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Droit

Droit des affaires et fiscalité en Suisse : mutations et pressions internationales

28.09.2025
par SMA

La Suisse, réputée pour sa stabilité juridique et son attractivité économique, est au cœur d’une profonde mutation fiscale. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) en 2020, les régimes fiscaux privilégiés pour les sociétés à statut cantonal (holding, domicile, auxiliaire) ont été supprimés. Ces statuts spéciaux, jugés incompatibles avec les règles de l’OCDE et de l’Union européenne, faisaient de la Suisse un havre pour de nombreuses multinationales. En contrepartie, les cantons ont abaissé de manière significative les taux d’imposition sur les bénéfices, instaurant une fiscalité plus uniforme et transparente.

Aujourd’hui, le taux effectif d’imposition des sociétés varie selon les cantons entre 12 et 21 %. Genève s’est fixé à environ 14 %, Vaud à 13,8 %, Zurich à 19 %. Cette harmonisation vise à garantir la compétitivité internationale tout en assurant des recettes fiscales suffisantes pour les collectivités publiques. Les entreprises disposent d’outils supplémentaires d’optimisation, comme la « patent box » (imposition réduite des revenus de la propriété intellectuelle) ou la déduction supplémentaire pour la recherche et développement.

Les défis à venir : OCDE et fiscalité minimum

La Suisse doit cependant composer avec les pressions internationales. Le projet de l’OCDE sur l’imposition minimale des entreprises à 15 % (Pilier 2) entre progressivement en vigueur. Pour un pays qui mise sur une fiscalité compétitive pour attirer les investissements, cette norme mondiale change la donne. Le Conseil fédéral a prévu une imposition complémentaire afin que les grandes multinationales basées en Suisse ne paient pas moins que ce seuil de 15 %. La votation populaire de 2023 a validé l’introduction de cette taxe minimale, applicable dès 2024.

Les conséquences pratiques sont doubles : d’un côté, la Suisse perd une partie de son avantage comparatif ; de l’autre, elle conserve sa crédibilité internationale et évite d’être accusée de dumping fiscal. Pour rester attractive, elle mise sur d’autres facteurs : qualité des infrastructures, main-d’œuvre qualifiée, accords de libre-échange et stabilité politique.

Droit des affaires une digitalisation accrue

Parallèlement, le droit des affaires évolue. La révision du Code des obligations en matière de droit de la société anonyme, entrée en vigueur en 2023, renforce les obligations de transparence et la protection des actionnaires minoritaires. Elle introduit davantage de souplesse dans la gestion du capital (par exemple, le capital autorisé et le capital conditionnel) tout en imposant de nouvelles règles sur la représentation équilibrée des sexes au sein des conseils d’administration des grandes sociétés cotées.

La digitalisation du droit des sociétés constitue également une avancée majeure : la possibilité de tenir des assemblées générales virtuelles, de gérer la documentation via des registres électroniques ou d’authentifier certains actes à distance facilite la vie des entreprises tout en posant de nouveaux enjeux de cybersécurité et de conformité.

L’impact des politiques protectionnistes américaines

À ces défis internes s’ajoutent des pressions externes, notamment liées aux politiques commerciales américaines. La réintroduction par Donald Trump, lors de son second mandat, de taxes douanières ciblées bouleverse l’équilibre du commerce international. Ces mesures visent principalement les produits européens et chinois, mais la Suisse, intégrée aux chaînes de valeur mondiales, en ressent aussi les effets.

Les droits de douane frappant l’acier, l’aluminium, certains produits de luxe et pharmaceutiques, renchérissent le coût des exportations helvétiques vers les États-Unis. Or, ce marché est l’un des plus importants pour la Suisse, notamment pour les secteurs de la chimie, de la pharma et des machines de précision. Selon economiesuisse, près de 10 % des exportations suisses sont destinées aux États-Unis. Une taxe de 10 ou 20 % peut donc représenter une perte de compétitivité significative, difficile à compenser uniquement par la qualité.

Des conséquences pour les entreprises suisses

Pour les grandes multinationales, l’effet direct est souvent amorti par leur présence locale : nombre d’entre elles possèdent déjà des filiales de production aux États-Unis, réduisant l’impact des droits de douane. Mais pour les PME exportatrices, les hausses de coûts sont immédiates. Certaines doivent répercuter ces surcoûts sur les prix, au risque de perdre des parts de marché ; d’autres absorbent une partie de la marge, au détriment de leur rentabilité.

Ces mesures protectionnistes fragilisent aussi les accords commerciaux bilatéraux. La Suisse, non membre de l’Union européenne mais étroitement liée à celle-ci, subit les effets collatéraux des tensions entre Washington et Bruxelles. Une accentuation de ces tensions pourrait obliger Berne à renforcer sa diplomatie économique, en cherchant de nouveaux partenaires ou en consolidant ses accords de libre-échange avec l’Asie et l’Amérique latine.

Entre stabilité interne et incertitudes mondiales

Ainsi, le droit des affaires et la fiscalité en Suisse évoluent dans un double mouvement. À l’interne, le pays renforce sa transparence, harmonise son système fiscal et investit dans des réformes structurelles pour conserver son attractivité. À l’externe, il doit composer avec une mondialisation marquée par le retour des barrières douanières, l’instabilité géopolitique et la concurrence fiscale accrue.

La fiscalité des entreprises, loin d’être un simple outil de financement des dépenses publiques, devient un instrument stratégique de compétitivité. Quant aux droits de douane américains, ils rappellent que le commerce international peut basculer rapidement sous l’effet de décisions politiques unilatérales.

Pour les entreprises suisses, le défi consiste à rester agiles : investir dans l’innovation, diversifier les marchés, optimiser la structure juridique et fiscale. Le droit des affaires et le droit fiscal ne sont plus de simples cadres, mais des leviers de résilience et de croissance.

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