mariage et parentalité en suisse : un droit universel encore inachevé
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Mariage et parentalité en Suisse : un droit universel encore inachevé

01.10.2025
par SMA

Le mariage et la parentalité sont au cœur de débats sociétaux et juridiques en Suisse. Alors que l’ouverture du mariage pour toutes et tous, en 2022, a marqué une avancée historique, de nombreuses incohérences subsistent dans le droit de la famille. Rencontre et analyse de Maître Guillaume Choffat, avocat spécialiste en droit de la famille à Genève.

Maître Guillaume ChoffatAvocat spécialiste en droit de la famille

Maître Guillaume Choffat
Avocat spécialiste en droit de la famille

«Nos lois traduisent encore une vision hétéronormée de la famille. Malgré des progrès, les couples homosexuels, les célibataires ou les personnes non mariées souhaitant accéder à la parentalité par des voies médicalement assistées n’ont pas tous les mêmes droits. » Souligne Maître Choffat.

Ce constat interroge : le droit suisse garantit-il réellement l’égalité face au mariage et à la parentalité ? Parlons du cadre légal actuel : une égalité proclamée mais des disparités qui se perpétuent

Un constat édifiant

Le mariage civil, régi par le Code civil suisse, est ouvert aux couples de même sexe depuis le 1er juillet 2022. Il entraîne des droits égaux en matière de filiation pour les couples de femmes : la conjointe de la mère est désormais reconnue comme parent légal dès la naissance de l’enfant issu d’une PMA réalisée en Suisse. Pour autant, plusieurs limites demeurent : l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) reste réservé aux couples de femmes mariées et la gestation pour autrui (GPA) reste strictement interdite en Suisse. Le don d’ovocytes est autorisé dans certains pays voisins, mais n’est pas encore ouvert en Suisse. Cela a pour conséquence d’empêcher l’accès des couples gays à la parentalité par la voie de la procréation médicalement assistée.

Ces restrictions créent une hiérarchie implicite entre les modèles familiaux. Selon Me Choffat : « Lorsqu’on compare d’abord les couples lesbiens et gays, force est de constater que les couples gays restent discriminés dans l’accès à la parentalité par voie de procréation médicalement assistée. Lorsque l’on compare ensuite les couples mariés ou non mariés (qu’ils soient hétéro ou homosexuels), là aussi on observe des droits inégaux dans l’accès à la parentalité. Lorsque l’on compare sous l’angle du statut social (marié, en concubinage ou célibataire), là encore on observe une discrimination des couples non mariés et des célibataires. Enfin, lorsque l’on compare sous l’angle du type d’infertilité dans le couple (féminine ou masculine), la loi aussi discrimine les couples ne pouvant pas avoir d’enfants en raison d’une infertilité féminine. Ainsi, l’égalité formelle proclamée par le système légal actuellement en vigueur masque encore des disparités réelles dans l’accès à la parentalité. »

Des discriminations sociales, économiques et juridiques

Au-delà du cadre légal, plusieurs formes de discrimination persistent. Elles concernent autant la dimension sociale que la dimension économique. Les familles homoparentales ou monoparentales restent perçues comme « hors norme », car dans les débats actuels visant à réformer la LPMA, l’accent reste mis sur la notion de « couple », ce qui exclut par exemple les célibataires du débat et l’argument de l’inégalité existante entre les couples lesbiens et gays n’est même pas abordé.

La dimension économique quant à elle se traduit par l’accès financier aux démarches à l’étranger pour accéder à la GPA ou au don d’ovocytes. Les coûts sont souvent élevés et restent accessibles à une minorité aisée. La discrimination est donc flagrante dans la loi elle-même : la restriction de la PMA aux couples mariés exclut actuellement les couples en concubinage et les célibataires. Rester hors mariage entraîne également des désavantages juridiques, notamment en matière de succession ou de protection sociale.

Puis demeure l’absence d’un droit absolu à la parentalité : le droit suisse reconnaît le droit fondamental de fonder une famille (art. 8 CEDH), mais ne garantit pas un accès universel aux moyens médicaux pour y parvenir. C’est une vision somme toute encore trop patriarcale de la société : le modèle du couple reste la référence centrale du droit de la famille, au détriment des configurations plus diversifiées.

Les évolutions en cours : projets et débats

Conscient de certaines de ces limites, le Conseil fédéral a lancé plusieurs projets de réforme : l’ouverture du don d’ovocytes non rémunéré, afin d’aligner la Suisse sur la pratique d’autres pays plus avancés. L’accès élargi à la parentalité pour les couples non mariés, afin de réduire les discriminations de statut civil, sans les éliminer toutefois puisque les célibataires n’auront toujours pas accès la PMA.

Ces propositions, encore à l’état de discussions, suscitent des débats éthiques et politiques. Les opposants invoquent souvent la protection de l’enfant et la crainte d’une « marchandisation » de la procréation, tandis que les partisans insistent sur l’égalité des droits et la nécessité de refléter l’évolution sociale.

Pour Me Choffat, la question est simple :
« Voulons-nous garantir un droit universel à la parentalité au travers d’une interprétation large et idéalisée de l’art. 8 CEDH ? Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Certains ont accès aux moyens techniques, d’autres en sont exclus, non pas en raison de critères médicaux, mais de leur statut conjugal, civil, social ou économique ou de leur orientation sexuelle. »

Une vision pour l’avenir : vers une égalité réelle ?

L’évolution des droits LGBT a marqué un tournant bienvenu en Suisse, mais la perception des nouvelles générations montre que l’osmose des modèles familiaux n’est pas encore atteinte. Beaucoup ressentent encore une forme de discrimination liée au genre, à l’orientation sexuelle ou même au choix de vie hors mariage ou hors couple au sens « traditionnel ».

Selon Me Choffat : « Nous devons dépasser l’idée qu’il existerait une hiérarchie des modèles familiaux. L’enjeu n’est pas de défendre une orientation sexuelle, des différences de genre, le mariage, le concubinage ou le célibat, mais de garantir que chacun puisse accéder, dans la dignité, à la parentalité et à la protection juridique qui en découle. »

Le mariage pour toutes et tous a ouvert une brèche symbolique. Reste désormais à transformer cette égalité proclamée en égalité réelle.

La réflexion sur le mariage et la parentalité révèle aujourd’hui encore les tensions entre tradition et modernité, entre droit et société. Si la Suisse a franchi des étapes décisives, elle continue de maintenir des discriminations structurelles. L’avenir dépendra de la capacité du législateur à offrir une véritable égalité des droits, où chacun que l’on soit hétérosexuel, homosexuel, marié ou célibataire pourra envisager son projet familial sans obstacle juridique ou économique.

Plus d’informations sur choffat-avocat.ch

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