégorie spécifique, elle, a des exigences beaucoup plus techniques, notamment en ce qui concerne des usages particuliers par des professionnels. Mais le sujet est vaste et plus compliqué.

Le drone doit à présent être certifié, ce qui n’était pas le cas avant. Ensuite, le pilote est obligé d’avoir une autorisation de piloter et il lui est interdit de survoler les rassemblements de personnes.

Quels types de données peuvent être relevés par un drone ?

Techniquement, n’importe quelles données. Les images et les sons contiennent des données personnelles. Par exemple, des numéros de plaque d’immatriculation ou des visages peuvent être identifiés sur les images et on peut également enregistrer une conversation entre deux personnes dans la rue. Ces données contiennent parfois de nombreuses informations et permettent des analyses très poussées si le logiciel utilisé est suffisamment puissant.

Des voyageurs souhaitent utiliser leur drone pour enregistrer des images de leur séjour en Suisse. Quelles données ont-ils le droit d’enregistrer ?

Sous l’angle de la protection de données, le drone est un simple outil. Qu’on prenne des photos avec un drone ou avec un appareil photo, cela ne change rien. La question à se poser est : est-ce que ces images contiennent des données liées à une personne identifiable ? Si je prends des photos de montagnes et de paysages sur lesquelles on ne voit personne ou on ne peut identifier personne, on est hors du champ de la protection des données.

De manière générale, lorsqu’une image contient des données personnelles, il faut pouvoir justifier l’utilisation de ces données. Imaginons que je fasse des photos à un mariage: toutes les personnes sont informées et personne ne s’y oppose car ce sont des photos pour l’album des mariés. Dans ce cas-là, tant pour les drones que pour les appareils photo, il n’y a pas de problème particulier du point de vue de la protection des données. Prendre des images avec un drone n’est pas forcément un problème, mais il y a un cadre juridique qui s’applique et qu’il est important de respecter.

Quelles réglementations s’appliquent à la transmission et la communication de ces données ?

Pour la transmission entre le drone et l’appareil de visualisation, il faut évidemment assurer la sécurité des données pour éviter que quelqu’un puisse les capter facilement.

Pour la communication à des tiers, il faut savoir si la communication est la raison pour laquelle les données ont été enregistrées. Reprenons l’exemple du photographe de mariage, la communication des images aux mariés a été annoncée dès le départ et est donc légitime. En revanche, la transmission de ces photos à d’autres personnes n’est pas conforme sans l’accord des personnes concernées ou une justification spécifique. La question à se poser dans ce cas est : est-ce que la communication de ces données est nécessaire au but visé, conforme à ce que l’on avait annoncé ? S’il s’agit d’une autre finalité, il faudra un consentement pour justifier le but non envisagé initialement avant que la communication n’ait lieu.

En résumé, quels sont les changements majeurs entre cette nouvelle réglementation et celle adoptée jusque-là par la Suisse ?

Il y a deux aspects principaux. Le drone doit à présent être certifié, ce qui n’était pas le cas avant. Ensuite, le pilote est obligé d’avoir une autorisation de piloter et il lui est interdit de survoler les rassemblements de personnes, en tout cas pour la catégorie ouverte.

Comment voyez-vous l’évolution de l’utilisation des drones et donc l’évolution de la réglementation ?

L’utilisation des drones était au début quelque chose d’assez anecdotique et n’était donc pas très bien régulée, sans que cela ne pose de problème. Aujourd’hui, elle a pris plus d’importance et il fallait donc l’encadrer de manière correcte. Cette nouvelle réglementation peut paraître sévère, mais elle me semble nécessaire.

Je vois très positivement l’intégration d’une formation du pilote, tant du point de vue technique que de la protection des données. La plupart des pilotes ne liraient probablement pas d’eux-mêmes la loi sur la protection des données, mais aujourd’hui ces principes de base font partie de leur formation.

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