distressed m&a : une aubaine en temps de crise ?
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Distressed M&A : une aubaine en temps de crise ?

14.12.2022
par Kevin Meier

Les crises sont porteuses d’opportunités. Cette phrase a menacé de devenir un lieu commun au cours des deux dernières années. Et pourtant, elle vise un noyau de vérité, surtout dans son sens économique. Les Distressed M&A ne sont pas seulement des histoires d’entreprises en difficulté, mais des situations complexes avec des avantages et des inconvénients pour toutes les parties.

Les fusions et acquisitions traditionnelles sont monnaie courante dans le monde des entreprises. En raison des temps incertains de ces dernières années, les Distressed M&A attirent de plus en plus l’attention. Pour simplifier, il s’agit de fusions et d’acquisitions d’entreprises ou de leurs actifs en difficulté financière.

La nature des difficultés peut varier : des entreprises ayant des problèmes de liquidités inattendus à celles qui génèrent des pertes depuis des années. De manière plus générale, on parle également de « special situations » lorsque des organisations en principe saines se retrouvent – par leur propre faute ou non – dans une situation problématique, par exemple à la suite d’une mauvaise acquisition.

L’impact de la pandémie

La pandémie de coronavirus a apporté une incertitude considérable sur le marché et la guerre en Ukraine a également laissé des traces. Avant cela déjà, la numérisation, la hausse des prix des matières premières et les exigences croissantes en matière de durabilité ont augmenté les contraintes et la pression de transformation sur les entreprises.

Pendant la crise de la Covid-19, les cas d’insolvabilité ont toutefois diminué en raison des aides de l’État. On peut toutefois s’attendre à une normalisation de la dynamique : en Europe occidentale, le nombre de cas de redressement, de faillites et d’entreprises en difficulté va continuer d’augmenter. Deloitte fait ainsi état d’une nette augmentation des fusions-acquisitions en difficulté sur le marché allemand.

Des secteurs entiers en difficulté

La pandémie continuera à déployer ses effets sur le marché pendant un certain temps. On peut ainsi s’attendre à ce que les transactions Distressed M&A augmentent surtout dans les branches qui ont été particulièrement touchées par les mesures, comme le secteur du tourisme.

Marius Fuchs, chargé de cours à la Haute école de Lucerne et responsable du programme CAS Turnaround-Management, cite l’exemple des centres de fitness. Les petits studios manquent souvent – malgré les aides financières – de la puissance marketing nécessaire pour se remettre sur pied par eux-mêmes. « On observe ici d’une part un processus de consolidation dans lequel les grandes chaînes s’emparent des opportunités. Parallèlement, de nouvelles entreprises font leur entrée sur le marché avec des offres avantageuses ». Par conséquent, il devient difficile pour les entreprises en difficulté de se maintenir à long terme.

De nombreuses opportunités

Les entreprises en difficulté financière peuvent éviter les inconvénients les plus divers grâce aux Distressed M&A. Du côté de la vente, cela permet d’éviter les faillites, les dissolutions et les dommages à l’image de marque ainsi que de préserver les emplois. De telles transactions peuvent en outre créer une base solide pour des réorientations stratégiques ou des mesures de restructuration en profondeur.

Ces dernières peuvent représenter un avantage pour les deux parties, comme l’explique Tomi Laamanen, titulaire de la chaire et professeur de management stratégique à l’université de Saint-Gall : « En raison de la situation difficile, les entreprises cibles sont plus enclines à entreprendre des changements. Même si des décisions difficiles doivent être prises, il y a davantage de compréhension quant à leur nécessité ».

Du côté des achats, les opportunités sont de nature monétaire et stratégique. Les acheteurs profitent ainsi de prix plus avantageux, d’un accès rapide à un nouveau marché, d’une première entrée dans un nouveau segment ou d’une croissance externe. Selon Marius Fuchs, la notion de concurrence peut jouer un rôle important : « Les entreprises disposant de liquidités et d’un bilan solide peuvent racheter des concurrents sur le marché. Parfois, les entreprises ne sont mises en vente qu’en raison de la crise ».

Jouer la montre peut détruire des valeurs

C’est justement dans le cas des Distressed M&A que le facteur temps est décisif. En effet, les entreprises en difficulté financière doivent aller vite. Les acheteurs peuvent certes jouer la montre afin de renforcer leur position de négociation et de faire encore baisser le prix. « Mais pendant ce temps, des valeurs sont détruites », avertit Tomi Laamanen, « il y a une corrélation entre les valeurs de l’entreprise et des actifs et le prix d’achat ». Marius Fuchs est d’accord et explique : « De plus, il y a une pression du côté des vendeurs pour que la situation ne soit pas rendue publique sur le marché. C’est pourquoi le marché des Distressed M&A se déroule en coulisses dans l’intérêt de toutes les parties concernées ».

Due diligence in Extremis

Comme dans toutes les transactions, la due diligence porte une grande importance. La pression du temps entrave toutefois un examen complet. Selon Marius Fuchs, ces cas sont différents des fusions et acquisitions habituelles : «Dans ces situations, la transparence des informations est fortement limitée. Le temps et souvent aussi les ressources font défaut. Des erreurs peuvent alors se glisser lors de la due diligence». Les parties acheteuses étrangères au secteur ont une difficulté supplémentaire : elles peuvent moins évaluer la nature de la crise que les acteurs du secteur situés en amont ou en aval. Cela peut signifier un risque accru pour l’intégration ou le redressement après la fusion-acquisition en difficulté.

Dans le monde d’aujourd’hui, Tomi Laamanen attire également l’attention sur une certaine due diligence politique : « Des actifs non déclarés pourraient encore exister dans l’entreprise cible, en particulier dans les petites banques privées. Les liens avec les oligarques et la Russie devraient également être connus afin de pouvoir évaluer les risques politiques et réglementaires ».

Complexités dans les Distressed M&A

Le facteur temps et les situations de crise rendent les Distressed M&A plus complexes. «Les acquisitions sont moins coûteuses, mais plus exigeantes en termes de dépenses, d’aspects juridiques à prendre en compte et de différentes parties prenantes impliquées, qui peuvent inclure des tribunaux», explique Tomi Laamanen.
Surtout, les processus de Distressed M&A sont marqués par le droit, comme l’explique Marius Fuchs : « En raison de l’urgence, on ne peut pas se permettre de former encore quelqu’un dans ce domaine. Il faut donc du personnel professionnel et expérimenté – en particulier sur le plan juridique ».

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