Achat immobilier et financement : les clés pour comprendre

Yvan Ballif
Président de la branche genevoise de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI Genève)
La décision de la Banque nationale suisse (BNS), le 19 juin dernier, d’abaisser son taux directeur à 0 %, voire potentiellement en territoire négatif prochainement, redessine le paysage de l’immobilier helvétique. Dans un contexte de raréfaction de l’offre, de règles bancaires strictes et de pression démographique, cette inflexion monétaire est perçue à la fois comme une fenêtre d’opportunité et un facteur d’incertitude.
Qu’en est-il de la situation sur le terrain ? Et comment anticiper de façon pérenne et réaliste son projet d’achat immobilier ? Rencontre avec Yvan Ballif, président de la branche genevoise de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI Genève).
« Un taux directeur à zéro, est attractif à court terme, mais les conditions imposées par les banques restent complexes », souligne Yvan Ballif. « La tendance pourrait aller vers un taux négatif cet automne, ce qui permettrait de faire encore baisser les taux à court terme (SARON), mais les prix de l’immobilier restent élevés et sont liés à une pénurie persistante de biens. Ils ne fléchiront pas à court terme. »
Taux fixes, variables : que choisir aujourd’hui ?
Dans ce nouveau contexte, le choix entre hypothèques à taux fixe ou variable devient stratégique. Les taux variables (SARON), directement liés au taux directeur, redeviennent attractifs, bien qu’ils n’offrent qu’une visibilité à très court terme. En revanche, les taux fixes pouvant aller jusqu’à 10 ans stagnent, ce qui les rend aujourd’hui moins compétitifs. « Les hypothèques à taux variables peuvent être intéressantes à court terme, mais il faut bien intégrer la marge bancaire, qui reste non négligeable. La visibilité demeure en revanche très limitée obligeant ainsi l’emprunteur à s’adapter rapidement à toute remontée des taux. » explique Yvan Ballif.
Des règles plus strictes : le frein du financement
Avec l’entrée en vigueur des exigences de Bâle III et le cadre réglementaire renforcé par la FINMA, les conditions d’octroi des crédits hypothécaires se sont nettement durcies. Résultat : les primo-accédants comme les investisseurs doivent faire face à des obstacles croissants.
« Les banques exigent 20 % de fonds propres au minimum et peuvent appliquer des critères très stricts selon le profil des acheteurs et la qualité du bien. Dans un pays où la majorité de la population reste locataire – 81 % à Genève –l’accès à la propriété est particulièrement difficile. »
La rareté du foncier : une équation complexe à résoudre
L’accès à la propriété reste un parcours du combattant pour les accédants comme pour les bâtisseurs, principalement en raison de la rareté des terrains constructibles et de la complexité réglementaire. Selon M. Ballif, le « millefeuille législatif » freine les projets et leur entreprise.
« De très nombreuses règles encadrent un seul projet de construction. À Genève, on atteint la saturation et il est primordial de ne plus gaspiller le sol. Il faut désormais construire en hauteur, déclasser certaines zones agricoles, simplifier les procédures, autoriser plus généralement les surélévations et sa densification qui en découle. »
Les tensions sur l’offre ne sont dans l’intérêt de personne, rappelle-t-il, d’où la nécessité d’une coordination optimale entre acteurs privés et autorités publiques. Avec une démographie qui explose et un manque de logement criant, les politiques publiques n’ont d’autres choix que de prendre le problème au sérieux afin d’éviter une aggravation de la situation.
Anticiper la retraite pour éviter la vente forcée
Un autre enjeu majeur se profile pour les futurs et jeunes retraités de 50-65 ans : rester propriétaire à la retraite. Selon une étude de MoneyPark, 60 % d’entre eux devront puiser dans leur épargne ou vendre leur bien. En cause principalement un manque d’anticipation dicté par le biais d’un taux directeur nul. « Beaucoup de propriétaires n’amortissent pas ou peu leur prêt pendant leur vie active et c’est une erreur ! Il existe deux sortes d’amortissement : celui direct auprès de la banque ou celui indirect (rachat du 2e pilier, investissement dans une assurance-vie via un 3e pilier). Il faut consulter des professionnels qualifiés, tels que les membres de l’USPI Genève, assez tôt. » souligne Yvan Ballif. L’anticipation reste donc le maître-mot.
Quel avenir pour les investisseurs et les primo-accédants ?
La tendance actuelle pousse les investisseurs à recentrer leurs choix sur des biens de qualité, durables, performants et bien situés. Cela étant, l’immobilier reste une valeur refuge.
Pour les primo-accédants, la voie reste étroite, mais quelques dispositifs cantonaux tentent d’alléger la facture. « A Genève, dans les nouveaux quartiers sortis de terre, les PPE construites en zone de développement sont soumises au contrôle étatique des prix de vente. Ainsi, la loi générale sur les zones de développement (LGZD) permet par exemple de bloquer le prix au m² pour le rendre plus accessible avec des conditions à respecter comme habiter personnellement le logement pendant dix ans. Mais nous manquons quand même chaque année de 5000 à 10 000 logements… Seule une politique foncière ambitieuse de création de logements passant par une densification de qualité, une simplification réglementaire et une coordination optimale entre tous les acteurs pourra infléchir durablement les prix. »
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