une main robotisée tenant un marteau numérique, symbolisant l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine judiciaire afin de garantir la transparence des décisions rendues par un juge piloté par l'ia.
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Éditoriaux Droit

L’intelligence artificielle bouscule le droit. Sommes-nous prêts ?

28.09.2025
par SMA
Me Xavier Diserens,Avocat FSA & OAV Burysek & Diserens CAS droit et intelligence artificielle CAS droit du sport

Me Xavier Diserens
Avocat FSA & OAV Burysek & Diserens CAS droit et intelligence artificielle CAS droit du sport

Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’invite dans nos vies quotidiennes, c’est tout l’écosystème juridique qui vacille. Avocat suisse depuis deux décennies, je suis témoin et acteur de cette métamorphose profonde, parfois enthousiasmante, souvent déconcertante. Ce bouleversement ne se limite pas à la technique : il touche aux fondements mêmes du droit.

Derrière les promesses d’efficacité accrue, de justice augmentée ou de gain de temps, se dessine un paysage à double tranchant. L’automatisation des tâches répétitives, l’analyse massive de jurisprudence, la rédaction assistée de contrats ou de recours ne sont plus de la science-fiction. Pour les professions juridiques, ces outils sont déjà des réalités. Mais l’adoption ne va pas sans prudence : l’IA ne raisonne pas, elle calcule. Elle ne comprend pas, elle corrèle. Le juriste ne peut se dessaisir de son rôle critique.

Les enjeux éthiques, juridiques et sociétaux sont multiples. Comment garantir la protection des données personnelles dans des systèmes apprenants qui consomment des masses d’informations sensibles ? Comment préserver les principes de transparence, de proportionnalité et de sécurité, consacrés par la nouvelle Loi sur la protection des données (LPD) ? Comment éviter les biais algorithmiques, qui peuvent être discriminants, et assurer la conformité avec la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) ?

Sur le plan international, l’Union européenne a répondu par une réglementation ambitieuse : le Règlement sur l’intelligence artificielle (IA Act). Ce texte institue une classification des systèmes d’IA selon leur niveau de risque et prévoit des obligations contraignantes pour les fournisseurs. La Suisse, elle, adopte une posture d’attente et d’observation. Mais cette neutralité stratégique n’est pas sans conséquences : nos standards juridiques devront être adaptés pour rester compatibles avec nos partenaires économiques.

Un autre défi majeur réside dans la responsabilité juridique en cas de dommages causés par ou via une intelligence artificielle. Qui répond lorsqu’un système de diagnostic médical assisté se trompe, ou lorsqu’un outil d’aide à la décision rend un jugement biaisé ? Le fabricant, le développeur, l’utilisateur, ou le client lui-même ? Ce flou normatif, appelé à s’éclaircir, soulève la question d’une responsabilité partagée et d’une gouvernance éthique à la hauteur des enjeux. Le droit des obligations, le droit de la responsabilité civile et même le droit pénal devront évoluer pour intégrer ces nouvelles configurations.

La régulation ne peut toutefois être la seule réponse. Il nous faut repenser la formation juridique : apprendre à travailler avec l’IA, comprendre ses logiques internes, en maîtriser les limites et les potentialités. L’avocat de demain sera tout autant juriste que stratège numérique. Il ne s’agit pas de prédire la disparition des métiers du droit, mais de préparer leur évolution.

En tant que professionnel du droit, j’ai choisi d’approfondir ces thématiques au sein d’une formation pionnière, universitaire et spécialisée en droit et intelligence artificielle, qui m’a permis d’acquérir des compétences concrètes et adaptées à la réalité technologique. Le savoir juridique ne peut plus faire l’économie d’une littératie technologique.

Car si l’intelligence artificielle peut renforcer l’état de droit, elle peut aussi le fragiliser.

L’arbitrage automatisé, les agents conversationnels juridiques, la notation sociale implicite, la surveillance algorithmique : autant d’usages qui exigent un cadre clair, un contrôle rigoureux, une responsabilité bien définie.

Le débat est déjà lancé. Le droit ne doit pas le subir, mais y prendre part. Il lui revient de poser les balises, d’interroger les finalités, de rappeler les principes. Le rôle de l’avocat, plus que jamais, est de servir de médiateur entre la technologie et la justice.

Bienvenue dans une ère où le droit ne peut plus se penser sans l’IA. Encore faut-il qu’il reste humain…

Texte Me Xavier Diserens, Avocat FSA & OAV Burysek & Diserens CAS droit et intelligence artificielle CAS droit du sport

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