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«Les smart cities doivent permettre la transition énergétique»

25.10.2018
par Thomas Pfefferlé

Dominique Gachoud, directeur général de Groupe E, analyse et détaille les enjeux liés à l’émergence des villes intelligentes. Dans le contexte politique et énergétique actuel, il est en effet central de pouvoir développer des infrastructures plus efficientes et adaptées si l’on entend limiter, puis réduire nos émissions de CO2.

Le concept émerge gentiment mais sûrement aux quatre coins du monde. Les smart cities, ces villes intelligentes et hyper efficientes, constituent un objectif majeur et un prérequis dans la transition énergétique. Groupe E est conscient de cette problématique et de l’importance de participer à l’essor de ces villes de demain. L’entreprise diversifie donc son activité en se positionnant en tant qu’énergéticien. Un nouveau métier qui consiste à offrir son expertise dans de multiples domaines liés à la technique du bâtiment et à l’efficience énergétique. Interview avec le directeur général du groupe Dominique Gachoud.

Alors que le rôle premier de Groupe E consistait essentiellement à fournir de l’électricité, que peut-on dire par rapport à son activité actuelle?

Il est vrai que notre rôle a considérablement évolué durant ces dernières années. Groupe E était d’abord un producteur et fournisseur d’énergie électrique. Mais depuis une quinzaine d’années environ, nous avons diversifié notre offre de prestations afin d’apporter des solutions énergétiques globales, comme la fourniture de chaleur et de gaz naturel, de même que des conseils en matière d’efficience énergétique tant pour l’industrie que pour les particuliers. Nous proposons aussi aux collectivités de les accompagner dans l’élaboration de leur planification énergétique territoriale. Il s’agit d’un des jalons essentiels à la transition énergétique.

Contribuez-vous également au développement de la mobilité électrique?

Tout à fait. Nous veillons à étendre le réseau de bornes de recharge publiques dans toute la Suisse. Ceci, via Move Mobility SA, une coentreprise que nous avons fondée avec d’autres sociétés de la branche. Nous stimulons également la construction de bornes de recharge chez les particuliers et dans les immeubles locatifs.

L’émergence des smart cities concerne directement le domaine de la construction. Quel est votre positionnement dans ce secteur?

Nous sommes particulièrement attentifs aux enjeux énergétiques liés aux bâtiments. C’est d’ailleurs le secteur qui offre le plus grand potentiel d’économies. Nous proposons notamment du conseil et des audits énergétiques et sommes accrédités pour réaliser et délivrer le Certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB). Cette forme d’expertise s’adresse tant aux collectivités et communes qu’aux particuliers. Nous accompagnons aussi les grandes entreprises afin de les orienter dans leurs demandes de remboursement de la taxe CO2 et la réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Mais le concept de smart city, au-delà de bâtiments énergétiquement sobres, voire autonomes, c’est aussi et notamment des solutions de transport efficientes, la mobilité douce, une gestion des déchets privilégiant la réutilisabilité.

Dans quelle problématique énergétique et politique s’inscrit précisément le concept de smart cities?

Les villes intelligentes doivent permettre de participer concrètement et efficacement à la transition énergétique. L’enjeu est considérable quand l’on sait que 50% de la population du globe habitera bientôt dans les villes, qui produiront 75% des émissions de CO2.

Le défi principal actuel consiste à pouvoir exploiter et stocker de manière performante des productions d’énergie décentralisées et aléatoires. Car avec le solaire par exemple, les fluctuations de production dues aux changements météorologiques sont bien sûr importantes. Il faudra donc mettre en place des solutions gérant la problématique de la production, de la consommation et du stockage ainsi que la gestion des communautés d’autoconsommateurs. Certains experts, tels que l’essayiste et conseiller américain Jeremy Rifkin, parlent ainsi de l’internet de l’énergie. Une notion qui résume bien la problématique dans laquelle s’inscrivent les smart cities.

Pour construire des villes intelligentes, il faut pouvoir disposer d’infrastructures capables de mesurer et communiquer les données liées à la production et la consommation d’énergie.

Dominique Gachoud, directeur général de Groupe E

Et où en est-on actuellement? Comment Groupe E participe-t-il à l’émergence de ces villes intelligentes?

