En quelques années, Julie Conti s’est imposée comme une voix incontournable de l’humour romand. Révélée sur la scène du Montreux Comedy Festival et désormais chroniqueuse sur France Inter, l’humoriste genevoise jongle entre ironie, engagement et autodérision. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours atypique, ses combats, et son amour du stand-up.
Julie Conti, si vous deviez vous définir en trois mots ?
Femme, humoriste et… conviction. Oui, conviction, ça me définit bien.
Votre humour est en effet très marqué par vos opinions et vos engagements. C’est important pour vous ?
Oui, j’aime utiliser les blagues pour servir mes convictions. Que ce soit sur scène ou dans mes chroniques, j’aborde des sujets qui me tiennent à cœur, comme le féminisme ou les stéréotypes de genre.
Vous êtes montée pour la première fois sur scène en 2019. Comment tout a commencé ?
En 2019, j’ai suivi un stage de stand-up au Caustic Comedy Club à Carouge, alors que j’étais enceinte de ma fille. C’était une expérience que je voulais tenter, mais après cela, je ne suis plus remontée sur scène pendant un long moment. Avec la pandémie en 2020, tout s’est arrêté. Ce n’est qu’après le Covid que j’ai réellement commencé à jouer régulièrement. Peu à peu, des opportunités se sont présentées et tout s’est enchaîné.
Et c’est Montreux qui a marqué un tournant ?
Oui, en 2022, j’ai eu l’opportunité de participer au gala de Baptiste Lecaplain, ce qui m’a offert une belle visibilité. À la suite de cet événement, j’ai reçu une proposition pour rejoindre France Inter. C’est une forme de reconnaissance, un peu comme Montreux, et un vrai tremplin pour la suite.
Vous faites maintenant des chroniques hebdomadaires sur France Inter tout en habitant Genève. Comment gérez-vous ces allers-retours ?
C’est un rythme intense, mais j’aime ça. Je prends le train la veille, je fais ma chronique et je repars en général juste après. Avec les enfants et mon conjoint qui est enseignant, déménager à Paris n’est pas une option. Et puis, j’adore Genève.
Votre humour est parfois qualifié d’« obscénité positive ».
Que représente cela pour vous ?
J’aime jouer avec l’ironie et les mots crus. Ça crée parfois du malaise, et j’adore ça. C’est aussi une manière de se réapproprier un langage qu’on n’attend pas forcément dans la bouche d’une femme. J’ai grandi dans le Sud-Ouest, où on a un langage fleuri. Peut-être que ça vient de là.
Vous refusez l’étiquette d’« humoriste féminine ». Pourquoi ?
Parce qu’on est humoristes, point. On ne dit jamais « un plateau d’humoristes masculins ». Alors pourquoi toujours nous catégoriser ? C’est fatigant. On nous prête aussi beaucoup d’intentions : « elles ne parlent que de leur sexe ». Mais en fait, les hommes aussi font beaucoup de blagues sur le cul. Et personne ne leur reproche. Si j’ai envie de parler de mon corps, j’en parle. Pendant des siècles, il a été utilisé pour vendre des yaourts ou des voitures. Pourquoi on ne pourrait pas le réutiliser pour en rire ?
Vous êtes inspirée par Blanche Gardin. D’autres artistes vous influencent-ils ?
Blanche Gardin, oui, parce qu’elle est libre et sans concession. J’admire la pertinence de sa présence médiatique. Mais mes inspirations viennent aussi d’ailleurs, de tout ce qui m’entoure.
Quel humoriste vous fait le plus rire ?
Aymeric Lompret, sans hésitation. Il me fait pleurer de rire.
Et quand vous étiez enfant, quels humoristes écoutiez-vous ?
Chez moi, on écoutait beaucoup Coluche. On avait des CD, et j’étais une grande fan. On l’écoutait tout le temps, je l’adorais.
Vous avez également mentionné Colette comme une source d´inspiration. Pourquoi ?
Oui, Colette, l’autrice. J’adore ses textes, sa liberté. Je peux me plonger dans les Claudine pendant des heures. C’était une femme super libre, sans concession, qui ne faisait pas semblant d’être quelqu’un d’autre. Elle a gardé son accent bourguignon dans un Paris bourgeois très codifié de l’époque. Elle ne s’est pas posé la question de savoir si elle avait sa place ou non, elle l’a prise. C’était une femme d’exception.
Vos sujets d´humour abordent parfois des thématiques sensibles, comme les questions de genre. Avez-vous déjà reçu des retours négatifs ou des réactions inattendues du public ?
