«en suisse le potentiel réel du bim n’est pas compris»
Building Information Modeling Immobilier Interview Smart City

«En Suisse le potentiel réel du BIM n’est pas compris»

25.03.2020
par Thomas Pfefferlé

Cofondateur et CEO de SWISSROC Building Intelligence, Julien Fersing analyse les enjeux de l’adoption du BIM dans le secteur de la construction helvétique. Dans certains pays, l’utilisation de cette méthodologie digitale est acquise et généralisée depuis plusieurs années. En revanche, en Suisse, son intégration s’avère aussi lente que problématique. Certaines démarches sont tout de même encourageantes. Explications. 

Le Building Information Modeling (BIM) est une méthodologie digitale permettant de concevoir, planifier, construire et entretenir virtuellement un bien immobilier. Ceci, afin d’optimiser ces mêmes phases dans le monde réel. Ce procédé réduit drastiquement les problèmes de coordination qui accompagnent chaque chantier. Le BIM permet ainsi de mieux déterminer et maîtriser les coûts globaux d’un projet mais aussi de gérer efficacement la supervision de la maintenance et des rénovations d’un ouvrage durant son cycle de vie. En matière de durabilité, la méthode BIM offre également de nombreux avantages. Autant de domaines et enjeux dans lesquels s’est spécialisée SWISSROC Building Intelligence. Interview avec Julien Fersing, cofondateur et CEO.

Où en est la Suisse avec le BIM, notamment par rapport à ses voisins européens? 

Notre industrie est clairement en retard sur ce point. Au Danemark, où j’ai effectué mes études en technologies de l’architecture et management de la construction, l’utilisation du BIM est obligatoire pour les ouvrages publics depuis 2007. En Finlande c’est aussi le cas depuis 2002, et depuis 2016 pour le Royaume-Uni. La Scandinavie est donc très en avance. En Suisse on constate que l’utilisation de cette méthodologie tarde à être intégrée de manière efficiente.

Comment peut-on l’expliquer?

Plusieurs facteurs entrent en compte. La Suisse a toujours été très traditionaliste et prudente, voire lente, dans l’adoption de nouveaux processus et méthodes de travail. Et pourtant, en 2019, elle a été élue le pays le plus innovant au monde pour la neuvième année consécutive. En revanche, selon une étude du McKinsey Global Institute (MGI) parue il y a quelques années, le domaine de la construction est le deuxième plus en retard par rapport à la digitalisation. Enfin, il faut aussi souligner le fait que le BIM reste incompris.

Les projets BIM restent aujourd’hui chronophages, alors qu’ils sont censés être plus rapides. Et par manque de compréhension de cette méthodologie, la majorité des acteurs font de la 3D, pas du BIM. Il est vrai que la phase de conception va être un peu plus longue, mais cela justement dans le but d’éviter les problèmes de coordination qui, lors de la construction, peuvent s’éterniser et surtout engendrer des coûts inutiles. Il faut savoir que la construction est un des secteurs les plus fragmentés qui existe. La planification et la coordination s’avèrent donc essentielles. En Suisse, le problème avec le BIM réside notamment dans le manque de connaissance de cette méthodologie et dans le fait que l’on n’accorde pas suffisamment de temps pour que cette phase de conception puisse être vraiment utile par la suite. Nous créons un modèle numérique dans le seul but de produire des livrables 2D pour le chantier. Ce qui ne fait qu’augmenter inutilement la charge de travail sans pouvoir bénéficier de la plus-value qu’offre le BIM.

S’agit-il d’un manque de formation?

En partie. On remarque heureusement que les écoles polytechniques, les universités et les hautes écoles proposent des formations académiques et continues sur le BIM. On peut donc espérer que sa maîtrise se généralise durant ces prochaines années. La SIA (société suisse des ingénieurs et architectes) a également fait un premier pas en publiant depuis peu un cahier technique censé poser les bases et définir la terminologie propre au BIM. Notons encore qu’en Suisse, le secteur de la construction ne laisse que peu de place aux acteurs de petite envergure qui sont pourtant très compétents et aux avant-gardes de ce qui peut se faire dans le domaine. J’ajouterais encore que le maître d’ouvrage manque souvent des connaissances nécessaires pour définir les objectifs BIM du projet et son utilité. Faire du BIM uniquement à des fins marketing n’apporte aucune valeur ajoutée.

Quelle est votre approche au sein de SWISSROC Building Intelligence?

Nos équipes sont expertes dans l’utilisation du BIM et des technologies de l’architecture. Elles ont été formées exclusivement sur ce type de méthodologie. Aujourd’hui, nous savons également faire preuve de bon sens. Nous utilisons le BIM aussi bien pour des projets de villas individuelles que pour des ouvrages de grande envergure. On utilisera simplement des fonctionnalités différentes et on ira jusqu’à un degré de précision et de simulation spécifique. Ceci, en appliquant des méthodes apportant de la valeur ajoutée par rapport aux besoins spécifiques du projet. Notre démarche consiste dans ce sens à employer le modèle BIM pour maîtriser les risques d’un projet. En actualisant sans cesse toutes les données du jumeau numérique du bâtiment (Digital Twin), nous permettons ainsi de fluidifier et simplifier la coordination dans le but d’améliorer les prises de décisions.

Texte Thomas Pfefferlé 

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