Nous sommes encore au début des smart cities. Actuellement, on voit surtout se développer, à l’échelle d’un quartier, des projets favorisant la mutualisation des ressources en matière d’énergies, de mobilité et de services de proximité. Ce qui s’avère déjà des plus encourageants. Groupe E développe son expertise dans les smart cities en travaillant notamment sur des capteurs intelligents. Car pour construire des villes intelligentes, il faut pouvoir disposer d’infrastructures capables de mesurer et communiquer les données liées à la production et la consommation d’énergie; en fait, savoir tirer profit de la combinaison des technologies de la communication et de l’information.

Quels projets peut-on mentionner pour l’illustrer?

Nous sommes partie prenante du projet Marly Innovation Center (MIC). Le MIC est l’un des plus grands campus technologiques de Suisse. Situé en région fribourgeoise, il accueille aujourd’hui plus de 150 entreprises. Ce projet a donné naissance à une coentreprise entre le propriétaire du site, la commune de Marly et Groupe E. Nous envisageons d’alimenter le complexe avec une production décentralisée reposant sur les nouvelles énergies renouvelables. En collaboration étroite avec la Ville de Fribourg, nous avons également joué un rôle dans le fait que cette dernière soit récompensée par la distinction européenne Cité de l’énergie. Durant ces dernières années, nous avons aussi apporté notre savoir-faire à de nombreuses communes neuchâteloises et fribourgeoises. Par exemple, en remplaçant et en optimisant l’éclairage de leurs voies publiques, nous avons pu réduire la consommation énergétique de ces infrastructures de plus de 50%.

Vous avez également participé au Smart City Day le 13 septembre dernier au Forum Fribourg. Que peut-on dire par rapport à cet événement et à votre présence lors de cette journée?

Le Smart City Day est un événement central. Dédiée à la transition énergétique et aux différentes solutions qui peuvent contribuer à la soutenir, cette journée représente une belle opportunité d’échanges, de partages et de découvertes. Groupe E y a participé, notamment en animant plusieurs conférences et en y tenant un stand présentant des solutions multi énergies adaptées aux villes de demain. Pour l’occasion, nous avons présenté les spécificités techniques et énergétiques liées au Marly Innovation Center. Nous avons par ailleurs tenu une conférence sur l’accompagnement des Communes dans l’élaboration de leur plan énergétique territorial.

Entre les objectifs à atteindre fixés par la Stratégie énergétique 2050 et l’ouverture progressive du marché, quel regard portez-vous sur le contexte politique actuel?

L’ouverture du marché constitue un réel défi, en particulier pour une filière énergétique centrale en Suisse. Je veux bien entendu parler de l’énergie hydraulique qui représente 60% de notre production électrique aujourd’hui. L’hydraulique est en danger. Il lui est en effet impossible de lutter à armes égales contre des énergies fossiles ou des nouvelles énergies renouvelables massivement subventionnées à l’échelle européenne. Et l’hydraulique a évidemment un rôle central à jouer dans la transition énergétique. Seulement, les distorsions d’un marché ouvert viennent fausser la donne. Le principal problème du contexte politique actuel réside dans le fait que le prix de l’énergie n’est globalement pas assez élevé. De même, à l’échelle européenne, la taxe CO2, encore trop basse, ne s’avère pas suffisamment incitative. Pour résoudre cette problématique, du moins en partie, une prise de conscience collective davantage prononcée quant aux effets indéniables et alarmants du réchauffement climatique s’avère évidemment nécessaire.

L’ouverture du marché constitue un réel défi, en particulier pour une filière énergétique centrale en Suisse. – Dominique Gachoud, directeur général de Groupe E

Et quels autres obstacles identifiez-vous dans le développement des smart cities?

Il reste encore à trouver un juste équilibre entre la préservation de l’environnement et la production à partir des nouvelles énergies renouvelables. Aujourd’hui, les démarches et complications administratives engendrées par les impératifs liés à la protection de la nature compliquent la tâche. En se focalisant trop sur la préservation de l’environnement, on freine malheureusement le développement de la production d’électricité basée sur les nouvelles énergies renouvelables. On a tendance à l’oublier, mais il ne faut pas perdre de vue le fait que la transition énergétique ne doit pas constituer une fin en soi. Il s’agit davantage d’un instrument devant permettre la mise en œuvre d’une politique climatique responsable.

Texte Thomas Pfefferlé Photo Dominique Bersier

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