Victime de violences conjugales : quelles démarches entreprendre ?
Si vous êtes victime de violences conjugales au sein de votre couple, qu’il y a de la violence, physique ou psychique dans votre famille, que vous avez fait l’objet de menaces, d’insultes ou encore que l’on vous prive de votre liberté, cet article retrace la démarche à suivre à travers sept questions posées à Magali Buser, avocate spécialisée en droit pénal.
Que désigne le terme « violences conjugales » ?
Le Code pénal suisse n’a pas un article spécifique qui réprime les « violences conjugales », c’est pourquoi il faudra qualifier les actes au cas par cas en fonction de ce que vous avez subi. Vous pouvez avoir été victime de lésions physiques qui peuvent aller des voies de fait (pas de trace sur le corps ou seulement durant une très courte période) aux lésions graves, voire conduire au décès de la personne. Vous avez aussi pu subir des violences verbales, souvent qualifiées d’injures ou de menaces. Ensuite, il y a les infractions où la victime est privée de sa liberté, comme la contrainte ou la séquestration. On retrouve également le harcèlement téléphonique. Enfin, il y a évidemment toutes les infractions contre l’intégrité sexuelle qui peuvent aller d’attouchements non consentis au viol.
Pour chaque type de cas, il faudra agir en fonction de ce qui est dénoncé, mais il y a des points communs dans chaque procédure. Celle-ci sera en général assez lourde à porter et souvent de longue durée. Il faut donc commencer par un dépôt de plainte clair et précis.
Le dépôt de plainte : quand le faire et auprès de qui ?
En règle générale, une plainte doit être déposée dans les trois mois depuis l’infraction. Toutes les infractions ne nécessitent pas un dépôt de plainte. Si l’infraction est grave (comme par exemple des lésions corporelles graves, les infractions sexuelles ou encore la contrainte), le Ministère public devra poursuivre les faits d’office. Mais encore faut-il qu’il sache que vous avez été victime de tels actes, c’est pourquoi déposer plainte permet de dénoncer la situation.
Par ailleurs, et c’est important, notre législateur a également voulu protéger les victimes de violences conjugales qui font ménage commun avec leur agresseur. En effet, si l’agresseur est la personne avec qui vous vivez, votre partenaire enregistré ou votre mari/épouse, le simple fait de dénoncer les actes de violences dont vous faites l’objet suffira pour ouvrir une enquête pénale. Cela ne vaut par contre pas pour les insultes et le harcèlement téléphonique.
Pour le dépôt de plainte en tant que tel, deux options s’offrent à vous :
Vous pouvez aller directement au poste de police pour déposer plainte. Dans ce cas, il faudra faire attention à ce que la police note dans le procès-verbal et bien relire votre déposition à la fin, car vous ne recevrez pas de copie. Il faudra également être attentif aux dernières questions qui vous seront posées en fin d’audition ou au début selon le canton où vous êtes. Les questions abordées ici sont :
- Est-ce que vous souhaitez que l’auteur soit poursuivi ? Il faut répondre OUI, sinon il ne s’agit pas d’un dépôt de plainte mais d’une dénonciation, vous n’aurez par la suite pas la qualité de partie plaignante.
- Est-ce que vous souhaitez que l’auteur soit condamné à vous verser une indemnité ? Il faut répondre OUI, faute de quoi, vous ne pourrez pas réclamer d’indemnité, même pour d’éventuels frais que vous aurez subis – frais médicaux, avocat, frais de justice, dommage matériel, etc. – dans le cadre de la procédure pénale à venir.
- Est-ce que vous renoncez d’ores et déjà à être présent ou à être convoqué ? Ici, vous pouvez répondre ce que vous souhaitez, ceci n’a pas d’influence directe sur la suite.
L’avantage de se rendre au poste de police est l’immédiateté de la démarche. En général, si la police est intervenue sur les lieux où il y a eu des violences, il faut immédiatement se confier à la police et déposer plainte. Cela aura le mérite que la police pourra faire son travail et « freiner » votre agresseur (par le prononcé d’une mesure d’éloignement du logement commun pour quelques jours, maintien en détention pour quelques heures, etc.).
La deuxième option est de rédiger vous-même une plainte que vous adresserez au Ministère public compétent de votre région. Dans ce cas-là, je conseille de vous adresser à une personne professionnelle du domaine, comme un avocat. Il y a en effet des choses à mettre en avant et une manière de rédiger qui aide pour la suite de la procédure.
Cette solution devrait être choisie s’il n’y a pas eu d’intervention de police, que pour une raison ou une autre, vous décidez de parler mais que les actes remontent à un certain temps, ou tout simplement parce que vous avez des difficultés à parler de ce qui vous arrive et que vous avez besoin d’aide pour synthétiser les faits dont vous avez été victime. L’avantage est que vous gardez une copie de votre plainte que vous pourrez relire avant l’audience de confrontation.
Comment fonctionnent les preuves et pourquoi sont-elles importantes ?
Souvent, c’est là qu’une procédure devient compliquée, car dans beaucoup de cas, votre agresseur niera ce que vous avez raconté. D’où l’importance des preuves que vous pourrez, vous, en tant que victime, apporter pour démontrer que vous dites la vérité.
Cela peut vous apparaître choquant, mais il n’appartient pas à celui que vous dénoncez de démontrer son innocence, mais bien à la partie plaignante de démontrer que la personne que vous dénoncez est coupable des actes que vous lui prêtez.
