
Alexandra Conunova
Violoniste

Matt Dusk
Chanteur et musicien de Jazz
La Sérénade d’été revient à Genève-Plage pour sa sixième édition, du 21 au 23 août 2025. Dans un cadre idyllique, au bord de l’eau, l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) convie le public à un festival en plein air mêlant jazz, classique et ciné-concert. Rencontre avec deux invités phares : la violoniste Alexandra Conunova et le crooner canadien Matt Dusk.
Alexandra Conunova, comment vous présenteriez-vous en quelques mots ?
Je dirais : artiste, humaniste… et mère, c’est important. Je suis maman d’un garçon de treize ans.
Vous allez ouvrir le festival de l’OSR à Genève-Plage avec un concert en plein air, au bord du lac. Une ambiance très particulière. Comment abordez-vous ce moment ?
Pour moi, chaque concert est une fête. En tant qu’artiste, j’ai envie, à travers la musique, d’embellir un monde qui peut parfois nous sembler hostile, effrayant. Un monde où l’on a l’impression d’avoir perdu le contrôle et où l’on oublie de voir la beauté. Jouer en plein air, dans une atmosphère moins formelle qu’une salle de concert, c’est une occasion de partager un moment lumineux avec le public. On est ensemble, dans une ambiance détendue, au bord de l’eau, avec un magnifique orchestre… C’est un vrai plaisir.
Parlez-nous un peu de votre parcours : vous avez commencé le violon à l’âge de six ans. Pourquoi cet instrument ? Qu’est-ce qui vous a poussée à continuer ?
Je viens d’une famille typique de l’espace post-soviétique. Là-bas, si l’on naît dans une famille de musiciens, on devient musicien presque automatiquement. Ce n’est pas vraiment un choix au départ, c’est le cours naturel des choses. J’ai grandi à Chișinău, la capitale de la Moldavie, où j’ai passé toute mon enfance et mon adolescence, jusqu’à mes 16 ans.
Mais très vite, j’ai compris que, malheureusement, mon pays était très pauvre. Et comme on le sait, la culture est souvent ce que l’on néglige en premier, alors qu’elle devrait être la base d’une société saine. C’est triste, mais c’est une réalité que j’ai dû affronter. C’est aussi ce qui m’a poussée à aller voir ailleurs, à chercher d’autres horizons pour grandir comme musicienne.
Votre parcours vous a menée loin de la Moldavie. Quelle a été la suite ?
À 16 ans, j’ai quitté mon pays pour continuer mes études ailleurs, parce que je savais que pour évoluer en tant que musicienne, je devais partir. Je suis passée par plusieurs endroits, plusieurs écoles, et j’ai eu la chance de rencontrer des maîtres qui m’ont beaucoup marquée. Aujourd’hui, je suis installée à Chernex, où je me sens bien, et où mon fils grandit aussi.
Revenons au programme du 21 août. Vous jouez notamment le célèbre Introduction et Rondo Capriccioso de Saint-Saëns, mais aussi la Carmen Fantaisie de Franz Waxman et la Méditation de Thaïs. Ce sont des œuvres très expressives. Comment les abordez-vous ?
Ce sont des pièces magnifiques, très connues, mais justement… je trouve que c’est toujours un défi de jouer des œuvres que tout le monde pense connaître. Il faut leur redonner un sens, une fraîcheur, et surtout une sincérité. Je ne cherche pas à impressionner, mais à émouvoir. La virtuosité est un outil, pas une fin en soi.
Le programme met aussi en lumière deux compositrices injustement oubliées : Louise Farrenc et Emilie Mayer. Que représente pour vous le fait de les interpréter aujourd’hui, en tant que femme musicienne ?
C’est essentiel. On redécouvre enfin des voix qui ont été ignorées, effacées de l’histoire. Ce sont des œuvres fortes, puissantes, très bien écrites. Les jouer, c’est leur redonner une place légitime dans le répertoire, mais c’est aussi montrer qu’il y a eu, et qu’il y a toujours, des femmes compositrices incroyables. En tant que femme, en tant que musicienne et mère, ça me touche beaucoup.
Quel message aimeriez-vous faire passer à travers ce concert ?
Qu’on peut, même dans des temps difficiles, se retrouver, partager un moment de beauté et d’unité. Ce concert, c’est une célébration. J’espère que les gens repartiront le cœur un peu plus léger, les yeux brillants, et avec cette sensation qu’il reste de la lumière dans le monde.
Matt Dusk, vous rendez hommage à Sinatra dans ce concert à Genève-Plage. Que représente-t-il pour vous ?
Frank Sinatra, c’est un peu comme un super-héros pour moi. Il a redéfini le rôle du chanteur au 20e siècle. Sa voix, son style, sa manière de raconter une histoire avec une chanson… tout est intemporel. J’ai grandi avec sa musique. Mon père adorait lui aussi les crooners, alors j’ai eu du Sinatra dans les oreilles dès l’enfance. Et puis c’est un chanteur qui a su évoluer, se réinventer : des débuts très « big band » à ses ballades orchestrales plus tardives, il a couvert un spectre incroyable. Pour un artiste, c’est inspirant.
Votre spectacle s’intitule « The Inimitable Sinatra ». Peut-on vraiment l’imiter ?
On peut l’honorer, mais jamais l’imiter complètement. Sa voix, son phrasé, son attitude… il avait ce je-ne-sais-quoi qui le rendait unique. Moi, je me suis nourri de son style, comme un peintre qui apprend en copiant les maîtres anciens. Mais je ne cherche pas à être un sosie ou à faire un pastiche. J’essaye de restituer l’esprit, l’énergie, l’élégance, pas une copie conforme.
Qu’est-ce qui distingue ce concert d’un simple « tribute show » ?
C’est vivant ! Ce n’est pas un spectacle figé dans la nostalgie. On joue avec un big band, de vrais musiciens incroyables, en live. Il y a de l’impro, du swing, de l’émotion. On raconte des histoires, on fait rire, on fait pleurer. Je veux que les gens aient l’impression de passer une soirée avec Sinatra… mais aussi avec moi, Matt Dusk. C’est un échange.
Vous avez étudié le jazz au Canada et aux États-Unis, vous avez travaillé avec des légendes… Comment ce parcours a-t-il nourri votre approche ?
J’ai eu la chance d’étudier avec des grands comme Oscar Peterson. Ça vous donne une exigence, une rigueur. Et puis vous comprenez que le jazz, ce n’est pas juste une technique : c’est un langage, un état d’esprit. J’essaye d’apporter cette spontanéité à chaque performance. Même si on joue les mêmes morceaux, ce n’est jamais exactement le même concert. Et c’est ce qui rend la musique vivante.
Est-ce difficile de faire vivre ce répertoire aujourd’hui, face à la pop et au streaming ?
C’est un défi, oui. Mais il y a un vrai public pour ça, peut-être plus qu’on ne le pense. Cette musique a quelque chose d’universel. Elle parle d’amour, de désir, de perte, de beauté. Et quand elle est jouée avec sincérité, elle touche toujours. C’est comme un bon vin ou un classique du cinéma : ça traverse le temps.
Votre concert aura lieu en plein air, dans le cadre du festival de l’OSR à Genève-Plage. Ça change quoi pour vous ?
Oh, j’adore ça ! Chanter sous les étoiles, avec l’eau à proximité, ça donne une énergie très particulière. C’est comme si la nature devenait partie du spectacle. Et puis Genève, c’est magnifique. J’ai hâte d’y être, de retrouver le public suisse. Je sens qu’on va passer un super moment ensemble.
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