L’exclusion et la cession des droits de garantie dans la vente immobilière

Jean-Marc Courvoisier
Avocat spécialiste FSA droit de la construction, de l’immobilier et de l’aménagement du territoire CAS en droit de la construction Membre SIA
Dans le cadre des ventes immobilières, en particulier dans les contrats d’acquisition de propriétés par étages ou de maisons plurifamiliales de constructions neuves et dont le prix se situe dans la portion inférieure, il n’est pas rare de rencontrer des clauses prévoyant l’exclusion de certaines garanties et la cession des droits y afférents. Ce mécanisme, souvent formulé dans des clauses d’apparence très simples, a pour effet de priver l’acheteur de tout recours direct contre le vendeur, son partenaire contractuel, en cas de malfaçons et de le contraindre à agir directement contre les entrepreneurs, avec lesquels il n’entretient pourtant aucune relation contractuelle. Malgré les avantages que permettent ces clauses, de nombreux risques et inconvénients pèsent sur les deux parties.
Contexte actuel et perspectives
Très concrètement, ces clauses sont communément libellées comme suit : « L’immeuble sera transféré sans aucune garantie pour ses défauts éventuels. Toutefois, le vendeur fait cession à l’acquéreur des garanties dont il disposera contre toutes personnes ayant participé à la construction (architectes, ingénieurs, maîtres d’états, entrepreneurs et fournisseurs, etc.) du bien objet du présent acte ».
Bien qu’elles soient formulées de manière très simple et qu’elles laissent entendre que la cession des droits de garantie envers les entrepreneurs représente une contrepartie équivalente de l’exclusion de la garantie envers le vendeur, elles affaiblissent en réalité la position de l’acheteur et représentent des difficultés voire des risques pour le vendeur.
Elles sont défavorables à l’acquéreur, souvent sans même qu’il ne s’en rende compte au moment de conclure le contrat, tant leur portée juridique est complexe et tant elles sont contraignantes. Il arrive ainsi régulièrement que les vendeurs ne se montrent pas suffisamment diligents dans la gestion des divers contrats et qu’ils ne transmettent pas tous les documents nécessaires aux acquéreurs pour qu’ils puissent exercer leurs droits directement à l’encontre des entrepreneurs à la suite de la cession des droits de garantie.
Il est également possible que le vendeur ne respecte pas ses propres incombances de forme, de contenu et/ou de délai de l’avis des défauts déjà présents à la réception de l’ouvrage – avis des défauts qui demeure en principe à charge du vendeur pour les défauts initiaux et s’avère nécessaire pour l’exercice des droits de garantie – induisant une perte totale des droits de garantie pour les acquéreurs.
Enfin, il s’avère particulièrement complexe pour des acquéreurs ne bénéficiant pas de connaissances techniques de déterminer à quel(s) entrepreneur(s) s’adresser à la suite de la cession des droits, se retrouvant bien souvent face à toute une chaîne d’entreprises, de sous-traitants, de fournisseurs, d’architectes et de bureaux d’études. Il leur sera dès lors souvent nécessaire de faire réaliser au préalable une expertise à leurs frais.
Quant aux vendeurs, ils sont confrontés par ricochet aux difficultés rencontrées par les acheteurs. Ces derniers se retournent quasiment automatiquement contre eux s’ils n’ont pas respecté les incombances de l’avis des défauts et qu’il en découle un refus d’entrée en matière des entrepreneurs.
Les acquéreurs peuvent également s’en prendre à leur vendeur en cas d’absence d’identité des termes du contrat de vente et des divers contrats d’entreprise, notamment du point de vue du résultat ou de la qualité attendue, influençant naturellement la définition de la notion de défaut.
Enfin, nous observons dans la pratique des situations hybrides, par exemple avec une clause selon laquelle le vendeur s’engage à faire réparer les défauts existants à la réception dans un certain délai. Une telle clause a pour désavantage de créer une situation particulièrement incertaine et risquée pour le vendeur. Ainsi, malgré l’exclusion et la cession des droits de garantie aux acquéreurs, le vendeur se retrouve contraint de tout de même organiser la réparation de certains défauts dans un laps de temps restreint et dont la liste pourrait être contestée par les acquéreurs, lesquels réclameront ensuite la réfection de défauts supplémentaires. Le vendeur s’expose dès lors à organiser la réparation de défauts dont il n’a pas lui-même constaté l’existence.
De nouveaux encadrements législatifs
Ces nombreux litiges ont motivé plusieurs interventions parlementaires pour améliorer la situation juridique entourant notamment les contrats de vente, lesquelles ont débouché sur un projet du Conseil fédéral. Ce projet a été adopté par le Conseil national et le Conseil des états le 20 décembre 2024.
Le Conseil fédéral a proposé d’étendre aux contrats de vente d’immeubles le droit à la réfection sans frais, réalisant un parallélisme bienvenu avec le contrat d’entreprise ainsi que la norme SIA-118 habituellement applicable en matière de construction. Les acquéreurs d’un bien immobilier pourront donc exiger du vendeur qu’il fasse procéder à la réparation des défauts. Ce droit sera indérogeable si les défauts concernent une construction neuve ou restant à ériger destinée à l’usage personnel de l’acheteur ou à l’usage de sa famille. De plus, il a également été proposé que toute clause tendant à limiter ou à exclure d’avance le droit à ce que le vendeur répare à ses frais les défauts découverts soit nulle si les défauts concernent une construction que l’acquéreur destine à un usage personnel ou familial.
Malgré la perspective de cette modification législative – dont l’entrée en vigueur n’a au demeurant pas encore été fixée – devant permettre de clarifier les droits et obligations de chacune des parties et donc de réduire la survenance de litiges, l’achat, respectivement la vente d’un bien immobilier demeure une opération sensible pouvant mener à de nombreux litiges. En particulier, le devoir d’avis des défauts devant être réalisé immédiatement – mais qui sera, dans le cadre de la même modification législative, étendu à 60 jours – nécessite d’agir correctement et rapidement afin de ne pas perdre ses droits. De même, la bonne rédaction et la parfaite gestion des différents contrats par les vendeurs demeureront essentielles et éminemment techniques. La modification législative ne permettra en tout état de cause pas de résoudre les vastes problématiques entourant les contrats de vente et d’entreprise de sorte que l’assistance d’un avocat demeurera toujours utile.
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