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Digitalisation Droit

L’intelligence artificielle, une révolution en marche dans le monde juridique

26.03.2025
par SMA
Prof. Florence GuillaumeFaculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Fondatrice du LexTech Institute, Directrice du CAS en Droit et Intelligence Artificielle

Prof. Florence Guillaume
Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Fondatrice du LexTech Institute, Directrice du CAS en Droit et Intelligence Artificielle

Prof. Florence Guillaume, l’IA transforme progressivement le secteur juridique. Selon vous, cette technologie est-elle bien accueillie par les professionnels du droit ?

L’intelligence artificielle (IA) générative est en train de transformer le secteur juridique, en bouleversant les méthodes de travail des professionnels du droit. Depuis plus de deux ans, juristes, avocats, magistrats et notaires expérimentent l’utilisation d’outils d’IA comme ChatGPT et Copilot, ou des solutions spécialisées d’IA juridique, et prennent conscience du potentiel de ces outils dans la pratique du droit. Pourtant, si une majorité d’entre eux en ont déjà testé, beaucoup peinent encore à en percevoir l’intérêt dans leur quotidien.

Ce scepticisme s’explique facilement : se former à l’IA demande du temps, et ses capacités réelles restent encore floues pour beaucoup. Comme toute avancée technologique, son adoption repose sur la compréhension de ses usages et de ses limites. Le parallèle est évident avec le passage du papier à l’ordinateur : au départ, l’apprentissage a pu sembler complexe, mais il est aujourd’hui impensable d’exercer le droit sans outils numériques. L’IA suit la même trajectoire et pourrait bien creuser une nouvelle fracture numérique entre ceux qui sauront l’exploiter et ceux qui resteront à l’écart.

Qu’apporte l’IA dans la pratique juridique ?

Les outils d’IA permettent notamment d’accélérer la recherche en identifiant des bases légales et des jurisprudences pertinentes et en synthétisant l’information. Ils facilitent aussi la rédaction et l’analyse de documents, tels que des contrats, en générant des ébauches ou en détectant d’éventuelles incohérences. Ces exemples ne sont que le début: l’ampleur exacte de l’utilisation de l’IA dans le domaine juridique est encore inconnue. Toutefois, l’IA n’est pas une baguette magique fournissant une réponse juridiquement exacte à toute question posée. Les modèles tels que ChatGPT ou Perplexity peuvent produire des réponses inexactes ou fictives, notamment des fausses citations ou des jurisprudences inventées. La confidentialité des données est une autre préoccupation, l’IA manipulant parfois des informations sensibles qui doivent rester protégées. Ces limites rappellent que l’IA ne peut être utilisée sans un contrôle humain.

Le développement rapide de l’IA soulève des questions sur la formation des juristes. Quelles compétences doivent-ils acquérir pour s’adapter à cette nouvelle réalité ?

Se former à l’IA est désormais essentiel pour les juristes. Il ne s’agit pas de devenir informaticien, mais d’apprendre à l’intégrer dans la pratique du droit, en ayant des attentes raisonnables à son égard. Un usage avisé de l’IA repose sur la capacité à formuler des requêtes précises, analyser les réponses générées et en évaluer la fiabilité. Loin de remplacer les juristes, l’IA se positionne comme un outil d’assistance, dont l’efficacité repose sur une utilisation éthique et responsable. Au-delà du gain de productivité, cette expertise est indispensable pour distinguer les usages pertinents des dérives potentielles.

Dans cette transition, les universités jouent un rôle clé. Consciente de cet enjeu, la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel a lancé en 2024 une formation en droit et IA, conçue pour apporter aux professionnels du droit une littératie en IA, c’est-à-dire une capacité à comprendre, évaluer et utiliser cette technologie de manière critique et éclairée.

À l’avenir, l’IA va-t-elle remplacer les juristes ou, au contraire, renforcer leur rôle ?

L’IA va sans aucun doute s’imposer rapidement comme un outil incontournable pour les juristes. Mais une chose est certaine : si l’IA peut traiter et analyser l’information, elle ne remplacera pas le discernement, la stratégie et la sensibilité humaine au cœur de la pratique juridique. Le droit évolue, mais il restera toujours une affaire d’intelligence humaine.

Texte Florence Guillaume

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