À contre-courant des logiques industrielles et conventionnelles, une poignée de vignerons suisses s’engagent dans une viticulture radicalement respectueuse du vivant : celle des vins SAINS – Sans Aucun Intrant Ni Sulfite ajoutés. À la croisée du vin nature et du vin d’auteur, cette philosophie prône une approche épurée, authentique et exigeante, où chaque bouteille traduit fidèlement le travail de la vigne et de son vigneron. Rencontre avec Arnaud Siegfried, artisan vinificateur de la cave PuR Raisin et créateur du shop Soufre pas ça sulfite, et Jordi Renard, vigneron du domaine Maison Vulpin et créateur du salon SØ2, pionniers du mouvement en Suisse.
Qu’entendez-vous exactement par « vins SAINS » et en quoi diffèrent-ils des vins bio ou des vins nature ?
Un vin S.A.I.N.S. est un vin sans aucun intrant ni sulfite ajouté, produit naturellement et uniquement par l’action des levures indigènes, sans collage ni filtration. Un vin qui bénéficie de cette mention est obligatoirement issu d’un vigneron membre de l’Association des vins S.A.I.N.S. Cette association est connue pour être la plus stricte à ce jour. En effet, pour intégrer ses rangs, le vigneron doit réaliser des vins S.A.I.N.S. sur 100 % de son activité vinicole, et l’achat de raisin est interdit, même en cas de mauvaise récolte.
Un vin nature doit être produit de la même manière qu’un vin S.A.I.N.S., mais peut aussi provenir d’une activité de négoce.
Un vin bio ou issu de la biodynamie respecte un cahier des charges précis et est certifié. Les cultures sont travaillées sans pesticides ni herbicides de synthèse (tout comme un vin nature ou un vin S.A.I.N.S.). En revanche, en cave, le cahier des charges est plus laxiste pour ces vins et autorise plus d’une centaine d’intrants, comme des levures sélectionnées et des sulfites.
Qu’est-ce qui vous a poussés à défendre et à produire des vins sans sulfites ?
Arnaud : Après avoir obtenu mon Brevet fédéral en restauration en 2016, j’ai eu l’opportunité de découvrir le programme proposé par une HES de viticulture et d’œnologie. C’est là que j’ai réalisé qu’il n’existait pas ou peu d’alternatives aux vins conventionnels en Suisse. À cette période, on parlait encore peu de vin bio et de biodynamie, alors parler de vin nature n’était pas du tout d’actualité.
Grâce à plusieurs vignerons nature en France, passionnés et passionnants, dont les présidents de l’Association des vins S.A.I.N.S., Gilles et Catherine Vergé, j’ai pu approfondir mes connaissances dans le milieu du vin nature et de son élaboration. Mais surtout, j’ai découvert une palette aromatique complètement différente des vins standardisés et fixés chimiquement. J’ai alors décidé d’importer des vins S.A.I.N.S. et de créer mon shop en ligne (www.soufrepascasulfite.ch) dédié à ces vignerons et à cette philosophie. Forcément, au travers de ces rencontres incroyables, l’envie est née de produire mon propre jus de raisin fermenté. Jordi, déjà lancé, m’a permis de me jeter à l’eau…
Jordi : Le premier vin nature que j’ai pu déguster, c’était en 2017, via Arnaud et sa jeune entreprise Soufre pas ça sulfite. Puis quelques cuvées se sont ajoutées au développement de mon palais. À partir de 2019, une deuxième rencontre avec un sommelier avec qui je travaillais a affiné mon goût grâce aux nombreuses dégustations que nous avons réalisées pour créer la carte du restaurant.
Pour découvrir et s’initier aux vins nature et S.A.I.N.S., le mieux est d’aller déguster directement chez le vigneron. Vous pouvez aussi passer en boutique et écouter les conseils d’un caviste spécialisé.