Les preuves à apporter sont multiples. Il s’agit tout d’abord de vos déclarations (votre plainte dans un premier temps et vos déclarations futures). Mais en cas de « parole contre parole », il serait utile d’avoir d’autres éléments de preuves. C’est pourquoi il faut toujours garder une trace de ce que vous avez subi, même si vous n’êtes pas encore prêts à entreprendre les démarches pour dénoncer. Il serait donc important de vous rendre chez un médecin pour faire constater les lésions, chez un psychologue/psychiatre pour parler de votre situation, prendre des photographies des lésions subies ou des lieux saccagés (objets cassés car lancés sur vous, etc.). Il peut également s’agir du témoignage de personnes de votre entourage à qui vous vous êtes confiés ou qui ont pu voir les séquelles que vous avez eues. Pour des infractions relevant de l’intégrité sexuelle, si l’infraction vient d’avoir lieu, il faut immédiatement vous rendre à l’hôpital le plus proche pour faire établir un certificat médical.
Qui peut vous accompagner lors d’un dépôt de plainte et à quoi cela sert-il ?
Il faut savoir qu’en tant que victime / lésé, vous pouvez vous faire accompagner par une personne de confiance pour déposer plainte. Il est préférable que la personne de confiance ne soit pas un éventuel témoin futur dans la procédure, car cela pourrait diminuer sa crédibilité par la suite.
Vous pouvez également vous faire accompagner de votre avocat, avec qui vous aurez préparé votre audition. Il pourra vous aiguiller sur la manière de répondre aux questions qui vous seront posées, et vérifier que la police note bien tout ce que vous avez dit ou en tout cas l’essentiel, que le procès-verbal soit ensuite relu et éventuellement corrigé, mais surtout, comme vous ne recevrez pas de copie de votre plainte, que des notes soient prises sur ce que vous avez expliqué.
Le dépôt de plainte auprès de la police est essentiel pour la suite de la procédure judiciaire car c’est la première fois que vous serez entendu. Plus vos dires seront précis et étayés, plus les chances que la procédure judiciaire aboutisse seront grandes.
Comment se protéger légalement d’un partenaire violent ?
Si vous faites ménage commun, il y aura évidemment un volet civil à entreprendre. Il s’agira d’entamer, devant le Tribunal, une procédure en mesures protectrices de l’union conjugale qui traite de la séparation, de l’attribution du logement, de la garde des enfants et des pensions alimentaires, si vous êtes liés par un mariage ou un partenariat enregistré. Si vous faites juste ménage commun, la procédure de séparation pourra également être entreprise, mais s’intitulera autrement.
Il existe également des mesures administratives qui peuvent être prises immédiatement par la police, telles qu’une « mesure d’éloignement » interdisant à votre agresseur de rentrer au domicile commun. Il est possible de la demander au moment du dépôt de plainte.
Auprès de qui trouver de l’aide ?
Vous pouvez prendre conseil auprès d’un avocat qui pourra vous accompagner dans vos démarches. Il est possible de demander l’assistance judiciaire, si vos moyens financiers sont limités.
Vous pouvez également vous rendre auprès du Centre LAVI de votre canton, qui pourra vous aider en cas de crise aiguë pour un logement d’urgence.
Quelle est la suite de la procédure ?
Après le dépôt de plainte, vient l’audience de confrontation. Il faudra répéter, devant le Ministère public, la même chose que ce que vous avez dit lors de votre plainte. Souvent, votre audition sera plus détaillée et, si votre agresseur a un avocat, ce dernier pourra également vous poser des questions. Il y aura ensuite des audiences pour entendre les témoins ou d’autres personnes dans la procédure. Enfin, la procédure se terminera par une ordonnance pénale ou un renvoi en jugement. Une procédure pénale ou civile peut prendre plusieurs années.
Comme vous le constaterez, souvent, les victimes / lésés seront démunis au départ, puis épuisés par la suite. C’est là que le rôle de l’avocat choisi pourra faire la différence et que votre entourage sera déterminant pour vous aider à surmonter les difficultés qui se présenteront à vous.
En cas de questions complémentaires ou d’aide pour votre problème particulier, l’Etude Etter & Buser (Bd Saint-Georges, 1205 Genève ; tél. 022 329 87 77) a l’expérience pour vous soutenir dans vos différentes démarches.
Les centres qui pourraient vous aider dans les différents cantons romands :
- Genève : Association Centre Genevois de Consultation pour Victimes d’Infractions (LAVI),
72, bd Saint-Georges, 1205 Genève Tél. 022 320 01 02 - Vaud : Centres LAVI du Canton de Vaud ;
à Lausanne : Rue du Grand-Pont 2bis, 1003 Lausanne. Tél. 021 631 03 00
à Nyon : Route de l’Étraz 20A, 1260 Nyon Tél. 021 631 03 02
à Aigle : Rue du Molage 36, 1860 Aigle Tél. 021 631 03 04
à Yverdon-les-Bains : Rue de la Plaine 2, 1400 Yverdon-les-Bains Tél. 021 361 03 08
à Vevey : Av. du Général-Guisan 30, 1800 Vevey Tél. 021 631 03 06. - Valais : Centre de consultation LAVI Valais Romand, rue des Vergers 1, 1950 Sion Tél. 027 607 31 00
- Neuchâtel : SAVI (Service d’aide aux victimes) Centre LAVI & Solidarité femmes, Rue des Poudrières 135, 2000 Neuchâtel Tél. 032 889 66 49
ou Rue Daniel-Jeanrichard 43, 2300 La Chaux-de-Fonds Tél. 032 889 66 49 - Jura : LAVI centre de consultation, Quai de la Sorne 22, 2800 Delémont Tél. 032 420 81 00
- Berne : www.opferhilfe-bern.ch
Appel à la police en cas d’urgence : 117
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