Des données fiables pour mieux soigner
Chaque révolution médicale s’est appuyée sur une percée technologique : la synthèse chimique a ouvert la voie aux médicaments modernes, la génétique celle des premières thérapies géniques. La prochaine frontière sera déterminée par l’intelligence artificielle.

Christophe Dessimoz
Directeur Exécutif du SIB – Institut Suisse de Bioinformatique
L’IA ne vaut que par la qualité des données qui la nourrissent. C’est-à-dire des données fiables, représentatives et recueillies dans le respect de la loi sur la protection des données personnelles. Seules de telles données permettront à l’IA d’apprendre juste, et donc d’aider à reconnaître plus tôt les facteurs de risques, poser un diagnostic plus précis, ou encore proposer des traitements adaptés à chacun.
La Suisse romande dispose déjà d’hôpitaux de pointe, d’universités reconnues, et d’entreprises innovantes. L’enjeu, désormais, est de transformer les données de santé en matière première réellement utile à tous ces acteurs.
Le SIB comme exemple d’une infrastructure de recherche nationale dédiée
En tant qu’infrastructure nationale d’utilité publique (voir encadré), le SIB agit comme tiers de confiance. Nos scientifiques et ingénieur·es, spécialisés en sciences de la vie, rassemblent des données issues de nombreuses sources, sélectionnent les plus pertinentes, les documentent, les harmonisent selon les standards du domaine, avant de les rendre accessibles de manière transparente, sécurisée et responsable.
Ce travail de fond permet à l’écosystème des sciences de la vie, en Suisse comme à international, d’innover en croisant des informations auparavant fragmentées. Et pour l’IA, grande consommatrice de données, il offre un terrain d’apprentissage solide, enrichi et validé par des expert·es, et respectant la protection des individus.
Trois exemples concrets qui façonnent la médecine de demain
Avec le Swiss Personalized Health Network (SPHN), un premier cadre national a été posé pour que des données de santé de haute qualité puissent être utilisées en recherche, sans compromettre la confidentialité des patient·es. Cela a déjà permis, par exemple, de lancer une étude clinique pour améliorer le diagnostic de maladies rares chez les enfants.
Une collaboration internationale offre quant à elle une carte numérique du métabolisme humain réunissant différentes mesures biologiques. Grâce à cette base fiable, des algorithmes pourront suggérer plus vite des diagnostics et traitements pour les maladies métaboliques rares, ce qui fera gagner un temps précieux aux familles et aux équipes médicales.
Enfin, une nouvelle initiative déploit des méthodes d’IA pour harmoniser les données sur le cancer en Europe. En rendant les données comparables, le projet permet des études à grande échelle plus robustes, ouvrant ainsi le champ à la prochaine avancée majeure en oncologie.
Un enjeu stratégique pour l’économie, la politique et la société de notre pays
Au-delà de la science, l’enjeu est national. Disposer en Suisse de collections de données de référence, gérées selon nos lois et nos valeurs, renforce notre capacité à décider et à agir. Pour l’industrie, de telles ressources accélèrent le développement de diagnostics et de traitements tout en réduisant les risques ; elles attirent aussi des investissements et des talents, consolidant la place économique suisse. Pour les décideurs, elles sont un instrument de souveraineté numérique, essentiel lorsque la compétitivité nationale et la sécurité sanitaire du pays sont en jeu. Pour la société enfin, leur valeur est directe : de meilleurs soins et un système de santé plus efficient et durable.
Saisir l’opportunité d’un leadership romand
La donnée est le moteur de la santé de demain, mais encore faut-il savoir l’organiser, la fiabiliser et la valoriser. En misant collectivement sur ses acteurs nationaux spécialisés en la matière, la Suisse romande consolide sa place de hub mondial de l’innovation en santé.
Texte Christophe Dessimoz
L’infrastructure de recherche, clé de voûte de l’innovation
Une infrastructure de recherche nationale est un bien public : elle met en commun des ressources complexes – données, technologies, expertise – pour la recherche et l’innovation.
Le SIB joue ce rôle dans le domaine des sciences de la vie : il transforme des données hétérogènes en ressources fiables, interopérables et accessibles. Son financement repose sur un soutien de la Confédération, des programmes de recherche internationaux ainsi que sur des prestations destinées aux milieux académiques, industriels, hospitaliers et aux autorités de santé publique.
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