De l’horlogerie aux microtechnologies, le renouveau du Canton de Neuchâtel
Imprégné par trois siècles de savoir-faire horloger mondialement reconnu, le Canton de Neuchâtel a su se réinventer en appliquant son expertise à haute valeur ajoutée « du petit, précis, fiable et à basse consommation d’énergie » aux hautes technologies. Explications avec Matthieu Aubert, chef du service de l’économie.

Matthieu Aubert
Chef du service de l’économie, République et Canton de Neuchâtel
Le Canton de Neuchâtel est marqué par l’histoire industrielle horlogère. Quelle est-elle ?
Elle débute il y a plus de 300 ans avec les paysans-horlogers dans les montagnes neuchâteloises. C’est la première forme de diversification : les paysans ont trouvé dans la réparation, puis la fabrication des montres pendant l’hiver, un moyen de compléter leurs revenus. L’industrie horlogère s’est développée autour de cette expertise : la maîtrise du petit, précis, fiable et à basse consommation. L’arrivée de la montre à quartz, il y a 50 ans, a plongé l’industrie horlogère dans une crise aux lourdes répercussions sur l’emploi et la démographie. Porté par une forte volonté politique, le canton a mis en place une stratégie de diversification industrielle et d’attractivité, notamment via des avantages fiscaux. Elle a porté ses fruits. Des leaders mondiaux se sont implantés à Neuchâtel, attirés par ce vivier de compétences spécifiques. Le canton est aujourd’hui moins dépendant de la conjoncture horlogère.
Quelles sont ces industries qui s’appuient sur les compétences du canton et les renouvellent ?
Nous avons un tissu industriel fort, créateur de richesses, et nous avons la chance de ne jamais l’avoir perdu. L’industrie horlogère est toujours très présente, mais la dynamique a changé. Le tissu s’est diversifié avec la pharmacologie, la medtech (technologies médicales), l’automation, les semi-conducteurs, les microtechniques, etc. Les entreprises sous-traitantes ne travaillent plus seulement pour l’industrie horlogère, mais aussi pour la santé, l’aéronautique, le spatial ou les énergies renouvelables. Par exemple, le savoir-faire est similaire pour fabriquer une vis de montre et une vis ou une broche implantable dans le corps : la qualité, la sécurité, la précision doivent être irréprochables.
Le secteur des semi-conducteurs occupe une place importante à Neuchâtel. Quelle est sa force ?
Il est peu connu mais il mérite de l’être, car les semi-conducteurs sont des composants omniprésents dans notre vie : dans les ordinateurs, les téléphones, les avions, les véhicules, les machines, les panneaux solaires, les capteurs… A Neuchâtel, nous avons une des deux fonderies suisses qui fabriquent les semi-conducteurs, ainsi qu’un écosystème d’entreprises spécialisées, leaders mondiaux et start-up, impliqués dans toute la chaine de valeur. C’est un domaine où la Suisse, et en particulier Neuchâtel, jouent un rôle clé, notamment dans les MEMS (micro-electromechanical systems). Ces start-up sont issues du transfert de technologies du CSEM, le centre suisse d’innovation technologique, et de l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne). Une de nos forces est la densité d’instituts d’enseignement et de recherche.
Pouvez-vous développer ?
Nous comptons, entre autres, une université, une haute école en sciences appliquées, une école d’ingénieurs, un centre d’innovation technologique regroupant plus de 400 ingénieurs, ainsi qu’un centre professionnel de formation des apprentis. C’est une force considérable, un facteur d’attractivité pour les entreprises. Elles trouvent à Neuchâtel tous les acteurs pour les aider à mener un projet d’innovation, depuis l’idée jusqu’au produit. Elles peuvent collaborer avec le CSEM pour le prototypage et la fabrication en petite série d’un nouveau produit, une étape indispensable avant l’industrialisation. D’ailleurs, nous venons d’accorder un soutien financier de 3 millions de francs au CSEM pour moderniser sa ligne de fabrication de MEMS.
Quel est votre rôle dans le soutien à l’économie et à sa diversification ?
Nous intervenons à deux niveaux. Nous essayons d’attirer des entreprises internationales pour qu’elles s’implantent ici ou collaborent avec nos acteurs. Une action que nous menons avec l’agence de promotion économique des cantons romands, Greater Geneva Bern area. D’autre part, nous accompagnons les entreprises dans leurs projets d’innovation ou d’industrialisation, avec des aides financières, des prêts, du coaching.
Cela ressemble à un cercle vertueux. Vous avez une bonne croissance, un faible taux de chômage. Pour autant, avez-vous des défis à relever ?
Oui, bien sûr. Le canton reste tributaire de la conjoncture industrielle, d’où l’importance de diversifier l’économie. Le chômage s’est bien résorbé ces dernières années, la conjoncture était très favorable, mais elle ralentit. Le contexte géopolitique international actuel fait peser des incertitudes sur tous les secteurs d’activité, ce qui freine les investissements.
Nous avons de nombreux savoir-faire, encore faut-il le faire savoir. C’est pourquoi, en collaboration avec une start-up neuchâteloise, nous avons créé une cartographie en ligne des compétences et industries du territoire, basée sur l’intelligence artificielle (www.industrialsmartmap.ch/fr). Elle montre la richesse de l’économie neuchâteloise, avec plus de 1000 acteurs.
Un autre défi consiste à pouvoir proposer de nouveaux terrains pour accueillir les entreprises, dans des pôles de développement économique. Nous achevons leur planification. Chaque projet résulte d’une réflexion approfondie visant à concilier développement économique, qualité de vie, et préservation des ressources territoriales et de la nature. Par ailleurs, nous souhaitons attirer de nouveaux résidents pour assurer le renouvellement de la main d’œuvre, avec le départ à la retraite des baby-boomers.
Aimeriez-vous transmettre un message aux entreprises intéressées par le canton ?
L’innovation a toujours été importante. Aujourd’hui, elle est essentielle. Si la Suisse a réussi à maintenir son tissu industriel, malgré le coût de la main d’œuvre, c’est grâce aux conditions qu’elle offre : la stabilité, la sécurité et l’innovation. A Neuchâtel, le terreau est très fertile pour innover et développer ses activités.
Plus d’informations sur neuchateleconomie.ch
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