L’avocat en évolution, ou comment la profession se plie aux exigences de son temps
L’avènement de l’ère de l’intelligence artificielle et l’évolution des procédures judiciaires ont donné naissance à un métier encore plus proche de l’humain. Point de vue.

Me Mihaela Verlooven
Avocate Associée, OMNIA Avocats
Me Mihaela Verlooven, pouvez-vous présenter OMNIA Avocats ?
Notre étude est actuellement basée à Genève et à Zoug et le sera bientôt à l’étranger. OMNIA Avocats se distingue par son fort ancrage local et ses liens privilégiés avec l’Europe et les pays de l’Est, ce qui a d’ailleurs été l’un des piliers de notre rencontre et de notre projet. L’équipe est constituée d’avocats expérimentés aux profils variés qui ont travaillé dans des études genevoises, zougoises et étrangères. Nous assistons et conseillons une clientèle aussi bien nationale qu’internationale grâce aux profils des associés qui parlent couramment le russe, l’ukrainien, le serbo-croate ou encore l’anglais. Nos domaines d’activité sont variés, allant du conseil (civil, pénal et commercial), à l’administration de sociétés et de fondations, en passant par la représentation devant les tribunaux et administrations. La complémentarité des spécialisations de chacun permet une approche transversale, dynamique et complète des dossiers confiés. Il nous tient également à cœur de maintenir un contact humain et direct avec nos clients, assurant ainsi un suivi personnalisé. Ces valeurs humaines se traduisent également par un engagement des associés dans différentes causes caritatives, associations et fondations en parallèle d’OMNIA Avocats. Nos valeurs clés sont l’excellence, l’innovation et un engagement sans faille pour la défense des intérêts de nos clients.
On parle beaucoup de l’intelligence artificielle et de son impact sur le monde du travail en général. La profession d’avocat a-t-elle aussi été marquée par des changements ?
De façon générale, et contrairement à ce qui est souvent perçu par les personnes qui ne pratiquent pas ce métier, la profession d’avocat est en constante évolution. Elle suit les évolutions sociales, celles des modèles parentaux ou de la gestion des actifs, que ce soit en Europe ou au niveau mondial. Avant toute chose, il s’agit d’un métier profondément humain, ce qui explique que si la société évolue, nous évoluons obligatoirement avec elle et notre pratique se met à jour. En ce qui concerne l’intelligence artificielle, elle a en réalité permis de pérenniser les liens que nous entretenons avec nos clients puisque nous avons gagné un temps considérable dans la gestion des dossiers.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’amélioration dans ce contexte ?
Comme exemple parlant, je peux vous donner celui du temps consacré aux recherches juridiques, au travail administratif ou encore à la préparation des documents et mémoires à déposer devant les tribunaux. Avant l’arrivée de ces nouveaux logiciels d’IA, ces tâches nous prenaient au moins le double de notre temps. Ne pouvant pas faire autrement, il arrivait souvent qu’elles soient répercutées sur le temps que nous accordions à nos clients, mais aussi sur la facture finale transmise. C’est une aide précieuse qui nous a permis d’être plus rapides, mais aussi bien moins chers qu’il y a dix ans, même si nous continuons d’appliquer le tarif horaire admis par la profession et le canton.
Au-delà de l’intelligence artificielle à proprement parler, y a-t-il d’autres avancées qui ont permis une évolution de votre pratique ?
Tout d’abord, dans un contexte plus général, nos dossiers présentent beaucoup plus de questions extraterritoriales et exigent souvent des collaborations avec des confrères étrangers. Cela est dû en partie au fait que le client lambda peut aujourd’hui avoir des biens situés dans d’autres pays, une double nationalité ou encore être expatrié en Suisse. Les outils informatiques et d’intelligence artificielle nous aident à pouvoir communiquer plus efficacement en dépit de la barrière linguistique et à cerner les pratiques et les différences juridiques afin de maximiser notre intervention, ceci peu importe la langue parlée, même si l’anglais reste la norme. Ensuite, les données open source (c’est-à-dire accessibles à tout le monde) proposées par certains pays sont également une mine d’informations sans précédent qui nous permet de retrouver des informations utiles aux dossiers et à nos clients, sans devoir passer par des procédures administratives longues et parfois coûteuses ou devoir mandater un expert ou détective privé sur place pour effectuer ce travail. Finalement, ainsi que je le mentionnais précédemment, la Suisse s’adapte à l’air du temps – probablement vestige également de la crise du Covid-19 – et c’est l’apparition des projets cantonaux permettant aux autorités de mener des audiences à distance qui marquent les années 2024-2025. À Genève, par exemple, le Tribunal de première instance teste des dispositifs spéciaux avec l’objectif d’offrir aux parties la possibilité de mener des audiences, même en l’absence physique de l’une d’elles ou d’un témoin. Cela facilitera grandement l’apport de la preuve et potentiellement améliorera la résolution amiable des litiges, tout comme cela préservera la rapidité dans le traitement des dossiers. De plus, ces nouvelles technologies faciliteront l’accès à la justice pour les personnes vulnérables, à mobilité réduite ou les seniors.
Puisque vous mentionnez les processus menant à conclure des accords, il est vrai que c’est un sujet qui revient régulièrement dans les journaux ou revues spécialisées. Avez-vous remarqué un changement de votre pratique dans ce contexte ?
La pratique actuelle est absolument centrée sur une résolution amiable des litiges. Entre les formations complémentaires et les outils mis à disposition par les tribunaux de certains cantons, il nous est difficile d’éluder cette vision. Nos clients sont par ailleurs bien conscients de cela et nous consultent régulièrement avec la demande claire d’obtenir un accord avec leur conjoint, employeur, etc. Les avocats sont sollicités pour participer à des séminaires de formation dispensés par les différents Ordres cantonaux autour de la médiation, du droit collaboratif ou de la négociation. À l’École d’avocature, à Genève, la négociation et la médiation sont des modules à part entière au travers desquels tout futur avocat doit passer pour obtenir son diplôme. C’est donc même avant de passer le brevet que nous sommes sensibilisés à cette approche. La Fédération Suisse des Avocats a également mis en place une formation approfondie en médiation et une association d’avocats romands a vu le jour dans le canton de Vaud pour promouvoir les formations en droit collaboratif. C’est donc tout un mode de pensée différent qui a émergé depuis quelques années.
Quelle vision à long terme avez-vous pour la profession en Suisse romande ?
La vision du futur offrira une synthèse des sujets qui ont été abordés aujourd’hui. En plus de l’évolution de la pratique vers une approche au plus près du client et de ses besoins, je pense aussi que l’IA et toutes les nouvelles technologies offriront à nos clients, mais aussi à nous-mêmes, une latitude dans la prise en charge des dossiers qui n’existait pas jusqu’à présent. C’est alors la personnalité et le style de chaque avocat qui pourront s’émanciper en lieu et place d’heures perdues à effectuer un travail administratif et juridique, souvent rébarbatif.
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