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Éditoriaux Finance

Les forces de la finance suisse

20.03.2025
par SMA
Grégoire Bordier, Président de l’Association de Banques Privées Suisses

Grégoire Bordier
Président de l’Association de Banques Privées Suisses

Le secteur financier, qui regroupe banques et assurances, mais aussi gérants indépendants et conseillers juridiques, véhicule de nombreux fantasmes. Il y a quelque chose d’alchimique et d’ésotérique à générer de l’argent avec de l’argent. En réalité, l’épargne des uns sert à financer les emprunts des autres, les primes de chacun permettent de dédommager les malheurs de quelques-uns. Les institutions financières jouent un rôle d’intermédiaire entre les besoins des particuliers et les dynamiques du marché global.

En Suisse, la place financière ne fournit que 5 % des emplois totaux, mais contribue à 9 % du produit intérieur brut et assure 12 % des recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. Cela montre à quel point il s’agit d’activités à haute valeur ajoutée. Ces services sont aussi largement exportés, puisqu’ils représentent près de la moitié de la balance suisse des transactions courantes. Pourtant, cette belle mécanique n’est pas tombée du ciel, mais résulte de conditions cadre bien calibrées.

La place financière suisse ne rivalise pas avec New York, Londres ou Hong Kong sans raison : formation, ouverture, stabilité, respect des standards internationaux, innovation et durabilité sont les moteurs de son succès, qu’il convient de préserver.

En premier lieu, le succès des services financiers suisses tient au savoir-faire et au talent de ceux qui les rendent. L’une des forces de la Suisse est son système de formation dual, qui permet d’aborder un métier par la voie académique ou par la voie professionnelle. Le niveau des professeurs de finance dans les universités suisses est soutenu par le Swiss Finance Institute. L’apprentissage d’employé de commerce en banque vient d’être modernisé et plusieurs de ceux qui ont obtenu leur CFC il y a quelques décennies sont devenus des CEO réputés. Enfin, la formation continue est une réalité dans le secteur financier, qui permet d’offrir des prestations toujours à la pointe.

Une deuxième force de la Suisse est son ouverture au monde. La taille restreinte de son marché intérieur l’a forcée à s’intéresser à ceux des autres. Chez nous, il paraît naturel d’investir dans n’importe quelle monnaie et dans n’importe quel pays. Un bref coup d’œil dans d’autres juridictions, y compris voisines, montre que cela ne va pas de soi partout. Cette vue globale permet aussi de mieux saisir les grandes tendances de l’économie. C’est pourquoi la Suisse demeure la première destination pour le placement transfrontalier des actifs privés.

Lorsque des troubles surgissent dans un pays, la Suisse est vue comme un havre de sécurité, pour les personnes comme pour leurs actifs.

Une troisième force de la Suisse est sa stabilité. Notre système démocratique est parfois lent, mais il permet à toutes les opinions de s’exprimer et de converger en un consensus. Les réformes prennent du temps et le peuple souverain préfère les changements progressifs. C’est pourquoi lorsque des troubles surgissent dans un pays, la Suisse est vue comme un havre de sécurité, pour les personnes comme pour leurs actifs. Cela ne nous empêche pas de voter sur des idées assez extrêmes, mais celles-ci sont toujours largement rejetées.

La Suisse est aussi très respectueuse des standards internationaux, développés par des instances qu’elle a souvent elle-même co-fondées, comme l’OCDE ou le GAFI. Même si des colporteurs de clichés continuent à chercher des poux à la place financière suisse pour des affaires passées, il faut se souvenir que la Suisse a passé à satisfaction les derniers examens par les pairs en matière de blanchiment d’argent ou de transparence fiscale. Et puisque les standards continuent d’évoluer, la Suisse continue de les adopter, parfois même avant ses principaux concurrents, comme cette année les exigences de fonds propres du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.

Bien sûr, comme dans n’importe quel secteur économique, on ne peut éviter qu’un acteur dévie des bons principes de gestion. La disparition de Credit Suisse a beaucoup marqué les esprits en Suisse, car cette grande banque servait de nombreux clients et entreprises, souvent depuis longtemps. Il est largement reconnu que cette triste débâcle est surtout due aux erreurs accumulées par ses dirigeants, ainsi qu’aux allégements réglementaires que cette banque avait réussi à obtenir. Il n’y a donc pas de raison de renforcer les règles pour toutes les banques ; la crise a cependant montré que les règles sur l’octroi de liquidités par la Banque nationale suisse doivent être assouplies et élargies, comme cela se pratique dans les autres places financières internationales.

La Suisse est aussi régulièrement en tête des classements sur l’innovation. En matière financière, cela concerne notamment les actifs numériques – bien au-delà des crypto-monnaies. La loi suisse assure la sécurité juridique pour la propriété de jetons détenus selon la technologie des registres distribués. La bourse suisse a créé une version numérique d’elle-même, qui n’attend que le décollage du marché des actifs numériques. La Banque nationale suisse étudie sérieusement l’introduction d’une monnaie numérique, réservée aux transactions interbancaires. De son côté, la FINMA a recensé les meilleures pratiques liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour en faire profiter tous les acteurs.

L’engouement pour la finance durable connaît actuellement des vents contraires, surtout outre-Atlantique. Même l’Union européenne réfléchit à reporter et recalibrer ses exigences de transparence, se rendant compte que contraindre les entreprises à une bureaucratie fastidieuse n’est pas la méthode qui aura le plus d’impact positif sur le climat ou la société. De notre point de vue, la période actuelle est une bonne occasion pour gagner en cohérence, car les instituts financiers ont besoin des informations des entreprises qu’elles financent ou assurent pour pouvoir renseigner correctement leurs clients. Il est aussi important que les standards internationaux de durabilité, comme ceux de comptabilité, soient aussi harmonisés que possible, afin de pouvoir établir des rapports globaux selon une seule méthodologie et procéder sur cette base à des comparaisons pertinentes.

Sur tous ces sujets, l’Association de Banques Privées Suisses recueille et diffuse l’expertise et la pratique de ses membres, pour les partager avec l’Association Suisse des Banquiers et d’autres associations économiques. La Suisse connaît un tissu associatif très riche, qui est fréquemment consulté par le gouvernement, l’administration et le Parlement pour comprendre la réaction des différentes branches économiques aux règles actuelles et envisagées. Cela ne signifie pas que nous soyons toujours entendus, mais c’est certainement encore une autre force de la Suisse qu’au lieu de s’enfermer dans une tour d’ivoire, les décideurs s’efforcent de comprendre les besoins de l’économie pour mieux les intégrer aux intérêts généraux de la société.

Texte Grégoire Bordier, Président de l’Association de Banques Privées Suisses

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