Interview par Alix Senault

Professeur Fabrice Barlesi : « L’innovation est notre meilleur allié contre le cancer »

Le directeur général de Gustave Roussy nous explique comment engagement et innovation guident la recherche contre le cancer.

Directeur général de Gustave Roussy, premier centre européen de lutte contre le cancer, le professeur Fabrice Barlesi consacre sa carrière à la recherche, au développement de nouvelles thérapies et à l’amélioration de la prise en charge des patients. Pionnier de la médecine de précision et expert reconnu de l’immunologie des cancers, l’institut qu’il dirige porte des projets d’envergure comme PRISM (Centre National de Médecine de Précision) et Interception. Rencontre avec un médecin engagé, passionné et résolument tourné vers l’avenir.

Professeur Fabrice Barlesi

Professeur Barlesi, pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a mené jusqu’à la direction de Gustave Roussy ?

Mon parcours est assez classique : je suis venu à la médecine par vocation, avec le désir profond d’aider les patients. Je me suis naturellement orienté vers l’oncologie, une discipline qui incarne pour moi la quintessence de la médecine : alliance de la recherche et du service de l’humain.

J’ai créé et dirigé le service d’oncologie multidisciplinaire et d’innovations thérapeutiques de l’hôpital Nord à Marseille, puis le centre d’essais précoces en cancérologie à la Timone, avant de rejoindre Gustave Roussy en 2020. Ce qui m’a toujours guidé, c’est la conviction que les progrès scientifiques et la qualité de la prise en charge doivent avancer ensemble pour mieux prévenir, traiter et, à terme, guérir.

Quels sont les grands enjeux et priorités de Gustave Roussy pour les prochaines années ?

Nous nous appuyons sur trois piliers principaux : la prévention personnalisée et le diagnostic rapide. Avec un programme comme Instadiag, qui propose un diagnostic express, nous voulons diminuer les délais pour traiter plus tôt les cancers pour augmenter les chances de guérison.

Nous cherchons également à améliorer les parcours de soins sur mesure en investissant dans les technologies les plus avancées : robots chirurgicaux, radiothérapie de haute précision, systèmes comme le ZAP-X pour traiter les lésions cérébrales, et intégration de l’IA dans la prise en charge.

Et bien-sûr accélérer la recherche et l’innovation. Nous allons doubler nos équipes de recherche d’ici 2030, passant à 60 unités. Un nouveau centre de recherche et d’innovation ouvrira bientôt ses portes, et nous recrutons 20 nouveaux talents (médecins ou chercheurs) de très haut niveau sur dix ans.

Notre ambition est claire : rendre les traitements innovants accessibles à tous, former les talents de demain et renforcer notre rayonnement international, avec déjà des antennes en Égypte et prochainement au Koweït et en Europe de l’Est, notamment.

Quelle est votre vision pour l’avenir de la prise en charge des patients ?

Je suis résolument optimiste. Les progrès sont considérables, mais il reste encore beaucoup à faire. Notre objectif est double : assurer l’équité d’accès aux soins partout en France et réduire la complexité des suivis grâce à la digitalisation des données médicales.

Nous travaillons sur les biopsies liquides, une technique qui pourrait permettre un dépistage non invasif et un suivi plus simple. En parallèle, nous développons l’IA pour redonner du temps aux soignants en effectuant des tâches automatisables pour améliorer le temps disponible pour renforcer la relation avec les patients.

Pouvez-vous nous présenter le programme Interception ?

Interception est l’un de nos projets les plus stratégiques. Son objectif est d’identifier les personnes à risque accru de cancer grâce à un algorithme qui croise données génétiques, biologiques et les facteurs familiaux et environnementaux. Une fois les patients identifiés, nous leur proposons des programmes personnalisés : dépistage renforcé, mesures de prévention, voire traitements précoces. En 2024, pour les seuls patients à risque de cancer du poumon, 600 personnes ont participé au programme dédié, avec un taux de détection des cancers précoces de 1,7 %. C’est une véritable révolution dans la manière de penser la prévention.

Quelles sont les avancées les plus marquantes dans la recherche aujourd’hui ?

La recherche progresse à une vitesse impressionnante. Nous investissons massivement pour doubler nos équipes de recherche et créer des synergies entre disciplines. Nous développons activement la médecine de précision grâce au séquençage de nouvelle génération, qui nous permet d’analyser les tumeurs cellule par cellule et d’adapter les traitements au profil moléculaire de chaque patient. Nous travaillons sur l’exploration des thérapies cellulaires et de l’immunothérapie, des pistes prometteuses pour traiter les cancers les plus complexes. Il nous faut continuer d’avancer sur les vaccins thérapeutiques et les traitements innovants, y compris contre les cancers pédiatriques. Notre budget recherche s’élève actuellement à 140 millions d’euros. Il est augmenté significativement chaque année.

Notre conviction, c’est que l’innovation scientifique, alliée à la puissance des nouvelles technologies, ouvre des perspectives inédites dans la lutte contre le cancer.

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09.10.2025
par Alix Senault
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