Sur les réseaux sociaux, oui, quelques messages ou commentaires, mais rien de très marquant. En revanche, en direct, ça m’est déjà arrivé. Une fois sur scène, un homme complètement bourré m’a lancé un « Ta gueule, salope ! ». C’était clairement en réaction à ce que je disais. Je ne me suis pas laissée démonter, j’ai répondu et ça s’est bien passé au final.
Cela m’est arrivé trois fois, et à chaque fois, c’était des hommes. Une fois à Namass, une fois à Lausanne, une fois à Genève. Mais dans les trois cas, c’est le public qui a pris le relais et qui m’a soutenue. Ça fait du bien de voir que l’on n’est pas seule face à ce genre de situations. Et honnêtement, je ne vois pas souvent mes collègues masculins vivre ce genre de moments.
Vous tournez actuellement votre spectacle en Suisse romande. Quelles sont vos prochaines dates ?
En mai, je serai au Festival Rire Genève au Casino Théâtre. Et ensuite, à partir de septembre, je commence une tournée avec plusieurs dates.
Vous avez aussi une résidence à Paris ?
Oui, depuis le 1er avril. Chaque semaine, je joue le spectacle, ce qui est une excellente façon de le muscler et d’affiner le texte. En Suisse, il y a moins d’opportunités pour jouer très régulièrement. Cette résidence me permet d’acquérir de vrais réflexes de jeu.
En dehors du stand-up, quels sont vos autres projets ?
Je participe également à l’émission Les Décodeurs sur la première chaîne de la RTS.
Sur la RTS, j’ai une pastille humoristique dans Basique qui s’appelle Coach, où j’incarne un coach en reconversion professionnelle qui présente différents métiers. Je participe aussi à l’émission 52 minutes sur la RTS. Et de temps en temps, je suis sur OneFM, même si un peu moins, car mon planning est bien rempli !
Avez-vous déjà hésité à faire une blague sur scène ?
Oui, j’ai une blague sur la contraception masculine que je fais sur scène, mais que je ne mettrai jamais en vidéo. Certaines blagues passent bien en spectacle, car il y a un lien avec le public. Mais en vidéo, hors contexte, elles pourraient être mal perçues.
Vous avez dit en interview être « trop cash ». C´est un atout ?
Oui, je pense que c’est plutôt une qualité. J’aime quand on me parle franchement, alors j’ai tendance à faire pareil. Mais paradoxalement, j’ai du mal à dire non dans certaines situations. Sur scène, cela fait partie de mon personnage : être directe, sans concession.
Si vous pouviez faire un duo avec un humoriste, vivant ou disparu, qui choisiriez-vous ?
Oh, c’est dur ! Allez, je vais choisir Jacqueline Maillan. C’était une comédienne française fascinante. Elle est morte en 2002, mais j’aurais adoré collaborer avec elle.
Si vous deviez définir votre humour en une punchline, laquelle serait-ce ?
Je crois que ce serait : « Si tu veux savoir, paye ton billet et viens me voir. » C’est ce que j’aime bien dire parce qu’en tant qu’humoriste, on me demande tout le temps : « Oh, t’es humoriste ? Vas-y, fais une blague. » Donc je réponds toujours cette phrase.
Quel est votre mantra ?
Il y a une phrase que je me dis souvent, et qui est un peu devenue mon mantra, surtout quand je doute ou que mon syndrome de l’imposteur refait surface. Je me demande : « Que ferais-je si j’étais un homme blanc hétérosexuel ? » En général, ça m’aide à prendre beaucoup plus de liberté et à oser faire des choses que je n’aurais jamais osé autrement.
Avez-vous un exemple d’une situation où ce mantra vous a aidée ?
Oui ! Lorsqu’on m’a proposé de monter sur scène alors que je n’avais que quelques mois d’expérience. J’ai hésité, je me suis dit que je n’étais peut-être pas légitime. Puis je me suis demandé : « Est-ce qu’un homme blanc hétéro aurait refusé cette opportunité en doutant de lui-même ? » Probablement pas. Il se serait juste dit : « Ils m’ont choisi parce que je suis un putain de génie. » Et donc, maintenant, quand j’ai des doutes, je me répète ça. Et j’avance.
Julie Conti au Casino Théâtre de Genève
Le 10 mai, ne manquez pas le spectacle de Julie Conti au Casino Théâtre de Genève ! Avec chaque billet, vous aurez également accès à la performance de Jérémy Crausaz, l´un de ses amis les plus chers de la scène romande. Une soirée à ne pas manquer !
Réservez vite votre place !
www.rire-geneve.ch/fr/programme/julie-conti-98
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