Le système de santé suisse traverse une zone de turbulences. Les primes explosent, les professionnels se raréfient, l’accès aux soins devient inégal. Ces tensions ne relèvent plus du seul débat d’experts : elles frappent chacun et chacune d’entre nous. Repenser l’organisation des soins est devenu un impératif politique et social. Et dans cette refondation, un levier majeur reste trop souvent ignoré : la première ligne de soins.
Médecins de famille, soins à domicile, infirmières, pharmaciens, physiothérapeutes, centres de santé de proximité : ces acteurs forment l’ossature d’un système au service des besoins réels de la population. Présents sur le terrain, enracinés dans les territoires, ils prennent en charge l’essentiel des problèmes de santé, orientent, accompagnent, préviennent. Les données sont claires : les systèmes fondés sur une première ligne forte garantissent un meilleur accès, une qualité plus homogène et une gestion plus rationnelle des ressources.
Et pourtant, ce socle se fissure. Faute de reconnaissance, de financement et de vision stratégique, la première ligne reste marginalisée. La LAMal, centrée sur le remboursement d’actes individuels, ne permet pas de piloter une politique de santé publique cohérente. Elle perpétue un système soumis aux logiques de marché, où la rentabilité – encouragée par une tarification à l’acte favorable aux gestes techniques – prime sur la prévention, la coordination et la relation humaine. Les spécialités de première ligne sont peu valorisées, les vocations se raréfient, les soignants s’épuisent.
L’équilibre du système tout entier vacille. Mais des alternatives concrètes émergent. À Genève, des projets comme le réseau de soins intégrés, la possible caisse cantonale publique ou les maisons de santé territorialisées ouvrent une autre voie. Ces initiatives s’appuient sur une gouvernance souple, ancrée dans les réalités locales, et défendent des missions essentielles : soins primaires, prévention et accessibilité. Ces initiatives montrent qu’un autre modèle est possible, à condition de choix politiques forts.
Redéfinir les valeurs du système – équité, solidarité, qualité – ne se décrète pas. Cela suppose de reconstruire avec les patients, les professionnels et les cantons. L’État ne peut plus rester spectateur : il doit garantir l’organisation des soins de base et soutenir une gouvernance partagée, proche du terrain, juste et efficace.
Le Réseau Delta, plus grand réseau de soins de Suisse romande, s’engage dans cette transition. En misant sur la coopération entre soignants, assureurs et autorités, il défend une santé centrée sur la personne et non les chiffres. Soutenir la première ligne, c’est faire un choix politique : celui d’un système plus humain, plus accessible, plus durable.
Texte Philippe Schaller, Fondateur, Réseau Delta & Dorian Schaller, Président du conseil d’administration, Réseau Delta
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