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Diversité Femmes

Être une femme leader, ou comment s’affirmer sans renier ses valeurs

15.04.2025
par Léa Stocky

« Le monde a besoin de leaders sincères et capables de créer la confiance », telle est la vision que défend Stefania Di Cecca. Pour la Présidente du Career Women’s Forum, un bon leadership se base avant tout sur des valeurs qui permettent de construire des environnements de travail sains, dynamiques, justes et performants. Dans cette interview, elle nous explique pourquoi la notion de leadership féminin est faussée et ne correspond pas à la réalité actuelle du monde du travail.

Stefania Di Cecca,Présidente du Career Women’s Forum

Stefania Di Cecca
Présidente du Career Women’s Forum

Stefania Di Cecca, comment définiriez-vous le leadership féminin ?

Je préfère parler de leadership authentique plutôt que de leadership féminin. En évoquant un leadership « féminin », on renforce malgré nous une dichotomie dépassée. Les qualités que l’on attribue au leadership féminin – écoute, empathie, collaboration – sont avant tout humaines. Le leadership ne devrait donc pas être défini par le genre, mais par la capacité d’un individu à inspirer, à fédérer et à créer de la valeur. Le leadership authentique, c’est celui qui repose sur la cohérence entre ce que l’on pense, ce que l’on dit et ce que l’on fait. Comme le souligne le professeur John Antonakis, qui a récemment participé à la conférence WAVE organisée par le Career Women’s Forum, le charisme n’est pas un trait de personnalité figé, mais un ensemble de comportements que l’on peut développer. C’est avant tout la capacité à incarner sa vision, à parler avec clarté et à agir avec cohérence qui distingue les leaders – qu’ils soient hommes ou femmes.

Pourquoi l’opposition leadership féminin/masculin est-elle incorrecte selon vous ?

Parce qu’elle repose sur des stéréotypes qui enferment autant les femmes que les hommes. Les recherches le montrent : il n’y a pas un style unique féminin ou masculin. Il y a au contraire des leaders qui inspirent par leur intégrité, leur clarté et leur capacité à fédérer. Opposer ces types de leadership revient à réduire le potentiel humain à des codes sociaux rigides. Le vrai enjeu, c’est de dépasser les rôles assignés, pour permettre à chacun de développer son propre style de leadership. Ce que nous devons valoriser avant tout, ce sont les compétences humaines et la capacité à générer de la confiance – pas des archétypes genrés.

En quoi chercher un leadership authentique est-il plus pertinent ?

Dans un contexte marqué par la transformation digitale, l’incertitude et les enjeux sociétaux, ce ne sont pas les leaders autoritaires qui font la différence, mais ceux qui partagent des valeurs fortes telles que la capacité d’écoute, la résilience, l’humilité, la transparence ou encore l’envie de transmettre et de faire grandir les autres. Le leadership authentique est durable, car il repose sur l’intégrité, le respect, et l’alignement entre les intentions, les paroles et les actions.

Quelles erreurs peuvent faire les femmes qui cherchent à se faire une place de leader dans le monde professionnel ?

La première erreur serait de penser qu’il faut copier les modèles dominants pour réussir. Adopter un style autoritaire ou renier ses convictions pour « rentrer dans le moule » mènent souvent à une perte d’authenticité. Une autre erreur fréquente est d’adopter le syndrome de l’imposteur, qui peut freiner la prise d’initiative. Le piège, souvent inconscient, est de ne pas oser ou de douter de sa légitimité. Enfin, les femmes tendent également à négliger le développement de leur réseau ou de sous-estimer l’importance du sponsoring, ce qui peut aussi limiter l’accès à des postes-clés. Comme l’évoque Leymah Gbowee, prix Nobel de la Paix en 2011, c’est en restant fidèles à leurs valeurs, en se soutenant entre elles et en construisant des réseaux solides que les femmes peuvent s’épanouir en tant que leaders. C’est ce que nous proposons au Career Women’s Forum.

Comment les dynamiques de pouvoir au sein des organisations peuvent-elles limiter l’influence des femmes leaders, même lorsqu’elles occupent des postes de direction ?

Le pouvoir ne se résume pas à un titre. Des normes implicites, des réseaux informels et des biais inconscients peuvent marginaliser des femmes leaders, même au sommet. Souvent, elles sont isolées ou cantonnées à des rôles de représentation. C’est pourquoi il est essentiel de réformer les cultures d’entreprise, de créer des environnements réellement inclusifs et de garantir un accès équitable aux ressources et aux opportunités.

Comment les femmes leaders peuvent-elles résister à la pression de se conformer aux attentes traditionnelles de leadership tout en restant authentiques ?

Elles y arrivent en s’appuyant sur leur réseau, en cultivant une conscience aiguë de leurs propres valeurs et en identifiant des alliés. Les femmes doivent considérer leur différence comme une force, en acceptant qu’on ne puisse pas plaire à tout le monde. Il faut avoir le courage d’être soi-même, même si cela implique parfois de sortir des cases. L’authenticité est une force, pas une faiblesse. L’exemple de Claudia Sheinbaum, présidente du Mexique, est révélateur. Face aux attaques répétées de Donald Trump, elle a choisi une stratégie ferme, intelligente et profondément personnelle. Plutôt que de répondre par la confrontation ou de s’aligner sur les codes agressifs de la rhétorique politique masculine, elle a opté pour l’humour, la rationalité, la patience – et une fermeté calme. Elle a ainsi démontré qu’on peut incarner le pouvoir avec élégance, sans renier ses principes. C’est exactement cela, l’essence du leadership authentique : transformer la pression en opportunité d’affirmation, sans perdre son alignement intérieur.

Comment les femmes leaders naviguent-elles les tensions entre l’affirmation de soi et les attentes sociétales de conformité aux normes de genre ?

C’est un équilibre délicat. Trop affirmée, une femme peut être jugée « froide » ou « arrogante ». Trop consensuelle, elle peut être perçue comme faible. Trouver le bon équilibre demande parfois un vrai travail de déconstruction des attentes. La clé réside dans l’authenticité et dans la conscience de soi. Les femmes doivent apprendre à affirmer leur voix sans s’excuser d’exister.

Finalement, comment les femmes doivent-elles s’y prendre pour atteindre les postes à hautes responsabilités ?

Il faut oser, postuler même si on ne coche pas toutes les cases, demander des promotions, se faire coacher, chercher des sponsors. Il faut aussi être stratégique, savoir dans quel environnement on peut évoluer, ne pas hésiter à changer d’organisation si le plafond est trop bas, car le parcours n’est pas toujours linéaire. Surtout, il est primordial de se soutenir entre femmes et de créer des réseaux solides.

Comment les politiques organisationnelles peuvent-elles être adaptées pour mieux soutenir le développement et la rétention des leaders féminins ?

Les organisations doivent intégrer la question de la diversité dans leur gouvernance. Cela passe par des processus de recrutement transparents, des critères de performance objectifs, des politiques de flexibilité, du mentoring, du sponsoring, et un vrai travail sur les biais inconscients. Il ne suffit pas d’avoir des femmes dans l’organigramme, il faut leur donner les moyens d’influencer, de transformer et de rayonner.

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