christine binswanger, architecte passionnée
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Construction et Immobilier

Christine Binswanger, architecte passionnée

26.11.2025
par SMA

C’est l’une des femmes architectes les plus influentes de Suisse qui travaille à l’international.  Avec audace et créativité, Christine Binswanger œuvre sur des projets résolument contemporains, inscrits dans leur époque. Partenaire de premier plan de l’agence bâloise Herzog & de Meuron, elle exprime sa vision à travers des réalisations marquées par une rigueur constante, s’adressant fondamentalement aux besoins des gens et leurs attentes. Portrait d’une architecte d’expérience à la vision pragmatique et novatrice.

Christine BinswangerArchitecte Image ©Gina Folly

Christine Binswanger
Architecte
Image ©Gina Folly

Votre carrière d’architecte chez Herzog & de Meuron a débuté en 1991 avant de devenir partenaire dès 1994. Comment décririez-vous votre parcours au sein de l’agence et quelles sont les valeurs qui vous ont le plus portée jusqu’à aujourd’hui ?

J’ai vu l’agence évoluer, passant de 15 collaborateurs à plus de 500. Un de nos projets, et un des plus importants, est le « projet H&dM » : faire évoluer continuellement l’agence, la façonner et l’adapter aux développements changeants. Le monde évolue, et nos valeurs aussi : il faut savoir s’adapter et réagir. Je suis convaincue que ce qui est important pour nos clients l’est aussi pour nous. En comprenant leurs besoins et leur savoir-faire, nous pouvons réellement dépasser leurs attentes. Par exemple, le nouveau siège de Lombard Odier à Genève illustre bien cette approche : un bâtiment pour une banque tout en transparence, ouvert sur la nature environnante, qui met la collaboration au centre. Notre grande ambition architecturale combinée à une forte compréhension du service nous guide de manière égale.

Comment considérez-vous l’architecture contemporaine en Suisse ? Pensez-vous qu’elle est adaptée aux enjeux climatiques actuels ?

Je pense que la Suisse est en avance sur ces questions. Les architectes comme les clients ont pris conscience de l’urgence environnementale. Cependant, les réglementations par exemple dans le domaine de la rénovation et du réaménagement doivent encore s’assouplir pour permettre de vraies alternatives et atteindre la neutralité carbone. La recherche sur le béton bas carbone et sur de nouveaux matériaux performants avance rapidement. Le projet Hortus à Allschwil, récemment livré, en est un parfait exemple : un bâtiment entièrement pensé autour de la durabilité. Tout le bâtiment aura amorti l’énergie consommée lors de sa construction et de son exploitation après 31 ans.

Parmi vos projets phares : le musée Unterlinden de Colmar, la clinique REHAB, le projet urbain Dreispitz Nord à Bâle ou encore le Kinderspital de Zurich, quels ont été les enjeux majeurs ?

Chaque projet a sa particularité. Pour Dreispitz Nord, le défi consistait à densifier une zone urbaine tout en créant des espaces publics et verts. Une école sera installée sur le toit du Migros, qui doit rester accessible pendant tout le chantier avec ses 500 places de parking. C’est une transformation urbaine ambitieuse, qui offrira des espaces naturels de qualité en pleine ville.

Pour les hôpitaux, comme le REHAB à Bâle ou le Kinderspital à Zurich, le défi consiste à offrir aux patients, visiteurs, médecins et soignants un environnement de travail hautement professionnel et agréable, dans un cadre de qualité unique qui soutient le processus de guérison. Au REHAB vingt ans après, voir les mêmes équipes toujours heureuses de travailler dans ces lieux est une vraie satisfaction. Quant au musée Unterlinden, ce fut un projet exceptionnel : les trois dimensions que sont l’urbanisme, l’architecture et la muséographie sont étroitement associées. Le projet interroge les notions de reconstruction, de simulation et d’intégration.

Quel projet vous semble le plus abouti ?

Je citerais le 1111 Lincoln Road à Miami Beach. Ce bâtiment
multi-usage combine un parking à étages, des magasins, des restaurants et une résidence privée. C’est un squelette de béton brut et transparent, adapté au climat tropical et offrant de nombreuses possibilités d’usage temporaire comme l’organisation d’évènements commerciaux, culturels et sociaux, un lieu où l’on pratique du sport, où l’on se rencontre. Quinze ans plus tard, il continue de séduire et de servir la communauté : une architecture à la fois innovante et intemporelle.

Quelle place accordez-vous à la nature et à l’intégration paysagère dans vos projets ?

La nature occupe une place centrale. Réduire, rénover, recycler, et parfois construire moins mais mieux : voilà notre ligne directrice. Il faut bâtir seulement ce qui est nécessaire et préserver au maximum l’existant.

Comment voyez-vous l’avenir de l’architecture et l’arrivée des nouvelles générations ?

Les mentalités ont profondément évolué. Dans les écoles, les enjeux climatiques et la durabilité sont désormais centraux, et c’est une excellente chose. Il faut toutefois veiller à ne pas oublier la dimension artistique de l’architecture : l’espace, les volumes, les proportions, les matériaux etc. C’est l’équilibre entre sensibilité et responsabilité qui garantira un avenir créatif et durable à notre métier.

En tant que femme architecte au parcours inspirant, quels défis reste-t-il à surmonter dans ce milieu encore majoritairement masculin ?

Les femmes architectes sont indispensables : créatives, engagées et attentives. Mais la principale difficulté réside dans les postes à haute responsabilité, très prenants. Travailler à l’international, avec un rythme intense et des déplacements constants, rend la conciliation avec la vie familiale difficile. Il faut souvent choisir entre carrière et vie personnelle, un dilemme qui freine encore trop de femmes talentueuses et quelques fois aussi des hommes. Mais c’est aussi le devoir d’un bureau comme le nôtre de promouvoir la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Quels conseils souhaiteriez-vous donner à vos confrères et consœurs ?

Je leur conseille de collaborer avec des partenaires qui partagent leur vision et leur enthousiasme. Restez attaché à ceux que vous avez trouvés et avec lesquels vous travaillez bien ensemble. C’est dans l’échange et le travail d’équipe que naissent les projets, qu’ils soient construits ou non. C’est ce qui me motive le plus depuis le début : le plaisir d’apprendre et de créer ensemble.

Interview Alix Senault

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