«Les technologies ne remplaceront pas les hommes»
Associé au sein de l’étude Lenz & Staehelin, l’avocat Fedor Poskriakov, spécialisé dans le domaine bancaire et financier, évoque les enjeux liés à la digitalisation et à la robotisation de processus.
Egalement concernée par la digitalisation et le développement de l’intelligence artificielle, la filière juridique observe de près ces évolutions technologiques. Il s’agit d’effectuer une transition technologique progressive contrôlée en encadrant les nouvelles pratiques et en testant l’efficience des outils technologiques dans des domaines d’application concrets. Interview avec Fedor Poskriakov, avocat associé au sein de l’étude Lenz & Staehelin.
Quel regard portez-vous sur les nombreux développements technologiques qui voient le jour dans le domaine juridique et bancaire?
En tant qu’avocat je suis bien sûr à l’écoute de ces évolutions. Dans le domaine juridique le développement de la LegalTech touche autant les petits cabinets que les grandes études. Cependant, ces nouvelles technologies s’avèrent surtout pertinentes lorsque l’on peut les paramétrer avec de gros volumes de données ou les appliquer à un volume suffisant de cas. En Suisse, les volumes traités ne permettent pas aujourd’hui de tirer pleinement parti de ces technologies, comme les outils d’intelligence artificielle. Ceci est d’autant plus vrai que nous travaillons dans plusieurs langues (i.e., anglais et au moins les trois langues nationales). Ce nonobstant, nous testons et implémentons de manière ciblée certains outils dans notre pratique quotidienne. Respectivement, lorsque ceci s’avère efficace et pertinent, nous formons nos avocats en conséquence.
Dans le domaine bancaire également, certaines tâches liées aux fonctions de back-office et de support sont déjà automatisées.
Je vois cela comme un changement de paradigme – symptomatique d’une évolution normale et saine vers une digitalisation et automatisation accrues.
Ainsi, des fonctions à faible valeur ajoutée, consistant en des tâches simples et répétitives, sont remplacées par des processus opérationnels plus efficients qui reposent sur des technologies d’automatisation. Cela crée aussi de nouveaux emplois et permet d’amener les collaborateurs à évoluer vers des fonctions plus valorisantes et utiles.
Les technologies ne remplaceront donc pas, à mon sens, les hommes et leur expertise, surtout pour des tâches complexes (e.g., fonctions créatives, d’analyse et de résolution de problèmes complexes).
Plusieurs plateformes juridiques en ligne apparaissent également. Elles permettent de mettre en relation particuliers et avocats tout en donnant accès à un premier niveau de conseil juridique. Encourageant ou inquiétant?
Un peu les deux. Encourageant oui. Cela permet de réduire les coûts et donc de démocratiser l’accès à certains types de services juridiques de base.
En même temps, il faut veiller à respecter la déontologie de la profession. Ceci tout en gardant à l’esprit qu’un rapide conseil en ligne ne remplacera pas l’expertise d’un avocat. Surtout pour des affaires complexes.
En ligne, un consommateur ne saura d’ailleurs pas forcément identifier et soumettre pour analyse l’ensemble des faits pertinents qui concernent son affaire.
Comment abordez-vous les changements technologiques chez Lenz & Staehelin?
Nous suivons, testons et mettons en pratique les outils qui nous permettent d’améliorer la façon dont nous conseillons nos clients, respectivement de faciliter la tâche à nos avocats. En parallèle, nous cherchons également à participer comme acteurs à l’évolution technologique. Par exemple, nous avons – avec Swissquote et Temenos et en collaboration avec l’EPFL – fondé la Capital Markets and Technology Association (CMTA).
A travers des synergies entre acteurs bancaires, académiques et juridiques, ce projet vise à établir des standards. Il permet aux PME un accès sûr et fiable aux levées de fonds au moyen de technologies telles que registres distribués et blockchain.
Cette approche permettra à l’économie réelle de bénéficier des avantages et réductions de coûts résultant de la digitalisation. La technologie est ici un outil pour atteindre un but et non une fin en soi.
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