Début 2020, lors de plusieurs salons à Angers (haut lieu des vins nature), j’ai décidé de créer mon propre vin nature, sans aucun intrant ni sulfite ajouté. Pour moi, c’était une évidence : le retour en arrière vers du vin conventionnel n’était plus possible. J’ai trouvé de la vigne, un petit chai, et l’aventure a commencé. Le seul et unique jour de formation que j’ai eu fut celui de mes propres vendanges. Un ami, ancien sommelier, m’a montré comment contrôler la transformation du jus de raisin en vin grâce à un mustimètre. Depuis, l’expérience des millésimes m’a permis d’apprendre de mes erreurs comme de mes réussites.
Quelles sont les particularités des vignes et des cépages récoltés pour élaborer des vins suivant la charte SAINS ?
Voici un extrait de la charte des vins S.A.I.N.S. à ce sujet :
« La nature est l’outil principal. Quelles que soient les pratiques (travail des sols, enherbement naturel, etc.) et les labels, un vigneron de l’Association des vins S.A.I.N.S. ramasse inévitablement et à 100 % de son activité viticole des raisins mûrs, manuellement et exempts de tous produits chimiques de synthèse et moléculaires. La qualité alimentaire optimale des raisins est l’exigence de l’Association des vins S.A.I.N.S. »
Quels vignerons partagent aujourd’hui cette philosophie et cultivent la vigne selon ces principes ?
À travers le monde, un peu plus d’une centaine. En Suisse, une dizaine. Parmi eux : Andrea et Marc Balzan (domaine Chèrouche), Hans-Peter Schmidt (Mythopia). Et pour la nouvelle génération : Benjamin Dupas (La Riva), Lucas Madonia, Timothée Place (La Momoterie), Felipe et Yanis (TyaloTyalo).
Quels événements sont prévus prochainement pour faire connaître et valoriser les vins SAINS et nature en Suisse ?
Le dimanche 8 février 2026 à Vevey (une date à retenir) se déroulera la 2e édition du salon SØ2, un événement unique réunissant tous les vignerons et vinificateurs suisses partageant cette philosophie, ainsi que plusieurs vignerons étrangers, principalement en provenance de France.
Il existe aussi le Festival du vin nature, organisé par l’ASVN (Association Suisse du Vin Nature), et le salon La Désalpe, où se mêlent vignerons nature et producteurs de vins contenant une dose minime de sulfites.
Les vins nature connaissent un véritable engouement : comment les reconnaître, et quels sont les labels ou domaines qui les certifient ?
Des labels privés ont été créés par des associations de vignerons pour encadrer la pratique, comme le label S.A.I.N.S. en France. La mention « sans sulfites ajoutés » ou le logo d’une association comme l’AVN peuvent également être de bons indicateurs. En Suisse, l’ASVN œuvre dans ce sens depuis 2021, avec le soutien de BioVaud, et depuis 2023, l’association collabore avec Bio-Inspecta pour un contrôle reconnu.
Comment évaluez-vous l’impact des vins SAINS sur les écosystèmes, mais aussi sur la santé et la perception des consommateurs ?
Un retour à l’agriculture d’hier pour inspirer celle de demain, afin de protéger notre terre nourricière, les êtres vivants qui la peuplent et la vie qui les entoure – aussi bien la faune que la flore, dans les vignes. Nous nous devons de penser à ce que nous laisserons à nos enfants.
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent découvrir ou s’initier aux vins nature et SAINS ?
Pour découvrir et s’initier aux vins nature et S.A.I.N.S., le mieux est d’aller déguster directement chez le vigneron. Vous pouvez aussi passer en boutique et écouter les conseils d’un caviste spécialisé. De nos jours, on en trouve dans toutes les grandes villes. L’idéal est également de participer à un salon de vin nature, comme le salon SØ2, qui fait désormais office de référence dans le milieu. Les vignerons qui font le vin vous transmettront leur passion et leur philosophie.
Plus d’informations : soufrepascasulfite.ch



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