Selon le site de l’Office fédéral de la statistique, près de 41 000 mariages ont été célébrés en 2022, alors que ce chiffre a baissé à 36 800 en 2024. On constate par ailleurs qu’en 2023, seuls 37 % des couples de personnes âgées de 24 à 34 ans étaient mariés, alors que 63 % vivaient en union libre.

Laurent Schuler
Avocat – Spécialiste FSA Droit de la construction et de l’immobilier – Spécialiste FSA Droit de la famille

Milena Vaucher-Chiari
Avocate
Dans ces circonstances, on peut s’interroger sur les risques que prennent les personnes non mariées lorsqu’elles s’engagent dans des actes importants de la vie tels qu’avoir des enfants, acheter un bien immobilier ou procéder ensemble à des investissements, alors qu’aucune règle de droit ne régit spécifiquement leur relation.
Dans un rapport du Conseil fédéral du 30 mars 2022, portant sur l’état des lieux du concubinage en droit actuel, le Conseil fédéral rappelait que la dissolution de l’union libre ne reposait sur aucune condition juridique et qu’elle n’était pas soumise à l’appréciation d’un juge ou d’une autorité, comme c’est le cas en matière de divorce. Cette dissolution peut intervenir en tout temps et sans motif, de manière individuelle ou par consentement mutuel. Certes, les concubins peuvent passer des conventions qui permettent de régler en amont ces problèmes. Il était toutefois constaté que, dans la pratique, il est rare de rencontrer de tels aménagements, si bien que l’intervention des juges est souvent sollicitée. Ceux-ci vérifient d’abord si les partenaires ont conclu une convention et, si aucune convention n’est passée entre eux, les juges appliquent les règles ordinaires des droits réels et des droits des contrats ou de la société simple.
En cas de mariage, le principe de solidarité oblige les époux à s’entraider financièrement et même, si nécessaire, après une séparation ou un divorce. En revanche, ce principe n’existe pas pour les concubins, qui n’ont aucune obligation financière réciproque en dehors de l’entretien des enfants.
En effet, les règles régissant les pensions alimentaires illustrent bien la différence entre mariage et concubinage : seules les personnes mariées peuvent bénéficier, pour elles-mêmes, d’une aide financière de l’autre conjoint en cas de séparation ou de divorce, alors que les concubins n’y ont pas droit. Ainsi, lorsqu’un couple de concubins avec des enfants se sépare, le parent qui en a la garde pourra prétendre uniquement à une contribution d’entretien pour les enfants. Leur entretien se compose de deux éléments : le paiement des coûts directs, comme la nourriture, les vêtements, les assurances et le logement, et la contribution de prise en charge, soit la prise en charge du fait que le parent qui garde les enfants ne peut pas utiliser toute sa capacité de gain.
Ainsi, s’il est vrai que le nouveau droit qui règle les obligations alimentaires a quelque peu amélioré la situation pour le parent qui a la charge des enfants du couple, notamment par l’introduction de cette contribution de prise en charge, il convient de rappeler que celle-ci est limitée dans le temps et qu’elle ne règle que partiellement les problèmes, voire pas du tout, notamment en matière d’avoirs de vieillesse. Dans le cas d’un couple marié, la dissolution du mariage a des effets sur la prévoyance vieillesse, que ce soit au niveau du partage des avoirs LPP ou du partage des avoirs du premier pilier, qui intervient par l’intermédiaire du splitting. Ainsi, l’époux qui a baissé son taux d’activité pour s’occuper des enfants est protégé par ces institutions légales, qui lui permettent de garantir une couverture par l’intermédiaire des cotisations de l’autre époux qui a maintenu un taux d’activité élevé. Dans le cadre du concubinage, ce partage n’existe pas. Dès lors, si le parent qui garde les enfants et qui a un taux d’activité plus faible peut bénéficier d’une contribution d’entretien importante grâce à la nouvelle législation, il devra rapidement reprendre une activité professionnelle, car la jurisprudence du Tribunal fédéral oblige le parent gardien à reprendre une activité professionnelle à tout le moins à 50 % dès l’entrée à l’école du dernier enfant du couple, et à 80 % dès lors que l’enfant a atteint l’âge d’entrer à l’école secondaire. Il ne peut en revanche prétendre à un comblement de ses cotisations AVS ou LPP, qui ont été moindres du fait qu’il a eu un salaire plus faible en raison de son activité à temps partiel.
Également, la protection du parent qui a baissé son taux d’activité pour s’occuper des enfants ou même arrêté de travailler n’existe pas en cas de séparation. Il n’aura pas droit au versement d’une pension alimentaire pour lui-même afin de pallier cette diminution de sa capacité financière. Sans contrat spécifique, il n’existe pas de règle lui permettant, par exemple, de se voir attribuer le logement conjugal. De surcroît, les règles de procédure qui s’appliquent devant les tribunaux dans les affaires de couples non mariés sont les mêmes que celles des affaires purement patrimoniales et exigent des avances de frais importantes. À l’inverse, les séparations judiciaires de couples mariés (mesures protectrices de l’union conjugale) sont souvent exemptes de frais judiciaires (selon les cantons) ou font l’objet de frais réduits.
En matière d’investissement immobilier, la situation est particulièrement délicate lorsque l’un des concubins finance des travaux sur l’immeuble de l’autre. L’existence d’une société simple n’est pas forcément admise. Récemment, le Tribunal cantonal vaudois a rejeté l’action d’une concubine qui avait versé à son concubin un montant important pour faire des travaux dans son immeuble et qui souhaitait l’obtenir en retour, une fois la séparation intervenue. En l’absence de contrat spécifique, le Tribunal lui a donné tort. De même, les contributions financières pour aider le partenaire dans sa carrière, comme financer une formation ou soutenir un projet professionnel, ne donnent aucun droit en l’absence de contrat spécifique.
En matière successorale, le mariage offre une meilleure protection au conjoint survivant, qui hérite automatiquement d’une part légale de la succession, tandis que le concubin n’a aucun droit successoral, sauf si des dispositions testamentaires sont prises en sa faveur.
En définitive, le mariage offre une protection importante pour le membre du couple qui diminue son taux d’activité pour s’occuper des enfants. Ces avantages sont non seulement liés aux droits eux-mêmes, mais aussi à la procédure. Le mariage garde donc tout son intérêt en 2025. On ne peut que recommander aux concubins qui ne souhaitent pas se marier, mais souhaitent construire une relation stable, de consulter un homme de loi pour régler le plus complètement possible les relations de concubinage par un contrat. Il est de toute manière plus facile de conclure ce genre de contrat lorsque les parties s’entendent plutôt qu’au moment de la séparation, lorsque le litige est important.
Pour plus d’informations : avopartner.ch
Laisser un commentaire