Interview par Alix Senault

Céline Lazorthes : Le parcours inspirant d’une entrepreneure visionnaire

La fondatrice de la cagnotte Leetchi dévoile ses projets et sa vision : un modèle pour les femmes en quête d’entrepreneuriat.

Fondatrice de la célèbre cagnotte en ligne Leetchi, Céline Lazorthes n’a cessé de bousculer les codes de l’innovation. Diplômée d’HEC, elle imagine dès ses études un modèle simple et accessible de cagnotte en ligne : Leetchi était née. Le succès fulgurant de cette plateforme l’amène à créer MangoPay, une solution de paiement en ligne, puis, en 2021, Resilience, un outil de suivi destiné aux oncologues, développé en partenariat avec le centre Gustave-Roussy et Unicancer. Portrait d’une entrepreneure audacieuse, portée par une passion inébranlable pour la création et l’impact.

Qu’est-ce qui vous motive depuis vos débuts dans l’entrepreneuriat ?

« Il y a plusieurs raisons. Au départ, il s’agissait de trouver une forme de liberté. Entreprendre me permettait de m’exprimer pleinement, de chercher du sens, et de m’engager pour des causes qui me tenaient à cœur. J’ai aussi démarré avec une certaine naïveté, nourrie par mes expériences personnelles et professionnelles. Puis la curiosité a pris le relais, ainsi que l’envie de créer. Je me définis comme une personne très créative, parfois même manuelle. J’aime faire émerger des choses nouvelles qui changent la vie des autres ! »

Leetchi a transformé la manière de gérer les cagnottes en ligne. Quels ont été, selon vous, les clés de ce succès ?

« C’est une combinaison de nombreux facteurs, mais surtout beaucoup de travail, d’abord ! Le succès ne s’est pas construit en trois mois. J’ai lancé Leetchi en juin 2008, et je me suis énormément investie personnellement. Il y a aussi eu une question de bon timing : à l’époque, le crowdfunding n’existait quasiment pas. Nous avons aussi bénéficié d’événements favorables – c’est toujours plus facile de surfer une vague que de la créer soi-même… Par exemple, certains événements de solidarité entre citoyens très médiatisés ont généré des cagnottes importantes atteignant parfois plusieurs millions d’euros ; renforçant ainsi l’idée que les français sont solidaires et veulent le montrer en participant à des actions collectives ! »

Céline Lazorthes

Image : Thibault Marais

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en tant que femme cheffe d’entreprise ?

« J’ai bien sûr rencontré toutes les difficultés classiques liées à la création d’entreprise : viabilité financière, recrutement, levée de fonds… Mais en tant que femme, jeune de surcroît, dans le secteur bancaire, j’ai souvent manqué de crédibilité. C’est un monde qui reste très masculin. Aujourd’hui, je bénéficie d’une forme de reconnaissance, mais ce fut un long chemin. C’est aussi ce constat qui m’a poussée à créer l’association SISTA, pour favoriser une plus grande diversité dans l’entrepreneuriat dont la charte pour l’émergence de leaders diversifiés, fêtera ses 5 ans cette fin d’année. »

Vous avez cofondé Resilience, un outil de télésurveillance pour les patients atteints de cancer. Où en est ce projet aujourd’hui ?

« Resilience vise à démocratiser la télésurveillance en cancérologie. L’outil permet aux patients de renseigner les effets secondaires induits par leurs traitements et constantes vitales, et ainsi permet une meilleur organisation des soins au sein de l’hôpital. Cela a un impact réel sur leur qualité de vie, tout en réduisant les coûts médico-sociaux. Après quatre années d’engagement, j’ai quitté l’aventure avec le sentiment du devoir accompli, notamment après avoir obtenu le remboursement de la solution par la Sécurité sociale. »

Vous êtes administratrice à la SNCF, chez Iliad, et dans le family office Florac. Que vous apportent ces rôles de gouvernance ?

« Ces fonctions sont passionnantes. Ce sont des responsabilités très différentes de l’entrepreneuriat. À la SNCF, entreprise publique en pleine transformation, je suis impliquée depuis la nomination en 2019 du président Jean‑Pierre Farandou, que je salue, et c’est une chance de pouvoir servir les intérêts de cette société. Chez Iliad, acteur majeur des télécoms récemment sorti de la Bourse, je découvre une nouvelle vision stratégique passionnante. Et chez Florac, un family office, j’interviens sur l’évaluation de dossiers d’investissement dans des secteurs très variés. Être administratrice, c’est un peu comme suivre un MBA en direct : j’en apprends énormément sur la gouvernance de grandes structures. »

En 2020, vous avez initié le Parental Act. Quel en était le but ?

« L’idée m’est venue après la naissance de mon fils. Mon compagnon n’a pu rester que quelques jours à la maison, et je me suis vite retrouvée seule, submergée. J’ai alors compris à quel point ce moment-clé pouvait renforcer les inégalités. La mécanique patriarcale se met très vite en place à ce moment-là, ce constat m’a mis en colère. Avec Isabelle Rabier et Thibault Lanthier nous avons alors imaginé un projet de congé parental d’un mois minimum pour tous les deuxièmes parents. Nous avons publié un manifeste dans Les Échos avec plus de 400 entreprises signataire. Nous avons compris, à ce moment-là que la société tout entière était fin prête. À la rentrée 2020, l’Élysée m’a appelée. Emmanuel Macron m’a reçue, et en juillet, la loi était promulguée. C’est une grande victoire et une je suis heureuse d’avoir contribuée à cette avancée sociale à ma façon. »

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent entreprendre ?

« Je dirais trois choses : surtout bien s’entourer, de personnes optimistes, dans la vie personnelle comme professionnelle. L’entrepreneuriat est une aventure solitaire. J’ai eu la chance d’avoir une famille présente, un frère et des parents qui m’ont toujours soutenue. Et, côté pro, des administrateurs de qualité. Ne jamais rien lâcher. La pugnacité est une qualité précieuse et il faut rester concentré, même lorsque tout vacille. Enfin, il faut garder une forme de légèreté. Il faut faire les choses sérieusement, sans se prendre trop au sérieux. Le dirigeant est un chef d’orchestre, certes, mais sans les musiciens, il n’y a pas de musique… »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

04.09.2025
par Alix Senault
Article Précédent