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Finance

Finance verte : pourquoi investir dans le « durable » ?

30.09.2025
par SMA

Aurélia Fäh Senior Sustainability Expert, Guillaume Toffel Senior Legal Counsel

À l’heure où les défis climatiques et sociaux s’intensifient, l’investissement durable apparaît comme un levier stratégique pour accélérer la transition vers une économie plus responsable. Au-delà de la simple intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la finance durable cherche à créer de la valeur non seulement pour les investisseurs, mais aussi pour l’ensemble de la société en engageant un dialogue actif des actionnaires avec les entreprises afin de les transformer durablement Une vision que défend activement l’Asset Management Association Switzerland (AMAS), dont une des priorités est soutenir le positionnement de la Suisse en tant que hub de la finance durable. Décryptage avec Aurélia Fäh, Senior Sustainability Expert, et Guillaume Toffel, Senior Legal Counsel, tous deux employés de l’AMAS.

Un rendement financier et un impact sociétal durable

Investir durable, c’est allier performance financière et contribution au bien commun. Comme l’explique Aurélia Fäh : « L’investissement durable repose sur un principe simple : on ne regarde plus uniquement la performance financière et économique, mais aussi l’impact de l’entreprise sur son environnement et sur la société. »

Cette approche séduit un nombre croissant d’investisseurs soucieux de donner du sens à leur épargne. Certains y voient une question de valeurs, d’autres un outil de gestion des risques dans un contexte de changement climatique. Inondations, sécheresses, crises énergétiques… autant de variables désormais intégrées dans les modèles d’investissement durable.

En Suisse, la particularité réside dans l’autorégulation du secteur. Un choix assumé, que Guillaume Toffel justifie par une volonté de pragmatisme : « L’approche suisse est volontairement ambitieuse mais réaliste. Elle permet de poser un socle solide pour que l’industrie avance de manière cohérente et responsable. »

Une forte progression du marché

Avec près de 180 membres actifs, l’AMAS fédère une large part des directions de fonds et des gestionnaires d’actifs collectifs en Suisse. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : « En 2024, les investissements durables ont augmenté de 13 % par rapport à l’année précédente. C’est le signe d’un marché en pleine maturation, désormais structuré par des standards solides », souligne Aurélia Fäh.

En Suisse, un produit est considéré comme durable s’il respecte les critères de l’autorégulation, qui incluent qu’au moins 70 % du portefeuille répond aux exigences de cette dernière. Les fonds en cash, par exemple, ne sont pas considérés comme des placements durables, car ils ne permettent pas d’orienter l’économie réelle vers une transition pérenne.

Le rôle des investisseurs ne se limite plus à exclure les secteurs polluants. Il s’agit désormais de participer activement à la transition des entreprises dites « brunes », en les accompagnant vers des modèles plus durables. « L’approche a changé. L’investisseur ne se contente plus d’écarter ou d’exclure certains actifs des portefeuilles, il engage le dialogue avec les entreprises, fixe des objectifs, et suit leurs progrès. C’est ce que l’on appelle l’engagement actionnarial actif », explique Aurélia Fäh.

Cette stratégie d’engagement est d’autant plus essentielle que ce sont justement ces grandes entreprises en transition qui offrent le plus fort potentiel d’impact. Loin d’un boycott, l’investissement durable se positionne comme un catalyseur de changement. « Ces acteurs auront le plus d’impact ». 

Une réglementation en constante évolution

Si la Suisse ne dispose pas encore d’un équivalent au Green Deal européen, elle avance à son rythme en alignant ses normes sur celles de l’UE. Un mouvement d’harmonisation essentiel, selon Aurélia Fäh : « Il est crucial d’assurer la compatibilité entre les marchés. Cela renforce la crédibilité des produits suisses à l’international et protège les investisseurs. » 

« Le « Paquet Omnibus », actuellement en discussion au niveau européen, est très suivi côté suisse. La Suisse cherche naturellement à aligner ses standards avec l’UE tout en évitant toute forme de Swiss finish », souligne Guillaume Toffel.

L’étude récente menée par l’AMAS démontre d’ailleurs que les gestionnaires d’actifs suisses prennent ces enjeux très au sérieux. Dès 2021, des recommandations ont été publiées afin de garantir la transparence des portefeuilles en cartographiant les différentes approches durables des gestionnaires en fonction des objectifs recherchés par les investisseurs, tandis que l’autorégulation se renforce pour lutter contre toute forme de greenwashing. Pour l’AMAS, la lutte contre le greenwashing est une priorité. L’objectif est clair : protéger les investisseurs tout en renforçant la légitimité du secteur.

Des perspectives infinies

« Il ne s’agit pas seulement d’étiqueter des produits « verts ». Pour qu’un produit financier soit qualifié de durable,il faut qu’il poursuive au moins un objectif de durabilité qui soit mesurable et suivi », insiste Aurélia Fäh. La tendance ESG a connu un essor rapide, mais elle entre aujourd’hui dans une phase de consolidation et de maturité. « On peut dire que nous sommes au creux de la vague. La courbe de Gartner, souvent utilisée pour illustrer les cycles d’innovation, montre que nous allons entrer dans une phase de maturité », détaille Guillaume Toffel.

« Nous sommes à un moment charnière : l’enthousiasme initial laisse place à une structuration plus rigoureuse. C’est une bonne chose pour l’avenir de la finance durable », conclut Aurélia Fäh.

La finance verte n’est donc plus une niche réservée à quelques pionniers. Elle s’impose progressivement comme un standard pour les investisseurs, les entreprises et les institutions. Grâce à l’action coordonnée d’acteurs comme l’AMAS, la Suisse entend bien jouer un rôle central dans cette transformation longue et nécessaire. Entre réglementation, engagement et innovation, l’investissement durable devient un moteur essentiel d’un capitalisme plus responsable, au service d’une croissance alignée sur les limites planétaires.

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