Le groupe Saint-Gobain peut retracer ses origines jusqu’à l’époque de Louis XIV. Cette année, l’entreprise, aujourd’hui leader mondial du secteur de la construction légère durable, fête son 360e anniversaire. Une occasion idéale pour Focus de s’entretenir avec Patrick Maier, CEO de Saint-Gobain Suisse, au sujet de l’avenir de la construction et de l’habitat de demain.
Monsieur Patrick Maier, à l’occasion du 360e anniversaire du groupe Saint-Gobain, commençons par une question historique : quel est le lien entre Saint-Gobain et Louis XIV ?
Le célèbre Roi-Soleil voulait orner son palais de grands miroirs afin de pouvoir s’y admirer. Mais, à l’époque, l’industrie française ne disposait pas du savoir-faire nécessaire pour réaliser ce souhait. Cette demande royale a jeté les bases de Saint-Gobain : on fit venir des maîtres verriers de Murano en France et, grâce à leur expertise, il fut possible de répondre à la demande du monarque. Plus de trois siècles plus tard, le verre reste profondément ancré dans l’ADN de Saint-Gobain.
Aujourd’hui, le groupe incarne une approche responsable de la construction et de l’habitat. Qu’est-ce qui compte le plus pour vous dans votre espace de vie personnel ?
Pour moi, bien habiter signifie retrouver ce sentiment de « rentrer chez soi ». C’est une sensation de bien-être qui naît de l’interaction de plusieurs facteurs comme la lumière, le climat intérieur ou encore l’acoustique. J’accorde également beaucoup d’importance à la possibilité de reconfigurer mon espace selon mes envies. Cette flexibilité et cette individualité sont des aspects qui me passionnent.
Saint-Gobain est leader mondial dans le domaine du bâtiment durable et de la construction légère, y compris en Suisse. Comment vos produits et votre expertise se traduisent-ils concrètement ?
La durabilité est indissociable de la construction légère, l’une de nos principales compétences. Environ 50 % de l’empreinte carbone d’un bâtiment provient de son énergie grise : c’est-à-dire la masse des matériaux utilisés, ainsi que l’énergie nécessaire à la production, à la construction et à la déconstruction. L’autre moitié est liée à son exploitation. La logique est simple : plus nous réduisons la masse des matériaux, notamment le ciment, plus nous diminuons l’énergie grise et donc les émissions de CO2.
En tant que leader international, nous proposons une approche intégrée, du sol au toit : solutions d’isolation thermique avec Isover, aménagement intérieur avec Rigips, systèmes de façades avec Weber, et innovations verrières avec Vetrotech et SageGlass.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux et tendances dans la construction et l’habitat ?
La durabilité et l’économie circulaire sont les deux grands axes qui transforment en profondeur notre secteur. Cela impacte à la fois notre production et nos processus de conception. Par exemple, nous travaillons à développer pour chaque produit une déclaration environnementale détaillant son impact écologique, comparable à un Nutri-Score, mais appliqué au secteur du bâtiment.
Un exemple concret de nos efforts en matière de circularité se trouve dans notre site de Granges (VD) : notre carrière sert également de centre de recyclage. Nous y collectons du plâtre usagé, le retraitons et le réintégrons dans notre production de Rigips.
Comment ces enjeux se reflètent-ils dans vos innovations ?
L’eau est devenue un axe stratégique grâce à une initiative interne chez Saint-Gobain Weber : nous avons mis au point un système permettant de récupérer la vapeur d’eau produite, de la refroidir et de la réutiliser.
La durabilité est souvent associée aux façades et à l’isolation. Comment innovez-vous dans ces domaines ?
La plupart des bâtiments traditionnels utilisent des facades compactes avec une couche isolante en mousse. Or, ces mousses sont souvent issues du pétrol : les composants ne peuvent pas être séparés.
Nous avons donc développé un système suisse innovant basé sur la laine de verre, composée à 80 % de verre recyclé. Ce système est conçu pour être facilement démontable, afin de faciliter le tri et le recyclage des matériaux. Sachant qu’en Suisse, près d’un million de bâtiments nécessitent une rénovation, l’amélioration de l’isolation pourrait permettre de réduire fortement la pénurie d’électricité hivernale. C’est l’un de nos grands objectifs.
Quelle est votre vision pour Saint-Gobain d’ici cinq à dix ans ?
Notre credo est : « Making the world a better home ». C’est une mission continue. Avec 2000 collaborateurs en Suisse et 170 000 dans le monde, nous voulons apporter une contribution significative à l’amélioration de la qualité de l’habitat. Nous opérons cinq centres de recherche mondiaux, où nous menons également des travaux de recherche fondamentale. En Suisse, notre priorité est d’accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier afin de favoriser l’accès à des logements plus abordables. La digitalisation et l’IA sont omniprésentes dans toutes les industries.
Qu’en est-il dans votre secteur ?
La modélisation numérique occupe une place centrale, notamment grâce au Building Information Modeling (BIM). Ce procédé permet de connaître précisément les matériaux intégrés à un bâtiment, même 50 ans plus tard, ce qui favorise le recyclage et la gestion des ressources. Le concept de jumeau numérique devient incontournable dans ce cadre.
Nous explorons également l’usage de l’IA : sur le site internet du groupe Sanitas Troesch, par exemple, les clients peuvent concevoir virtuellement leur salle de bains idéale grâce à un outil d’inspiration basé sur l’IA.
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée touche de nombreux secteurs. Comment la vivez-vous ?
Les produits deviennent plus complexes, tandis que les compétences disponibles sur les chantiers diminuent. Nous devons donc nous rapprocher des installateurs et simplifier nos solutions pour réduire le risque d’erreurs. C’est pourquoi nous investissons massivement dans la préfabrication et les systèmes modulaires, afin de transférer une partie de la complexité de la construction vers l’usine. Cette approche accroît l’efficacité et la productivité, par exemple dans la construction scolaire.
Saint-Gobain Suisse emploie 2000 personnes et forme 100 apprentis dans une grande diversité de métiers, contribuant ainsi à préparer les talents de demain.
Pour finir, quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui se lance dans un projet de construction ou de rénovation ?
Je lui dirais de bien choisir ses partenaires et de ne pas se limiter au coût immédiat. Il faut penser en termes de coût global sur le cycle de vie du bâtiment. Je recommande de comparer plusieurs offres, de demander des retours d’expérience et de s’entourer de professionnels de confiance.
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