a preschool teacher is playing with an arch rainbow tunnel on the floor with a preschool girl. they are both wearing a face mask during the coronavirus pandemic to prevent the spread of germs.
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Famille

Accueil de l’enfance : alerte sur une urgence silencieuse

01.07.2025
par SMA

À l’heure où la pénurie de places d’accueil et de personnel qualifié inquiète, le débat sur la qualité dans les structures de l’enfance se fait vif.

Créer des places d’accueil pour les jeunes enfants est aujourd’hui une priorité reconnue par le Conseil d’État et portée par le Service cantonal de l’accueil de jour des enfants (SCAJE). Mais cette course à la quantité ne doit pas se faire sur l’autel de la qualité, tout aussi importante. Car un accueil de jour médiocre ne se contente pas d’être inefficace, il peut devenir dangereux, à la fois pour l’enfant et pour les professionnel·le·s qui en ont la charge. « Nous devons cesser de croire qu’il suffit d’ouvrir des places pour répondre aux besoins des familles », déclare Gilles Lugrin, directeur de l’ESEDE, l’École supérieure en éducation de l’enfance. « Les vraies questions seraient plutôt : dans quelles conditions ces enfants sont-ils accueillis ? Que leur offre-t-on en termes de relations humaines, de sécurité affective, de stimulation ? Quelles conditions offre-t-on aux professionnel.le.s pour les maintenir dans la profession ? » Car derrière les chiffres, il y a des enfants ; et ils méritent mieux que des compromis au rabais. » Si les discours officiels évoquent souvent l’importance de l’accueil de l’enfance, ils sonnent parfois creux, et rares sont ceux qui s’attardent vraiment sur ce que cela signifie concrètement. Pourtant, les premières années de vie sont déterminantes : c’est là que se tissent les fondations de la sécurité intérieure, de l’estime de soi ou encore de la capacité à entrer en relation avec autrui. En bref, l’art de se préparer à devenir un citoyen de demain. 

Une qualité en berne pour des risques bien réels

Les recherches académiques dans le domaine sont formelles : quand la qualité est au rendez-vous, l’accueil collectif génère des effets bénéfiques durables comme l’intégration sociale, le bien-être psychique, la réussite scolaire ou encore la réduction des inégalités. Mais lorsque cette qualité fait défaut, des risques sont présents : instabilité relationnelle, maltraitances ordinaires ou encore stress chronique chez l’enfant mais aussi pour les équipes. « Le danger serait la normalisation de conditions d’accueil dégradées par les contraintes », prévient Fabienne Pellegrini, responsable de la filière EDE. « Ce qui devrait être un lieu d’éveil et de socialisation peut alors devenir une machine à gérer des plannings, des absences, des urgences et ce sont les enfants qui paient l’addition. » 

« La qualité n’est pas un luxe, c’est une nécessité »

Le Forum 2025 qui aura lieu les 6 et 7 octobre prochains à Morges, ambitionne de replacer la qualité au centre des débats. Pas une qualité abstraite ou théorique, mais une qualité vivante, incarnée dans les pratiques quotidiennes. « Nous voulons entendre la voix des professionnel·le·s, des résistances discrètes mais tenaces qu’ils et elles opposent à ces injonctions parfois difficiles à comprendre », explique Marianne Boccard, responsable de la formation pratique. « Ce sont ces poches d’utopies concrètes qui font évoluer le système. Elles méritent d’être reconnues, partagées et consolidées. » Car au-delà de la technique ou des protocoles, ce qui fait la qualité d’un accueil, ce sont les femmes et les hommes qui l’incarnent. Or, le métier souffre : salaires insuffisants, pénurie de personnel, peu de reconnaissance… Résultat : un turnover inquiétant, des équipes sous pression et des vocations qui peinent à éclore. Et comme le souligne un récent rapport français, la maltraitance institutionnelle se glisse souvent là où l’organisation prend le pas sur les besoins des enfants. « La qualité n’est pas un luxe, c’est une nécessité incontournable », martèle Gilles Lugrin. « Il ne s’agit pas seulement de permettre aux parents de travailler, mais de garantir à chaque enfant un environnement dans lequel il peut grandir et s’épanouir, sans négliger celui des parents et plus largement celui de la société. » Ce que les responsables de l’ESEDE appellent de leurs vœux, ce n’est pas un retour à une époque idéalisée, mais une projection vers une éducation exigeante, ancrée dans le réel, et résolument tournée vers l’humain. C’est aussi un appel à la responsabilité collective : institutions, politiques, parents, citoyens·nes. L’accueil de l’enfance n’est pas un détail organisationnel visant à maintenir une capacité de production et permettant une participation accrue des femmes au marché du travail. C’est un choix de société.

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